Non, l’idéal de parité n’est pas superficiel

En réponse à la chronique de Lysiane Gagnon, « La parité et le néo-paternalisme », publiée samedi dernier.

Chère Lysiane Gagnon, dans votre chronique du 24 mars intitulée « La parité et le néo-paternalisme », vous pourfendez l’objectif de parité hommes-femmes au sein de nos institutions, le qualifiant d’initiative plus inspirée par les bons sentiments que par l’intérêt public. J’aimerais en toute cordialité différer d’opinion. Plus de 40 années d’expérience à la direction de diverses organisations publiques et privées et au sein de nombreux conseils d’administration m’ont convaincue du contraire.

Ayant souvent été la seule femme à la table de décision, j’ai pu être un témoin privilégié des biais cognitifs qui s’érigent en obstacle à l’avancement des femmes. Comme ces biais sont, la plupart du temps, involontaires et partagés par les deux sexes, ils sont très difficiles à contourner. D’où la nécessité de forcer un peu les choses pour s’en défaire. Car en ces matières, les progrès ne viennent jamais seuls.

Je suis d’accord avec vous qu’il faut encourager et soutenir les femmes tôt dans leur parcours professionnel, c’est encore le meilleur moyen pour nos sociétés de se constituer un bassin de recrutement de personnes compétentes, notamment pour l’embauche de cadres. Mais de nos jours, le problème n’est plus là : nos universités diplôment plus de femmes que d’hommes depuis plusieurs années déjà.

Les femmes compétentes sont légion. Ce qu’il faut, c’est leur faire plus de place !

Comment ? D’abord et avant tout en adaptant nos environnements de travail et en flexibilisant nos processus de cheminement de carrière. Nos entreprises et nos organisations n’ont pas encore pris la pleine mesure de l’arrivée des femmes sur le marché de l’emploi. Aucune femme ne devrait être pénalisée sur le plan professionnel pour les choix qu’elle fait sur le plan personnel.

Recherche universitaire

Vous abordez aussi la question de la recherche universitaire, un sujet que je connais bien. En évoquant les exigences d’équité et de diversité des organismes fédéraux qui financent la recherche, vous vous demandez à juste titre si l’évaluation au mérite ne devrait pas primer toute autre considération dans ce domaine très compétitif.

Sur ce point, je suis en accord avec vous. Le mérite doit primer. Toutefois, après évaluation des dossiers, à candidatures de qualité égale, rien ne nous empêche d’innover afin que notre processus de sélection soit plus équitable pour les femmes. L’essentiel est que ce processus soit connu et compris de tous et qu’il soit au-dessus de tout soupçon.

Il n’y a aucune raison statistique pour que les femmes soient moins représentées que les hommes dans un programme comme celui des chaires de recherche du Canada, qui soutient les meilleurs chercheurs au pays.

À l’Université de Montréal, les femmes n’occupent que 24 des 95 chaires attribuées à notre établissement, même si nos laboratoires et nos centres de recherche accueillent en grand nombre des chercheuses compétentes et que les femmes comptent pour 41 % du corps professoral.

En 2017, nous avons mis en place à l’UdeM un nouveau processus d’évaluation des candidatures pour ces chaires qui, bien qu’il se fonde d’abord sur l’évaluation de la compétence, comprend une formation sur les biais implicites pour les évaluateurs. Ce nouveau processus a engendré une augmentation significative des candidatures féminines. Cela est la preuve que l’excellence au féminin existe dans nos milieux et que nous devons nous assurer que les biais implicites ne nous empêchent pas de l’identifier.

Nous ne sommes pas ici devant un enjeu frivole, mais devant des considérations fondamentales qui touchent au progrès de notre civilisation, c’est-à-dire à notre capacité d’aller chercher toute l’intelligence de notre société et de faire jaillir les meilleures idées, partout où elles se trouvent.

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