Philippe Couillard en entrevue éditoriale à La Presse

L’environnement, mais pas avant l’économie

Alors que le Québec affiche un retard dans l’atteinte de ses cibles de réduction de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2020, Philippe Couillard se dit toujours optimiste. À sa sortie hier d’une entrevue éditoriale à La Presse marquée par le thème de l’environnement, le chef libéral a dévoilé ses promesses vertes, promettant de bannir les pailles de plastique des bars et des restaurants s’il est réélu.

Dans son plan d’action environnemental, le Québec s’est fixé l’objectif de réduire de 20 % d’ici 2020 et de 37,5 % d’ici 2035 les émissions de GES sous leur niveau de 1990.

« Je pense que c’est fort possible qu’on atteigne [ces cibles], […], mais il faut protéger les emplois des gens aussi. Si vous ne faites pas ça, vous allez perdre le soutien de la population, [car] il y a une limite à [la] bonne volonté. Les gens veulent vivre aussi. »

— Philippe Couillard

En mars dernier, la ministre de l’Environnement, Isabelle Melançon, confirmait que les GES avaient diminué de 8,8 % au Québec en date de 2015 par rapport au niveau de 1990.

Philippe Couillard défend malgré tout son bilan environnemental. Il propose de nouvelles mesures pour accélérer les changements, notamment en finançant les municipalités pour qu’elles installent des bacs de recyclage à côté des poubelles publiques et en modernisant les centres de tri pour qu’ils acceptent les plastiques no 6 (peu recyclables).

« Mais 40 % des émissions de GES au Québec viennent des transports. […] Le grand chantier du Québec, avec l’éducation, c’est la mobilité durable. On a actuellement 13 milliards de projets en déploiement. Il n’y a pas que le REM [Réseau express métropolitain] », a ensuite précisé le chef libéral.

« L’erreur du mouvement écologique »

Pour Philippe Couillard, « l’erreur du mouvement écologique » est de parfois sous-estimer l’impact de ses actions sur la vie des gens.

« Moi, je voudrais bien qu’on ait des véhicules électriques partout, mais ça s’adonne que mes voisins dans la circonscription de Roberval sont des agriculteurs et des forestiers. Avant qu’ils laissent tomber leur pick-up, ça va prendre quelques années », a-t-il dit, affirmant que ces derniers n’avaient pas d’autres options pour poursuivre leur travail dans les champs et en forêt.

« Pour moi, l’erreur du mouvement écologique, qui est une erreur grave, c’est de délaisser et de minimiser les conséquences sociales de leurs actions. […] Quand tu poses des actions qui ont comme résultat de disloquer l’économie de communautés entières, tu ne fais pas du développement durable. »

— Philippe Couillard

« Ce qui m’irrite vraiment dans le discours [environnemental], c’est qu’on dit : “Vous vous trouverez d’autres jobs.” Ah oui ? Quelles jobs ? […] C’est vrai qu’on développe de meilleurs emplois au Québec liés à la technologie verte, mais le gars de 55 ans qui conduit un camion chez nous, pour lui, qu’est-ce qu’on va faire ? Quelle explication on va lui donner quand son emploi est menacé ? », s’est-il ensuite questionné.

« La transition [écologique] va se faire au Québec, [mais elle] va se faire avec l’adhésion de la population, et pas au détriment de son niveau de vie », a-t-il conclu.

Retour de la loi 20

Philippe Couillard s’est dit vivement déçu hier de voir que le nombre de Québécois qui ont un médecin de famille a stagné depuis que son gouvernement a mis en veilleuse les dispositions coercitives prévues par la « loi 20 ».

« Il y avait [dans la loi] un article contraignant pour les médecins afin qu’ils prennent de nouveaux patients. Il a été suspendu à leur demande, [mais] à partir du moment où on l’a fait, le taux d’inscription qui était en croissance constante a soudainement plafonné. On a arrêté d’avoir du progrès », a expliqué M. Couillard.

« J’envoie un message très clair : je n’aurai pas d’états d’âme à réactiver l’article. Je veux voir la reprise de la progression des inscriptions, qu’on arrive à 85 % et qu’on vise 90 % » de Québécois qui ont un médecin de famille, a-t-il poursuivi.

Rigueur budgétaire

Philippe Couillard croit qu’instaurer ses politiques de rigueur budgétaire plus lentement aurait été une erreur. « Si on avait fait ça, on serait encore en train de jaser de compressions », a-t-il déclaré hier.

« Ça n’a jamais été pour moi un exercice de comptabilité. C’était un exercice de libération [du] Québec pour qu’on ait des choix véritables devant nous. C’est assez poétique de voir maintenant mes adversaires présenter des engagements à coups de milliards qui viennent de marges de manœuvre qu’on a générées », a-t-il ajouté.

Électorat francophone

Le chef libéral ne s’inquiète pas du faible taux d’appui qu’il obtient ces jours-ci auprès de l’électorat francophone dans les sondages. « Ce n’est pas vrai », a-t-il réagi, hier, lorsqu’il a été questionné à ce sujet.

« Je suis élu dans [une circonscription] 100 % francophone. Cette histoire que les libéraux ne sont pas populaires chez les francophones, ce n’est pas vrai. Les priorités en santé et en éducation sont les mêmes pour tout le monde », a-t-il renchéri.

« Moi, [ma circonscription], c’est le cœur du Québec francophone. Il n’y a pas plus francophone que le Lac-Saint-Jean. C’est 102 % francophone », a-t-il ajouté.

Baisses d’impôts

Philippe Couillard a réitéré hier qu’il ne baisserait pas les impôts avant d’« atteindre le rythme de croisière minimum décrit dans le cadre financier pour la santé et l’éducation ».

Puis, « s’il y a des baisses d’impôts, elles se feront […] pour la déduction de base [pour] les gens de la classe moyenne et de la classe moyenne basse », a-t-il précisé.

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