Hockey mineur

En finir avec les classements ?

Chaque hiver au Québec, des marqueurs se déplacent dans les arénas de la province pour recueillir la moindre statistique : les buts, les passes, les gagnants, les perdants. C’est ainsi depuis la nuit des temps, une habitude qui semble indissociable du sport.

Mais voilà que de plus en plus de spécialistes remettent en question cette façon de faire chez les jeunes. Est-il sain de se concentrer autant sur la victoire à 8 ou 9 ans ? Ils sont de plus en plus nombreux à répondre non à cette question.

La Fédération finlandaise de hockey est la plus récente organisation en date à éliminer les classements et les statistiques chez ses jeunes joueurs. Depuis le début de la saison, les petits Finlandais de moins de 12 ans n’ont plus accès à un classement des équipes ni aux statistiques individuelles.

Les Finlandais n’ont pas pris cette décision pour couver leurs joueurs, pour les préserver de tout esprit de compétition. Ils ont pris cette décision parce qu’ils estiment qu’en définitive, elle fera de meilleurs joueurs de hockey.

« On s’est rendu compte que certains parents et malheureusement certains entraîneurs accordaient beaucoup trop d’importance aux classements », explique en entrevue Kalle Väliaho, responsable du hockey mineur à la Fédération finlandaise de hockey.

« [Certains parents et entraîneurs] se concentraient sur la victoire, ce qui parfois n’était pas dans l’intérêt des jeunes et de leur développement. »

— Kalle Väliaho, responsable du hockey mineur à la Fédération finlandaise de hockey

Depuis des années, la Finlande est perçue comme un leader dans le développement des joueurs. Au dernier repêchage de la LNH, trois Finlandais ont été sélectionnés parmi les cinq premiers (Patrik Laine, Jesse Puljujärvi et Olli Juolevi). Il s’agit d’un impressionnant tour de force pour une nation de 5,5 millions d’habitants.

La recette de la Finlande ressemble beaucoup à celle de la Suède : pour les joueurs en bas âge, on se concentre sur les habiletés, on met de côté les systèmes de jeu, on essaie d’avoir un temps de glace égalitaire et on s’exerce beaucoup plus souvent qu’on ne dispute de matchs.

Mais ce que les Finlandais ont constaté, c’est que les classements pouvaient nuire à cette recette. « Parfois, pour gagner, un entraîneur pouvait sauter un entraînement pour que ses jeunes se reposent en vue d’un match. Ou un entraîneur pouvait consacrer un entraînement à parfaire l’avantage numérique, explique Kalle Väliaho. Mais à cet âge, étudier l’avantage numérique, ce n’est pas optimal. On n’est pas rendus là. »

Donc, depuis cette année, les jeunes de moins de 12 ans disputent leurs matchs avec un score. Il y a un gagnant et un perdant. Mais aucun classement n’est tenu et il n’y a aucun champion à la fin de la saison. Il n’y a plus non plus de tableau statistique avec les meilleurs marqueurs.

Un mouvement mondial

La mise au rancart des classements et des statistiques en bas âge n’est pas propre au hockey finlandais. Au soccer, de plus en plus de fédérations nationales adoptent cette voie. Au Québec par exemple, de nombreux joueurs de soccer de moins de 12 ans évoluent sans classement.

« Ce n’est pas seulement au Québec, c’est une tendance mondiale. L’idée, c’est que l’enjeu ne peut pas prévaloir sur le jeu. Quand on est en phase de développement, l’important, ce sont les fondamentaux et non les résultats et les classements », explique le directeur technique de Soccer Québec, Éric Leroy.

Depuis quelques années, les joueurs de soccer U12 de catégorie A n’ont plus de classement. Soccer Québec devrait élargir cette mesure aux joueurs AA. Dès la saison prochaine ou la suivante, tous les joueurs québécois de moins de 12 ans pourraient donc évoluer sans classement.

« Un des buts est de retirer la pression extérieure des parents, qui n’est pas toujours très saine, ajoute Éric Leroy. On veut mettre l’accent sur le plaisir du jeu et l’apprentissage. Les classements créent souvent un environnement qui nuit au développement. »

Pas de discussion à Hockey Québec

L’élimination des classements aux niveaux novice et atome n’est pas dans les plans de Hockey Québec. La fédération n’a pas de discussion à cet effet, explique le directeur technique, Yves Archambault.

« Ce n’est pas vraiment là l’enjeu, à mon avis. Peut-être que ça passe plus facilement dans une culture européenne. Ici, ça fait partie de notre quotidien. »

— Yves Archambault, directeur technique à Hockey Québec

Tout comme la Finlande, Hockey Québec dit vouloir privilégier le développement des habiletés en bas âge. « Quand on parle de gagner à tout prix, c’est souvent qu’on met l’accent sur le jeu d’équipe au détriment du développement des habiletés, explique Archambault. Dans le pee-wee, on essaie de consacrer 75 % du temps aux habiletés individuelles. »

Hockey Québec a une bonne relation avec la fédération finlandaise. Les deux organisations vont d’ailleurs se rencontrer à Montréal en janvier en marge du Mondial junior. Peut-être que Hockey Québec va s’informer de la nouvelle mesure finlandaise ?

Au Québec, certains acteurs du milieu sont pour la position finlandaise. « C’est une mesure très intelligente, on se dirige vers ça ici aussi », a déclaré sur Twitter l’entraîneur-chef des Mooseheads de Halifax, André Tourigny.

Entre-temps, le hockey finlandais réfléchit encore aux manières d’améliorer son modèle de développement. « Peut-être qu’à l’avenir, chez les U10, on pourrait insister sur le plaisir du jeu, et moins se concentrer sur le chandail qu’on a sur le dos », explique Kalle Väliaho, de la Fédération finlandaise de hockey.

« Par exemple, si une équipe a sept patineurs et que l’autre en a vingt, alors on mélange tout le monde et on joue au hockey. Peut-être que c’est ça, l’avenir au U10 ? On verra. On a l’œil sur la recherche scientifique, sur ce que disent les spécialistes. On essaie de faire ce qui est le mieux pour les enfants. »

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.