En quoi cela concerne-t-il le Québec ?

Le Québec et l’Ontario font partie, avec huit États américains, du Conseil régional des ressources en eau des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent, qui sera appelé à se prononcer sur le projet. L’organisme n’a pas le pouvoir de bloquer le projet, mais son avis pèsera très lourd. Québec « fera donc partie de la décision », a résumé la porte-parole du ministre de l’Environnement, David Heurtel. Le cas de Waukesha marque la première fois qu’une ville située hors du bassin des Grands Lacs tente d’obtenir une autorisation spéciale de cette nature.

Contaminé

La petite ville de Waukesha, non loin de Milwaukee, a déjà été surnommée la « Saratoga de l’Ouest » en raison de la qualité de son eau de source minérale, réputée pour ses propriétés curatives. Mais à mesure que la ville a grandi, des centaines de maisons et de commerces ont puisé leur eau dans la nappe phréatique. À la longue, celle-ci a été contaminée au radium, un métal naturellement présent, mais dont les concentrations augmentent à mesure que le niveau d’eau de la nappe baisse. Un tribunal a donné à Waukesha jusqu’à 2018 pour trouver une nouvelle source d’approvisionnement en eau potable.

Solution controversée

Waukesha souhaite construire une canalisation pour puiser son eau dans le lac Michigan, situé à une vingtaine de kilomètres de son territoire. La ville prélèverait chaque jour près de 40 millions de litres et retournerait une quantité équivalente d’eaux traitées dans le lac. Le projet est vite devenu un enjeu régional, car un traité signé notamment par huit États américains interdit le détournement d’eau des Grands Lacs hors du bassin versant. Waukesha doit donc obtenir une exemption à cette règle. Une consultation publique se penche sur le projet jusqu’au 14 mars.

APPROVISIONNEMENT EN EAU POTABLE

QUÉBEC PRESSÉ DE S’OPPOSER À UN PROJET AU WISCONSIN

Le gouvernement Couillard est instamment pressé de s’opposer à ce qu’une ville de 70 000 habitants puise son eau potable… dans le lac Michigan. Québec doit prendre position sur un projet controversé de la municipalité de Waukesha, au Wisconsin, située à plus de 1500 km de Montréal, en vertu d’une entente liant la province à huit États américains et l’Ontario. Explications.

Heurtel muet

Où se situe le gouvernement Couillard sur cette question ? Le ministre de l’Environnement, David Heurtel, refuse de le dire. « Nous ne ferons pas de commentaires additionnels avant que la décision ne soit rendue », a affirmé sa porte-parole, Marie-Catherine Leduc.

Québec interpellé

Nature Québec presse le gouvernement Couillard de s’opposer au projet de Waukesha. À ses yeux, la municipalité n’a pas pris les mesures appropriées pour préserver ses sources existantes d’approvisionnement en eau potable. Son porte-parole, Marc Hudon, estime que le détournement et la pollution de l’eau en amont ont des conséquences chez nous. « La goutte d’eau qui part en haut à la tête du lac Supérieur va arriver à Montréal et à Québec, illustre-t-il. Si elle est polluée ou en partie prélevée, ç’a un coût pour nous. »

Quels sont les risques ?

L’Alliance des villes des Grands Lacs et du Saint-Laurent craint que le cas de Waukesha ne crée un dangereux précédent. Quatre autres villes américaines envisagent de puiser de l’eau dans les Grands Lacs. Il s’agit des villes de Fort Wayne, St. John et Valparaiso en Indiana, ainsi que de Muskego dans le Wisconsin. Le porte-parole de l’Alliance, Scott McKay, craint qu’il ne soit difficile de bloquer des projets semblables si Waukesha obtient le feu vert. « C’est un dossier qui devrait préoccuper l’ensemble des citoyens qui vivent dans le bassin des Grands Lacs et du Saint-Laurent », résume-t-il.

Des traces du « flushgate »

Certains craignent que Québec n’ait pas l’autorité morale pour s’opposer au projet. Pas plus tard qu’en octobre, Montréal a déversé huit milliards de litres d’eaux usées dans le Saint-Laurent. Le gouvernement Couillard a donné son feu vert à cette décision controversée de l’administration Coderre, qui a été critiquée jusqu’aux États-Unis. « On a passé pour des clowns, dénonce Marc Hudon, de Nature Québec. […] On dit aux gens en amont qu’on veut que vous protégiez l’eau pour nous, et nous, on y déverse nos excréments. »

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