Des spéculateurs parient sur la déconfiture des centres commerciaux américains
Aux États-Unis, des investisseurs audacieux font le pari que le marché des prêts hypothécaires faits aux galeries marchandes connaîtra le sort tragique qu’ont connu les hypothèques résidentielles à haut risque (« subprime ») il y a près de 10 ans.
Il est vrai que les mauvaises nouvelles s’accumulent dans le commerce de détail. Les grands magasins Macy’s, J.C. Penney et Sears ont annoncé des centaines de fermetures de magasins, à eux trois, plaçant leurs propriétaires sur le qui-vive. Ces fermetures surviennent dans un contexte où le commerce sur internet plombe les ventes au pied carré des mails de façon généralisée.
À Kingston, dans l’État de New York, le Hudson Valley Mall, qui a perdu un J.C. Penney et un Macy’s, a été revendu pour moins de 20 % de la valeur initiale de son prêt hypothécaire de 50 millions US.
À l’image des investisseurs Steve Eisman et Michael Burry, popularisés par le livre et le film The Big Short, qui ont parié sur la déconfiture du marché des prêts hypothécaires risqués, des fonds d’investissement font aujourd’hui un pari semblable à l’endroit des prêts hypothécaires sur les centres commerciaux, rapportait l’agence Bloomberg le 13 mars.
Pour ce faire, ils s’y prennent de la même façon que les acteurs Steve Carell et Christian Bale dans le film sorti en 2015 en vendant à découvert certaines tranches des obligations constituées de prêts hypothécaires de centres commerciaux (« collateralized debt obligations », ou CDO).
Pour ce faire, les investisseurs à contre-courant achètent des instruments de protection de crédit (« credit default swap », ou CDS) qu’ils paient en versant des primes mensuelles tant et aussi longtemps qu’ils maintiennent leur position.
Ce genre d’achat est à la hausse en ce début d’année, souligne Bloomberg, citant des chiffres de la chambre de compensation Depository Trust & Clearing Corp.
Les détenteurs de CDS font leur argent quand les pertes s’accumulent dans le conduit obligataire composé de prêts hypothécaires. Ces pertes sont causées par les retards et les défauts de paiement sur les prêts des centres commerciaux.
Au Canada, la vente à découvert d’obligations constituées de prêts hypothécaires commerciaux n’existerait pratiquement pas pour le moment, selon les informations recueillies par La Presse.
« Le marché est très limité. En fait, je ne me rappelle pas la dernière transaction réalisée, dit un financier sous le couvert de l’anonymat. Pour qu’un marché permette la présence de shorts, il doit y avoir un marché liquide dans lequel un short peut couvrir sa position au jour le jour, donc des investisseurs ayant une position longue qui prêteraient leurs titres en repo. Ce n’est pas le cas, à ma connaissance. »
N’empêche, la situation des centres canadiens est loin d’être au beau fixe. La fermeture précipitée des Target au printemps 2015 continue de peser sur la performance locative des propriétaires.
Par exemple, les revenus tirés d’immeubles commerciaux sont à la baisse chez Cominar, plus important propriétaire non résidentiel au Québec. L’occupation a remonté dans ses centres à 93,0 % au quatrième trimestre 2016, après avoir baissé à 89,8 % en 2015.
L’un des principaux propriétaires de centres commerciaux au pays, RioCan, affiche un taux d’occupation de 95,3 % au troisième trimestre 2016. Il était de 97 % à la période équivalente en 2014.
Néanmoins, d’autres propriétaires, comme BTB, de Montréal, veulent augmenter leur exposition au secteur commercial au cours des prochains mois. « Actuellement, le marché voit tout en noir en ce qui a trait aux centres commerciaux, dit en entrevue Michel Léonard, président et chef de la direction. Mais nous pensons que les consommateurs auront toujours besoin de magasins physiques », affirme-t-il. BTB achète surtout des centres linéaires ayant un supermarché ou une pharmacie comme locataires principaux.
— Avec Marie-Eve Fournier et Richard Dufour, La Presse