Départ de la politique 

Thomas Mulcair n’a pas dit son dernier mot

Ottawa — Sa voix se fait moins entendre à la Chambre des communes depuis 10 mois. Et elle n’y résonnera plus après le 22 juin. Mais Thomas Mulcair, député d’Outremont depuis 2007 et ancien chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), n’a pas dit son dernier mot, même s’il entreprendra bientôt une nouvelle carrière.

Alors que la session parlementaire tire à sa fin à Ottawa – une session marquée par un budget fédéral sans saveur, un voyage controversé du premier ministre Justin Trudeau en Inde, l’achat par Ottawa du pipeline Trans Mountain et une guerre commerciale entre le Canada et les États-Unis –, Thomas Mulcair a le regard tourné résolument vers l’avenir. Certes, il aurait aimé être aux premières loges pour attaquer au nom du NPD le bilan du gouvernement Trudeau. Mais les militants du parti en ont décidé autrement, il y a deux ans, à Edmonton.

D’ici quelques semaines, donc, il entreprendra sa nouvelle carrière de professeur invité au département de science politique de l’Université de Montréal, où il enseignera principalement dans le tout nouveau programme de maîtrise en environnement et développement durable.

Dans une entrevue accordée mardi à son bureau de la colline du Parlement, où les boîtes de déménagement commençaient à changer le décor, Thomas Mulcair n’affichait aucune amertume, bien au contraire. Détendu et serein, il a d’ailleurs indiqué qu’il maintiendrait une « présence dans les médias », même après son départ de la politique, laissant entendre qu’il avait déjà reçu des offres pour agir à titre de commentateur ou d’analyste, sans toutefois vouloir donner plus détails.

« Je vais maintenir une présence dans les médias. Après tout, j’ai pris la circonscription de Jean Lapierre et il est tout à fait normal que je complète la passe », a indiqué M. Mulcair, faisant allusion à l’illustre carrière de feu Jean Lapierre à titre de commentateur dans les médias après son retour en politique fédérale.

M. Mulcair, qui connaît fort bien les rouages de la politique fédérale et de la politique provinciale, ayant été député pendant plus d’une décennie à la Chambre des communes après avoir siégé à l’Assemblée nationale pendant 13 ans, n’écarte pas non plus l’idée d’écrire un livre sur les événements qui ont mené les militants du NPD à lui retirer leur confiance en avril 2016 à Edmonton. « Ça mériterait peut-être un livre un jour, car les gens se demandent toujours ce qui s’est passé. Mais pour l’instant je vais continuer à faire une chose : parler positivement de l’ensemble du parti, que ce soient ses composantes au niveau provincial ou fédéral. »

Le NPD, le Québec et Jack Layton

Bien que le pouvoir lui ait glissé entre les mains durant la campagne électorale de 2015 – le NPD était en tête dans les sondages durant une bonne partie de la bataille électorale avant de se faire coiffer au fil d’arrivée par les libéraux de Justin Trudeau –, M. Mulcair affirme que le NPD a maintenant des racines profondes au Québec.

« J’ai toujours été convaincu que les valeurs du NPD étaient les valeurs des Québécois. C’était la vision qu’on avait avec Jack Layton », a affirmé M. Mulcair, qui est celui qui a donné le coup de main essentiel qui a permis à Jack Layton de conquérir le cœur des Québécois en se faisant élire dans la circonscription d’Outremont à la faveur d’une élection partielle en 2007.

« Nous n’avons pas réussi à faire élire d’autres députés aux élections générales de 2008, mais nous étions quand même pris au sérieux et l’offre positive a continué. Nous avions travaillé sans relâche. Ç’a donné la vague orange en 2011 », s’est-il rappelé.

« Même si nous n’avons pas gagné en 2016, Jack Layton serait tellement fier de voir aujourd’hui qu’il y a 16 députés forts du Québec pour le NPD à la Chambre des communes. Ces députés sont bien implantés dans leur milieu. Ils sont respectés et travaillants, avec de bons dossiers. C’est cela, l’espoir. » 

— Thomas Mulcair

« Ça devient de plus en plus solide, le NPD, a-t-il ajouté. Le parti demeure complètement dans la “game politique” au Québec. Mais le travail doit continuer. »

M. Mulcair reconnaît toutefois que le NPD aura du pain sur la planche pour conserver la circonscription d’Outremont, devenue le symbole de la percée du parti au Québec.

« Ça va être un défi, mais il faut la protéger comme la prunelle de nos yeux », a-t-il dit, convenant que cette circonscription était « le comté de Thomas Mulcair ». « Je crois que j’ai réussi, pour citer mon prédécesseur Jean Lapierre, à entretenir des relations avec les trois Outremont qu’il aimait bien : Outremont ma chère, Outremont pas cher et Outremont kasher. J’ai réussi à avoir une bonne relation avec les trois », a-t-il dit.

Pour l’heure, M. Mulcair n’a pas l’intention de faire campagne pour aider le candidat du NPD une fois que le premier ministre aura déclenché une élection partielle. « Moi, je pense que la meilleure chose que j’aurai à faire sera d’aider l’association à trouver le candidat ou la candidate idéal qui a une bonne expérience et est crédible. Après, je vais rester en retrait pour ne pas porter ombrage. »

THOMAS MULCAIR SUR…

L’achat par le gouvernement Trudeau du pipeline Trans Mountain 

« C’est l’une des grandes sottises que j’ai vues en 40 ans d’engagement public. Acheter ce bout de tuyau rouillé pour 4,5 milliards de dollars, promettre de dépenser 12 ou 15 autres milliards pour parachever un truc dont personne ne veut, sans respecter les droits des Premières Nations, sans respecter le droit des provinces d’avoir leur mot à dire en environnement… »

Ce dont il est le plus fier 

« C’est le travail que j’ai accompli avec Jack [Layton] pour faire cette percée pour le NPD au Québec. J’espère que cela sera pérenne. C’est la chose dont je suis le plus fier dans mon héritage. »

Le bilan de Justin Trudeau  

« Il a corrigé certains problèmes causés par les conservateurs, notamment la nouvelle loi électorale. Par contre, la liste des promesses brisées est très longue. Et je pense que le NPD peut pleinement occuper sa place si on veut le faire. »

Son successeur, Jagmeet Singh 

« C’est un gars extraordinaire avec des qualités humaines vraiment formidables, qui travaille l’ensemble de ses dossiers. Je souhaite vivement qu’il fasse son entrée à la Chambre des communes et se fasse élire dans Burnaby South avec le départ du député Kennedy Stewart. Je pense que son absence se fait ressentir à la Chambre des communes. C’est ici que ça se passe. »

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