ÉDITORIAL ÉDUCATION

La science doit entrer à l’école

On n’imaginerait jamais que le gouvernement puisse approuver des médicaments et des traitements médicaux sans se baser sur des preuves scientifiques. Pourquoi cette logique ne s’applique-t-elle pas aux pratiques en éducation ?

Le parcours scolaire des élèves est ponctué d’essais et d’erreurs, au gré des modes, des idéologies et des – nombreux – ministres. Qu’on pense à l’aide aux devoirs, au retour de la dictée ou à l’implantation des tableaux blancs numériques dans toutes les classes, voilà des pratiques qui ont animé les débats et provoqué des changements à la grandeur du Québec. Ces décisions reposaient-elles vraiment sur des données probantes ou visaient-elles à contenter l’opinion publique ?

S’appuyer sur des faits résultants d’analyses scientifiques rigoureuses permettrait pourtant de déterminer ce qui est réellement efficace – ou pas. Mais malheureusement, ces informations ne sont pas toujours connues, accessibles ou diffusées.

L’ancien ministre de l’Éducation, François Blais, l’avait reconnu l’automne dernier ; il avait d’ailleurs déclenché un tollé un déclarant que son ministère ne s’appuyait pas suffisamment sur des données fiables pour mettre en place les grandes orientations.

Il est temps de réfléchir à la création d’un institut national en éducation.

Le projet, dans l’air depuis plusieurs années, a été ramené à l’avant-scène par un groupe d’universitaires qui ont présenté une proposition en ce sens au gouvernement.

En santé, les décisions du ministre s’appuient notamment sur des avis et des recommandations de l’Institut national de santé publique du Québec, un centre d’expertise et de référence visant à améliorer la santé et le bien-être de la population, ainsi que sur l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux, qui évalue des médicaments et des traitements en fonction des coûts et des avantages cliniques.

Un tel organisme en éducation permettrait d’évaluer les meilleures pratiques reconnues pour guider les enseignants, que ce soit pour favoriser l’apprentissage de la lecture, motiver les jeunes à persévérer ou intervenir avec des élèves présentant des troubles de comportement.

La présence de ces élèves en classe est souvent difficile et bien des enseignants affirment ne pas se sentir suffisamment outillés.

Certaines instances existent, que l’on pense au Conseil supérieur de l’Éducation ou au Centre de transfert pour la réussite éducative du Québec. Mais aucune n’a le mandat ou les ressources pour agir de façon concertée et recommander les meilleures pratiques sur la base de l’efficacité-coût. « Chaque élève devrait avoir accès aux meilleures pratiques », croit Monique Brodeur, doyenne de la Faculté des sciences de l’éducation de l’UQAM, qui pilote le projet.

Les élèves qui souffrent le plus du penchant pour l’improvisation sont justement les plus vulnérables : ceux qui ont des difficultés d’apprentissage, qui n’ont pas le français comme langue maternelle ou qui viennent de milieux défavorisés. Des groupes où le taux de décrochage est beaucoup plus élevé que la moyenne.

Le nouveau ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, a l’occasion de donner plus de stabilité et une vision d’ensemble à un milieu qui en manque cruellement. Baser les décisions sur les meilleures pratiques paraît sensé. Encore faut-il être prêt à les mettre de l’avant au lieu de se laisser influencer par des décisions qu’il croit politiquement rentables.

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