Grande entrevue Guy Bourassa, PDG de Nemaska Lithium

Le Québec produira du « nouveau pétrole »

La société Nemaska Lithium deviendra bientôt le plus grand producteur d’hydroxyde de lithium du monde grâce à la réalisation d’un montage financier audacieux de 1,1 milliard. L’entreprise québécoise va construire une mine à la Baie-James et une usine de transformation à Shawinigan, qui commenceront leurs activités au cours des deux prochaines années.

Les milliards d’accros aux gadgets électroniques de toutes sortes – cellulaires, tablettes, ordinateurs portables – et les amateurs de plus en plus nombreux de voitures électriques peuvent dormir tranquille : leurs batteries vont pouvoir être rechargées sans peine avec l’arrivée de ce nouvel acteur québécois.

Le lithium, métal alcalin indispensable à la fabrication des batteries rechargeables, est décrit par plusieurs comme le pétrole de l’ère contemporaine.

C’est en cherchant à réactiver un gisement de nickel à Nemaska, à 300 kilomètres au nord de Chibougamau et en plein territoire cri, que Nemaska Exploration a découvert un gisement riche en lithium, au moment même où l’attrait pour ce métal explosait.

« En 2008-2009, avec l’arrivée de Tesla notamment, le lithium est devenu encore plus en demande. À l’époque, il y avait 250 projets de mines dans le monde. Mais la Chine a fait chuter les prix et seulement 10 projets sont demeurés actifs », m’explique Guy Bourassa, PDG de Nemaska Lithium.

Le gisement de Nemaska et le développement d’une technologie électrochimique pour transformer le minerai en hydroxyde de lithium – qui sert à la fabrication des cathodes des piles rechargeables – ont permis à Nemaska Lithium de faire un montage financier tout aussi audacieux que celui réalisé pour le projet de mine de diamants Stornoway.

Rondes de financement

Nemaska Lithium est devenue une société cotée en Bourse en 2010 et a pu réaliser ses premiers travaux grâce à un placement privé réalisé auprès de Ressources Québec et de la Nation crie.

« On a réalisé plusieurs rondes de financement par la suite qui ont attiré plus de 20 000 investisseurs au détail. On a développé notre procédé de transformation avec une usine-pilote à Shawinigan. Mais là, il fallait donner un grand coup pour assurer la construction de la mine et celle de l’usine de transformation », expose Guy Bourassa.

Après plus d’un an de tournées de présentation auprès d’institutions financières partout dans le monde, Nemaska Lithium a réussi à récolter 1,1 milliard, dont 300 millions vont servir à la construction des infrastructures de la mine de lithium à Nemaska et 500 millions pour la mise en activité de l’usine de transformation de Shawinigan.

« On a fait un placement privé de 80 millions avec Ressources Québec, un autre de 90 millions avec le groupe japonais SoftBank et une émission publique d’actions de 280 millions. »

— Guy Bourassa

« Parallèlement, on a fait une émission d’obligations de 350 millions à laquelle pas moins de 45 institutions financières de Grande-Bretagne, des États-Unis et d’Asie ont souscrit. Même les fonds verts norvégiens ont embarqué dans le projet », précise Guy Bourassa.

Enfin, pour clore le tout, Nemaska Lithium a obtenu 150 millions US sur le partage de revenus sur ses ventes futures.

Au bout du compte, Ressources Québec est aujourd’hui le principal actionnaire de Nemaska Lithium, avec 12,9 % de son capital, et SoftBank suit avec une participation de 9,9 %. Quarante pour cent de l’entreprise est détenue par le grand public investisseur.

Début des activités en 2019

La mine va entreprendre ses activités à la fin de 2019. On va y extraire 1 million de tonnes de minerai pour produire 215 000 tonnes de concentré de lithium.

« Ce concentré va être acheminé par train à notre usine de Shawinigan qui va être opérationnelle à l’automne 2020. Les 215 000 tonnes de concentré vont produire 33 000 tonnes d’hydroxyde de lithium qui vont être vendues à nos clients.

« On a des ententes fermes avec quatre clients qui totalisent 75 % de notre production. Avec nos ententes de principe, c’est 90 % de notre production qui est assurée d’un débouché commercial », souligne le PDG.

D’ici à ce que l’usine de Shawinigan soit rodée et capable de produire au maximum de sa capacité, Nemaska Lithium s’est engagée à fournir à un client chinois du concentré de lithium pour une durée de deux ans.

« On va être le plus gros producteur au monde. D’ici à notre entrée en production, un nouveau projet d’une capacité de 24 000 tonnes d’hydroxyde de lithium va démarrer, mais nous, on parle d’une production de 33 000 tonnes », insiste Guy Bourassa.

Une fois sa vitesse de croisière atteinte, Nemaska Lithium prévoit réaliser des revenus annuels de 500 millions US et pourrait envisager d’augmenter ses capacités de production.

« On a développé un procédé par électrolyse, pour lequel on détient neuf brevets, qui permet de réduire de 75 % l’utilisation de gaz sulfurique dans le processus de transformation », ajoute fièrement Guy Bourassa.

Le parcours d’un gars de mines

Avocat de formation, Guy Bourassa a toujours été intimement associé au monde minier, longtemps dans les activités de financement avec le bureau Bourassa Provencher Barrette, en Abitibi.

« On était responsables de 35 % de toutes les actions du secteur minier au Québec. Pendant cinq ans, on a déposé en moyenne un prospectus par mois », rappelle-t-il.

Il a aussi travaillé au sein de plusieurs sociétés minières en occupant notamment le poste de PDG de Monarque Ressources, de Mine Radisson et de Dufresnoys. Il a aussi été secrétaire corporatif de Mazarin.

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