États-Unis

Giuliani serait le candidat favori pour être secrétaire d’État

L’ancien maire de New York et procureur fédéral Rudy Giuliani est le candidat favori pour devenir le secrétaire d’État du gouvernement de Donald Trump, a indiqué un haut responsable de l’équipe du président désigné, hier soir. Il n’y a pas vraiment d’évaluation de plusieurs candidatures pour succéder à John Kerry, a fait savoir cette source qui s’exprimait sous le couvert de l’anonymat, ajoutant que le poste ira de facto à Rudy Giuliani s’il l’accepte. M. Giuliani est resté évasif sur ses ambitions à cet égard, hier soir. — Associated Press

Chronique

Chronique d’une migrante indésirable

« Vous représentez le genre de migrants non désirés et plutôt mal baisés. Pourquoi ne pas cesser de publier de tels rebuts et retourner dans le pays de vos ascendants. Bon débarras. »

C’est le genre de sympathiques messages que j’ai reçus à la suite de ma chronique publiée au lendemain de la victoire de Donald Trump.

Cette lettre, drapée de finesse, était signée par un homme qui se présente comme un avocat à la retraite. Merci beaucoup d’avoir pris la peine de m’écrire, Maître. Je prends bonne note de votre judicieuse suggestion. Bonne journée à vous aussi.

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D’ordinaire, j’essaie d’ignorer ce genre de commentaires. Quinze ans de chroniques et d’insultes, ça forge une carapace. Je sais fort bien que ces messages ne représentent pas le point de vue d’une majorité de lecteurs respectueux et que le mieux est de les envoyer à la poubelle.

J’essaie d’ignorer, donc. Mais depuis quelques jours, je remarque que c’est plus facile à dire qu’à faire. Il me faut lire mon courrier avec un pince-nez ou ne pas le lire. Quand on est traitée tour à tour « d’hystérique », de « putain de féministe » ou de « migrante » indésirable, on peut bien en rire, mais en vérité, ce n’est pas drôle du tout.

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La manière Trump semble avoir décomplexé de façon troublante les discours racistes et sexistes. La journaliste Michelle Ye Hee Lee, du Washington Post, qui fait de la vérification de faits, racontait il y a quelques jours comment les courriels où on la traitait de « bitch » s’étaient multipliés durant la campagne électorale. On ne lui reprochait pas ce qu’elle écrivait, mais ce qu’elle était : une femme journaliste asiatique de 28 ans qui osait écrire de telles choses.

Hier, un tweet de la journaliste du New York Times Jackie Calmes rendant hommage à sa consœur et amie Gwen Ifill, morte à l’âge de 61 ans, lui a valu le même genre d’insulte : « Vous êtes toutes les deux des putes de votre soi-disant profession. »

Tout cela serait parfaitement anodin si cela ne nous disait pas quelque chose sur l’air du temps. Comme un écho lointain d’une réalité beaucoup plus inquiétante. 

Car depuis la victoire de Trump, on note aux États-Unis une recrudescence d’incidents racistes et sexistes. On a vu apparaître des croix gammées et des slogans comme « Make America White Again ». On a vu des jeunes gens scander à l’école secondaire « White Power ! » ou « Construisez ce mur ! » On a vu des femmes voilées se faire agresser ou se faire dire que leur heure était venue. On a vu sur Facebook la directrice d’un organisme de développement social et la mairesse d’une petite ville de Virginie-Occidentale échanger des propos racistes sur Michelle Obama : « Ça sera rafraîchissant d’avoir une belle, avec de la classe et digne première dame de retour à la Maison-Blanche. Je suis fatiguée de voir un singe en talons. »

On a surtout vu un président désigné nommer comme haut conseiller à la Maison-Blanche Steve Bannon, un suprémaciste blanc qui dirigeait le controversé site populiste Breitbart, carburant au racisme et aux théories du complot de toutes sortes. Voilà qui est très inquiétant.

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Comment les États-Unis en sont-ils arrivés là ? Dans The Guardian, l’écrivaine Siri Hustvedt y voit la mise en œuvre de « politiques de l’humiliation ». Des gens qui ont grandi avec des privilèges blancs et masculins et qui craignent que ces privilèges leur échappent ont trouvé en Donald Trump l’homme capable de les ramener à une époque révolue.

Avec la présence d’un nombre croissant de gens de minorités, avec des Noirs et des femmes qui se retrouvent dans des postes influents, leur monde de privilèges blancs leur semble en péril. La présidence d’Obama n’a fait que renforcer cette crainte et a nourri la peur de l’Autre, observe Siri Hustvedt. « Sa seule présence était une offense. De ce point de vue, élire une femme aurait ajouté l’insulte à l’injure », écrit-elle.

Cette vision des choses est rejetée du revers de la main par bien des gens qui soulignent qu’une proportion importante de latinos et de femmes ont voté pour Donald Trump.

Il y a bien sûr d’autres facteurs que le sexisme et le racisme qui permettent de comprendre la victoire de Trump. Rejet de l’establishment, désir de changement, perte d’influence des médias traditionnels en cette ère post-factuelle, etc. Il en a été abondamment question ces derniers jours. Je ne répéterai pas ce qui a déjà été dit. 

Précisons simplement que l’argument selon lequel on ne peut invoquer le rôle de la misogynie et du racisme dans cette élection sous prétexte que des femmes et des minorités ont voté pour Trump ne tient pas la route.

« Tout système d’oppression inclut des gens du camp opprimé qui d’une façon ou d’une autre contribuent à cette oppression », rappelait avec justesse l’auteure Chimamanda Ngozi Adichie, en entrevue à la BBC.

Les raisons qui expliquent pourquoi de nombreux commentaires sexistes sur le physique et l’attitude de Safia Nolin au gala de l’ADISQ provenaient de femmes sont semblables à celles qui amènent des femmes à voter pour un homme qui les méprise et qui s’est déjà vanté de pouvoir les agresser à sa guise. Ces raisons sont semblables aussi à celles qui permettent à des minorités de voter pour un homme qui les traite comme des citoyens de seconde classe.

Le fait que des femmes ou des minorités adhèrent à ces idées (ou ne s’en formalisent pas outre mesure) ne fait pas disparaître comme par magie toute trace de sexisme ou de racisme. Cela témoigne au contraire d’une intériorisation et d’une grave banalisation de ces discours.

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