ÉDITORIAL ARIANE KROL

JEUX VIDÉO À L’ÉCOLE
Vos enfants et les écrans

Trois millions de dollars américains : c’est la somme remportée par les deux Européens de 16 ans qui ont gagné la Coupe du monde Fortnite en duo la fin de semaine dernière. Un Québécois de 19 ans est reparti avec 800 000 $US, soit un peu plus de 1 million de dollars canadiens.

Pas de doute : les jeux vidéo, c’est du sérieux. Faut-il pour autant les intégrer au programme scolaire ? C’est beaucoup moins certain. Québec devrait d’abord s’intéresser à l’impact des écrans sur les jeunes, comme l’a proposé récemment le député André Fortin.

Les écrans ne sont pas seulement interactifs, ils sont aussi adhésifs. Comment en décoller les enfants est une préoccupation constante pour de nombreux parents, y compris l’été. Tout ce temps passé à jouer et à regarder des vidéos est-il dommageable ?

La Commission de la santé et des services sociaux devrait examiner les impacts des appareils numériques sur la santé des jeunes, a suggéré le libéral André Fortin la semaine dernière.

Pour le parti au pouvoir, qui contrôle les commissions parlementaires, il n’est jamais très tentant d’acquiescer à une telle demande de l’opposition. Mais cet enjeu-là transcende les lignes de parti. On n’a qu’à penser au caquiste Éric Caire qui, en pleine étude des crédits, a parlé avec émotion de son fils traité pour cyberdépendance.

Des propositions sur la cyberdépendance et l’éducation numérique des jeunes seront d’ailleurs débattues au congrès de la commission de la relève de la CAQ dans quelques semaines. Et dans les familles si chères à la CAQ, rares sont les parents qui ne s’interrogent pas sur la relation que leurs enfants entretiennent avec les écrans.

Des études sur l’exposition à divers types d’écrans (cellulaire, tablette, téléviseur, etc.) ont d’ailleurs constaté des associations troublantes, notamment avec le surpoids, l’inattention et la dépression, signalait le magazine Québec Science au printemps.

Si on est encore loin d’avoir réponse à tout, on en sait assez pour être préoccupé.

Un plus grand nombre d’heures passées à jouer à des jeux vidéo, à utiliser l’internet ou à regarder la télé est associé, chez des adolescents, à de plus faibles niveaux de réussite scolaire, d’activité physique, d’attachement à l’école et d’estime de soi, signale notamment la professeure Caroline Fitzpatrick, de l’Université Sainte-Anne, dans un article scientifique paru le printemps dernier.

Les jeux vidéo qui surstimulent le système de récompense du cerveau et favorisent l’utilisation du noyau caudé au détriment de l’hippocampe inquiètent particulièrement la professeure Véronique Bohbot, du département de psychiatrie de l’Université McGill. Le noyau caudé est en effet impliqué dans plusieurs maladies neurologiques et psychiatriques, dont la dépression, le trouble de stress post-traumatique, la schizophrénie et l’alzheimer, expose Mme Bohbot, qui a mené de nombreuses recherches sur le sujet.

Il serait important que Québec entende de tels experts avant de se faire une tête.

Le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, a déjà donné son aval à l’utilisation du jeu vidéo dès le primaire « afin d’exploiter des repères historiques, littéraires ou graphiques », indique son nouveau Cadre de référence de la compétence numérique.

De fait, l’intégration d’un jeu comme Minecraft à l’apprentissage de l’histoire, du français, des maths et de l’éthique a donné des résultats intéressants dans certaines écoles. Mais le système d’éducation sera de plus en plus souvent interpellé.

La Fédération québécoise de sports électroniques a déposé un dossier au ministère de l’Éducation pour que cette activité soit reconnue comme un sport et puisse faire l’objet d’un programme de sport-études admissible à un soutien financier du Ministère.

Et des écoles secondaires offrent déjà une concentration en « sport électronique », la plupart avec l’Académie Esports de Montréal.

Qu’en pense Québec ?

Le gouvernement s’est engagé à investir 2,5 millions sur trois ans dans une campagne visant à prévenir la cyberdépendance chez les 12-24 ans. 

C’est bien, mais il devrait aussi s’assurer que le système scolaire ne contribue pas à une surutilisation nocive des écrans.

Si la CAQ ne veut pas le faire en commission parlementaire, qu’elle prenne un autre moyen, en mandatant un comité d’experts ou en commandant un rapport à son futur commissaire à la santé.

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