Élection de Valérie plante

Avec la victoire de Valérie Plante, le milieu des affaires montréalais devra composer avec une nouvelle mairesse à Montréal.

Chronique

Un élan à soutenir

Au-delà de la surprise et du choc que l’élection de Valérie Plante à la mairie de Montréal a générés dans le milieu des affaires montréalais, ce dernier devra rapidement apprendre à composer avec l’équipe de Projet Montréal pour s’assurer de garder bien en vie la précieuse impulsion qui stimule l’activité économique de la métropole depuis plus de quatre ans maintenant.

Tout le monde l’avait bien compris, Denis Coderre était, et de très loin, le candidat à la mairie favori du milieu des affaires de Montréal, et l’élection de Valérie Plante et de son équipe ne figurait certainement pas au programme des décideurs économiques montréalais.

Comme une large part de leurs concitoyens, les gens d’affaires ne connaissaient rien de la candidate Valérie Plante, mais ils entretenaient une peur bleue devant l’éventualité de l’élection du parti Projet Montréal et de l’inévitable « plateauisation » de l’ensemble de l’île de Montréal qui allait suivre.

On le sait, le Plateau Mont-Royal – le bastion de Projet Montréal – s’est démarqué au cours des huit dernières années en adoptant de multiples mesures pour réduire la circulation automobile, sans tenir compte des nombreuses répercussions de ces décisions sur la vie commerçante et économique du quartier.

Mais au-delà de cette appréhension bien réelle, le monde des affaires n’a pas eu non plus beaucoup d’occasions de se faire expliquer la vision du développement économique de la nouvelle mairesse, dont le discours électoral était presque exclusivement orienté autour des préoccupations citoyennes.

Ce qui n’était pas le cas de Denis Coderre. Profitant d’un bilan de quatre années durant lesquelles l’économie montréalaise n’a fait que se renforcer, le candidat Coderre s’est rapidement imposé comme celui du milieu des affaires.

Malgré les perpétuelles entraves à la mobilité que n’ont cessé de générer depuis quatre ans les chantiers qui se sont multipliés sans fin, le monde des affaires a compris l’urgence de la mise à niveau des infrastructures montréalaises. Il fallait corriger 30 ans d’inaction.

Montréal affiche aujourd’hui le meilleur taux de chômage des 30 dernières années. Selon le Conference Board, la croissance économique de la région métropolitaine devrait atteindre 3,2 % cette année alors que la production manufacturière devrait connaître une progression de 4,0 %, du jamais-vu depuis 2000.

En juin 2012, un an avant l’élection de Denis Coderre, on recensait 75 grues de chantier en activité dans le ciel montréalais, ce qui représentait alors la plus forte activité de construction enregistrée depuis les Jeux olympiques de 1976.

Il y a trois jours, le maire Coderre soulignait dans une ultime intervention avant les élections que l’on comptabilisait aujourd’hui 150 grues de chantier en activité à Montréal qui totalisent quelque 25 milliards de dollars d’investissements immobiliers en construction.

Pas d’apocalypse en vue

Il est bien certain que l’arrivée à l’hôtel de ville de la nouvelle mairesse Valérie Plante et de son équipe de Projet Montréal ne mettra pas fin à cette intense activité économique.

Il faut seulement que le milieu des affaires et la nouvelle administration municipale établissent le dialogue pour s’assurer que Montréal poursuive son rattrapage en infrastructures et termine les grands chantiers qui vont reconfigurer la mobilité dans l’île, soit le nouveau pont Champlain, l’échangeur Turcot et le Réseau électrique métropolitain.

Le monde des affaires va composer avec Valérie Plante comme il a appris à composer avec Denis Coderre alors qu’il avait publiquement appuyé – via la Chambre de commerce du Montréal métropolitain – le candidat économique Marcel Côté.

À l’image de Valérie Plante aujourd’hui, le Denis Coderre de 2013 n’avait rien d’un grand stratège économique. Il a été favorisé par la conjoncture, mais il a su s’entourer et écouter tout comme il est toujours resté disponible pour écouter les nouveaux projets d’investissement qui se présentaient.

Le milieu des affaires montréalais va s’adapter à la cheffe de Projet Montréal comme il a appris à le faire en 1986 avec Jean Doré et le Rassemblement des citoyens de Montréal (RCM), après 26 années de règne autocratique de Jean Drapeau.

Le maire Drapeau faisait ses projets sans consulter, alors que le RCM et Jean Doré ont été les premiers à ouvrir l’hôtel de ville aux consultations avec les milieux économique et des affaires de Montréal.

L’élection de ce gouvernement municipal que l’on qualifiait de gauchiste a donné lieu à de belles initiatives économiques telles que la transformation du dépotoir Miron en espace vert, la création des Ateliers Angus, du Quartier international, du Centre de commerce mondial, de l’École de technologie supérieure (ETS) et du Quartier de l’innovation.

Montréal est soumis à une belle impulsion économique qu’il faut à tout prix continuer de cultiver. Valérie Plante devra consulter, et le milieu des affaires montréalais devra assumer son leadership.

Projet Montréal

Un cadre financier qui n’en est pas un, selon des économistes

Peut-être parce qu’il ne pensait pas accéder à la mairie de Montréal, le parti de Valérie Plante n’a pas calculé avec précision le coût de ses engagements électoraux. Son cadre financier, qui tient sur une seule page, fait état de promesses d’un coût total de 55 millions et d’économies de 35 millions à réaliser, pour un manque à gagner de 20 millions.

« Pour moi, ce n’est pas un cadre financier », juge Robert Gagné, professeur et directeur du Centre sur la productivité et la prospérité à HEC Montréal.

Le premier problème qu’il constate, c’est que les principales promesses de Projet Montréal concernent des choses sur lesquelles la Ville n’a pas de pouvoir de décision. C’est le cas de la ligne rose, la nouvelle ligne de métro qui est la promesse-phare de la nouvelle mairesse.

Projet Montréal budgète une dépense de 1,2 million annuellement pour des études préliminaires au projet. « La ligne de métro diagonale sera financée en majorité par les programmes d’infrastructures provinciaux et fédéraux », indique une note en bas de page.

De même, le budget du parti nouvellement élu prévoit des dépenses de 1,7 million par an pour acheter de nouveaux autobus hybrides et donner un accès gratuit aux transports en commun aux enfants de 12 ans et moins, aux personnes âgées de 65 ans et plus et aux démunis.

Les autobus coûteront 225 millions, mais ils seront subventionnés à 75 % par les gouvernements de Québec et d’Ottawa, selon Projet Montréal. Quant à la gratuité des transports en commun, « les coûts seront partagés avec le gouvernement provincial dans le cadre de l’entente-cadre sur le statut de métropole », précise le document.

Le professeur relève aussi qu’aucun budget n’est prévu pour le fonctionnement et l’entretien des 300 nouveaux autobus, qui est du ressort de la Société de transport de Montréal.

Autre exemple : les 140 kilomètres de pistes cyclables promis par Valérie Plante seront financés par le Fonds vert du gouvernement du Québec, prévoit-elle.

Bref, ce sont les autres qui paient, résume Robert Gagné.

Un programme séduisant, mais…

Le coût de plusieurs des engagements de Projet Montréal n’a pas été évalué. Unsal Ozlidek, professeur à l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal, pense que ça faisait partie de la stratégie de Valérie Plante.

« Elle a bien travaillé pour aller chercher les gens, et ça lui a réussi. »

— Unsal Ozlidek

Il n’était pas nécessaire de mettre un chiffre à côté de chacun des ses engagements, selon lui, pour susciter les débats et les critiques.

François Desrosiers, professeur à la Faculté des sciences de l’administration de l’Université Laval, comprend que le programme de Valérie Plante ait plu aux électeurs.

« Son programme est intéressant parce qu’il répond à des préoccupations majeures des Montréalais, comme la mobilité des personnes et l’accessibilité aux pôles d’emplois », commente-t-il.

Parmi les engagements pris et non chiffrés, il y a l’ajout de 12 000 logements sociaux promis, de 300 unités d’hébergement pour les populations vulnérables et des rabais de taxes pour les petits commerçants.

Le professeur Desrosiers a lui aussi des réserves sur le potentiel de réalisation de ces engagements. « À supposer que Mme Plante puisse financer ses 12 000 logements sociaux à même les programmes existants des gouvernements supérieurs, une fois construits, les logements doivent être entretenus et quelqu’un doit payer pour le déficit d’exploitation. C’est la Ville qui est aux prises avec ça », souligne-t-il.

Selon lui, le manque à gagner évalué par Projet Montréal à 20 millions « est largement sous-estimé ».

Projet Montréal estime qu’une partie de ses nouvelles dépenses sera compensée par les économies qu’il compte réaliser à même le budget actuel de la Ville. Certaines de ces économies ne sont toutefois pas récurrentes, comme celles liées au 375e anniversaire de Montréal, alors que les dépenses reviendront d’année en année.

Principales promesses de Projet Montréal

Études pour une nouvelle ligne de métro : 1,2 million

Ajout de 300 autobus et rabais tarifaires : 1,7 million

Réduction des droits de mutation immobilière pour les familles : 19,8 millions

Crédit de taxe foncière pour les commerçants : 10,0 millions

Bain portuaire, parcs et place publique : 2,7 millions

Liste des économies proposées

Élimination de la marge de crédit de Montréal c’est électrique : 10 millions

Fêtes du 375e anniversaire de Montréal : 21 millions

Chauffeur du maire : 200 000 $

Fin des contrats de rédaction de discours : 250 000 $

Campagnes publicitaires : 2 millions

Fin de la multiplication des bureaux : 2 millions

Élection de Valérie Plante

Un accueil favorable et prudent des milieux d’affaires

« En tant que partenaire important du développement de Montréal, nous avons toujours entretenu de bonnes relations tant avec les autorités politiques que les fonctionnaires de la ville. Nous espérons qu’il en sera de même avec la prochaine administration de Mme Plante […]. 

« Entre-temps, c’est clair que, durant la période de transition, il pourrait y avoir des questions dans l’immobilier commercial à l’égard de certains projets, mais aussi à l’égard des projets importants de la ville comme la réfection de la rue Sainte-Catherine [dans le centre-ville ouest] et l’avenir du site de l’ancien hôpital Royal Victoria. »

— André Boisclair, président-directeur général de l’Institut de développement urbain du Québec

« Nous avons deux attentes principales envers la prochaine administration municipale dirigée par Mme Plante. 

« D’abord, qu’elle donne suite rapidement à sa promesse de campagne électorale d’étendre, parmi l’ensemble des SDC [sociétés de développement commercial], le Fonds de dynamisation des artères commerciales, dont l’application ne se limite encore qu’au Plateau Mont-Royal.

« En second lieu, le milieu des commerçants souhaite d’importantes améliorations de la gestion de nombreux chantiers d’infrastructures municipales […]. C’est devenu un enjeu crucial pour la viabilité des commerçants locaux à Montréal. »

— André Poulin, président du conseil, Association des sociétés de développement commercial (SDC) de Montréal, et directeur général, SDC Destination Centre-Ville

« Nous souhaitons collaborer rapidement avec la nouvelle administration dirigée par Mme Plante pour faire avancer deux enjeux stratégiques du secteur hôtelier à Montréal.

« D’une part, il y a le projet d’agrandissement du Palais des congrès, encore en amorce de discussions avec le gouvernement du Québec. Ce projet devient important pour éviter que Montréal soit déclassé dans le marché des gros congrès et grandes foires commerciales.

« D’autre part, nous souhaitons que la prochaine administration à Montréal poursuive et accentue même le contrôle des permis et la perception des taxes commerciales envers les propriétaires de logement qui en font un commerce d’hôtellerie sur Airbnb. »

— Eve Paré, présidente-directrice générale de l’Association des hôteliers du Grand Montréal

« La Chambre offre sa collaboration à Madame Plante et au nouveau conseil municipal de Montréal afin de veiller à ce que l’élan économique vigoureux que connaît notre métropole se poursuive. Il sera essentiel de continuer à mettre en place des conditions favorables pour maintenir un environnement d’affaires favorable à l’investissement et à la création d’emplois, dynamiser les artères commerciales et accroître la fluidité des déplacements. »

— Michel Leblanc, président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain

« Nous entendons continuer de travailler avec la Ville sous la prochaine administration de Mme Plante, comme nous le faisions déjà avec l’administration Coderre, en tant que partenaire important du développement économique de Montréal et, en particulier, de la place financière de Montréal. »

— Louis Lévesque, directeur général de Finance Montréal 

« Nous offrons notre appui à la nouvelle mairesse de Montréal, Valérie Plante. Tout comme elle, le Conseil place la mobilité durable parmi les priorités des employeurs au Québec. Cette mobilité durable inclut autant la mobilité des personnes que celle des marchandises, dans un contexte où il faut réussir à réduire les émissions de gaz à effet de serre, tout en assurant une plus grande fluidité et sécurité des mouvements. »

— Yves-Thomas Dorval, président-directeur général du Conseil du patronat du Québec

« Les élections municipales ont permis de discuter d’enjeux cruciaux pour nos communautés, dont bien sûr le développement économique local. À ce titre, les taxes municipales, les permis, la réglementation de même que le transport sont en tête de ce que les entrepreneurs identifient comme priorités locales. Nous souhaitons vivement que l’ensemble des élus mettront ces éléments en haut de la pile sur leur table de travail. »

— Martine Hébert, vice-présidente principale, section Québec, de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante

— Propos recueillis par Martin Vallières, La Presse

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.