Proches aidants

Marguerite Blais
De la parole à l’acte

Ce n’est pas tous les jours que les astres s’alignent en notre faveur. Un jour, vous militez pour la mise en place d’une politique nationale sur les proches aidants. Le lendemain, vous êtes nommée ministre responsable des aînés… et des proches aidants. C’est ce qui arrive à Marguerite Blais, élue sous la bannière de la Coalition avenir Québec (CAQ), qui s’apprête à donner un coup de main à ces précieux accompagnateurs.

Quelques mois après la mort de son mari, Marguerite Blais a annoncé son retrait de la vie politique. C’était au mois d’août 2015. L’ex-ministre libérale des Aînés, devenue malgré elle « proche aidante », l’avoue sans complexe : elle a « perdu pied » après des mois d’accompagnement.

« Toute notre vie change quand on est proche aidant, nous dit Marguerite Blais, parce qu’on devient à la fois préposée, infirmière, on prend les rendez-vous, on s’occupe des médicaments, notre vie est complètement bouleversée, même si c’est une expérience qui est aussi extraordinaire. »

Le problème, précise Marguerite Blais, c’est que le proche aidant ne se considère souvent pas comme un proche aidant. Petit à petit, il s’épuise, et en raison de la perte de revenus attribuable à ses absences, il s’appauvrit.

« Bien souvent, les proches aidants pensent qu’ils peuvent tout faire eux-mêmes et ne demandent pas d’aide ou de soutien », insiste-t-elle.

« On se dit qu’on est capable, on refuse les offres de répit, et puis à un moment donné, on s’épuise. C’est ce qui m’est arrivé. C’est pour ça que la première chose à faire est de se reconnaître comme proche aidant. »

— Marguerite Blais

Dans son livre De la proche aidance à la bienveillance, qui vient de paraître, Marguerite Blais revient sur cette expérience « unique » tout en proposant une vingtaine d’entrevues, avec des personnalités publiques qui ont été des proches aidants, mais aussi avec des intervenants sociaux ou médicaux.

De Chloé Sainte-Marie, qui signe la préface du livre, au fondateur de Vidéotron André Chagnon en passant par Marina Orsini, Isabelle Maréchal ou Josée Legault, chacun y va de son témoignage. Marguerite Blais relaie leurs points de vue autant que ceux des intervenants comme Mélanie Perroux, du Regroupement des aidants naturels du Québec, ou Nathalie Richard, fondatrice de l’organisme L’Étoile de Pacho.

Un exercice extrêmement intéressant, qui alimentera assurément la réflexion de la nouvelle ministre caquiste.

Quel est le dénominateur commun de ce que toutes ces personnes lui ont confié ? « L’épuisement, la fatigue, mais aussi le besoin de reconnaissance. Le proche aidant doit être inclus dans le plan d’intervention médical. Il faut qu’il soit dans le coup de toutes les prises de décision. C’est quand même lui qui se retrouve à gérer le quotidien de la personne aidée. »

Son nouvel engagement politique avec la CAQ découle de l’appui de François Legault à la mise en place d’une politique nationale sur les proches aidants.

Marguerite Blais veut d’abord rencontrer des proches aidants et des intervenants qui sont sur le terrain avant d’annoncer quoi que ce soit. « On a une idée de ce qu’on veut faire, mais on veut d’abord parler aux gens qui se dévouent depuis des années pour que les proches aidants soient reconnus. Après, on élaborera notre politique. »

« On ne fera pas une consultation à travers le Québec, poursuit-elle, on ne passera pas 10 mois là-dessus, mais on va organiser d’ici Noël une journée pour recueillir des idées. On veut être respectueux envers eux. Ce sera la première fois dans l’histoire du Québec qu’il y aura une politique sur la proche aidance. »

20 maisons de répit sur 10 ans

Marguerite Blais avance tout de même quelques pistes. « On veut mettre sur pied des maisons de répit pour les proches aidants et pour les personnes dont ils s’occupent, qu’ils s’agissent de personnes âgées, malades ou d’enfants handicapés, tous les proches aidants doivent être soutenus. Notre objectif est d’ouvrir 20 maisons au cours des 10 prochaines années. »

La politique nationale des proches aidants aura bien sûr un volet économique. Au Québec, un crédit d’impôt de 1007 $ est accordé aux personnes qui s’occupent de leur conjoint âgé d’au moins 70 ans dans leur résidence. La nouvelle ministre voudrait que cette aide ratisse plus large.

« On va faire ça avec le ministère de la Santé, mais aussi le ministère du Revenu, indique-t-elle. On veut qu’il y ait un crédit d’impôt remboursable plus généreux pour compenser les pertes de revenus des proches aidants. François Legault s’est aussi engagé à réduire l’écart entre ce que reçoivent les familles d’accueil et les familles dites naturelles. »

Bref, il y a du pain sur la planche, mais au moins, il y a du pain. Les cinq engagements de Marguerite Blais – instaurer une politique nationale sur les proches aidants ; développer des maisons Gilles-Carle ; développer la gériatrie sociale ; briser l’isolement des aînés et améliorer les soins aux personnes hébergées en CHSLD – ont reçu l’aval de son chef. Une rare occasion de passer de la parole à l’acte.

De la proche aidance à la bienveillance

Marguerite Blais et Rosette Pipar

Éditions Marcel Broquet, 239 pages

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.