OPINION UNIVERSITÉS

S’attaquer à la violence sexuelle

Une politique sans équivoque sur cette question s’impose dans les universités du Québec

La violence sexuelle est sans contredit le sujet de l’heure sur les campus universitaires en Amérique du Nord.

Tous les établissements d’enseignement postsecondaire du Canada devraient se doter d’une politique sans équivoque sur la violence sexuelle. On pourrait discuter longuement de la valeur pragmatique ou symbolique d’une telle politique, mais sa nécessité ne fait aucun doute.

Sur les campus, la violence sexuelle suscite un débat polarisé. D’aucuns estiment qu’il s’agit d’une véritable pandémie à laquelle les universités doivent réagir de toute urgence. Ces personnes jugent qu’en ce qui a trait à la « culture du viol » sévissant sur leurs propres campus, les établissements ont pratiqué la politique de l’autruche ou fait preuve d’une certaine apathie. D’autres sont d’avis que les incidents de violence sexuelle survenant sur les campus ne relèvent pas des universités, mais bien des forces de l’ordre et des autorités sanitaires.

Plus d’une douzaine d’universités canadiennes ont réagi à ces tensions en se donnant une politique.

Ainsi, l’Université McGill a adopté récemment sa Politique sur la violence sexuelle, avalisée à l’unanimité par les 111 membres de son Sénat. De nombreuses autres universités tiennent actuellement des consultations qui, selon toute vraisemblance, aboutiront bientôt à l’élaboration d’une politique sur la question.

Bien que la nature et la portée de ces politiques varient, toutes ont essentiellement pour objectif de traiter équitablement et de soutenir efficacement les « survivants » de la violence sexuelle (« victimes » et « victimes survivantes » figurent également parmi les termes que ces personnes privilégient). Plus précisément, les universités veulent s’assurer que les survivants pourront se prévaloir de leurs services, notamment en matière de santé et de bien-être, en l’absence de tout jugement et de regards réprobateurs ou incrédules.

Présomption d’innocence

Voilà une noble intention que la plupart salueront. Pourtant, certains s’interrogent sur les conséquences d’une telle politique pour les présumés agresseurs. En effet, en ajoutant foi aux allégations du survivant en quête de soutien qui affirme avoir subi des violences sexuelles, l’université ne porte-t-elle pas atteinte aux droits du présumé agresseur ? Peut-être ce dernier n’a-t-il pas pu faire valoir son point de vue, voire ignore-t-il l’existence même des allégations. Bref, en matière de violence sexuelle, une politique axée sur les survivants relègue-t-elle au second plan l’équité en matière de procédure et la présomption d’innocence ?

Cette préoccupation existe partout, pas seulement sur nos campus. Mais elle n’a pas sa raison d’être si la politique est libellée avec soin. La clé : faire une nette distinction entre le soutien au survivant, d’une part, et l’enquête, le jugement et la sanction infligée à l’agresseur, d’autre part.

L’université qui se donne une politique en matière de violence sexuelle doit placer le soutien aux survivants au cœur de sa démarche.

En milieu universitaire, l’adoption d’une démarche axée sur les survivants est essentielle. La question se fait d’ailleurs de plus en plus pressante sur les campus du Québec. En effet, selon une étude récente, plus du tiers des étudiants du Québec subiront un acte de violence à caractère sexuel dans un contexte universitaire. Et chez les femmes, les groupes racialisés, les autochtones ainsi que les personnes en situation de handicap ou membres de minorités en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, ces chiffres pourraient être encore plus élevés.

Rares sont les survivants qui signalent un incident dans le but de faire ouvrir une enquête disciplinaire ou criminelle (ce serait le cas chez environ 5 % d’entre eux seulement). En revanche, nombreux sont ceux qui divulguent un acte de violence sexuelle dans le but d’aller chercher du soutien. Lorsque la divulgation a lieu dans un cadre universitaire, nous devons être en mesure d’offrir un soutien à la fois efficace et équitable.

Il va sans dire que l’adoption d’une politique n’est qu’une des nombreuses mesures à prendre pour contrer la violence sexuelle sévissant sur les campus.

La mise en place de ressources, une sensibilisation de tous les instants et un examen approfondi du problème s’imposent également. Cela dit, l’adoption d’une politique demeure le pivot de la démarche, parce qu’elle fait de la violence sexuelle une préoccupation non seulement personnelle, mais bien institutionnelle, et constitue un témoignage concret du soutien que l’établissement entend apporter aux survivants.

* Angela Campbell est également vice-principale exécutive adjointe (politiques, procédures et équité) à l’Université McGill.

** Angela Yu est également commissionnaire à l’équité et à la diversité à l’Association étudiante des cycles supérieurs (AECS) de l’Université McGill. Elle fait partie des boursières Rhodes de 2017.

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