Mon clin d’œil Stéphane Laporte

Ce qui est bien, c’est que maintenant les médecins vont faire tellement d’argent qu’ils ne voudront plus aller en politique.

Témoignage

Le coût d’opportunité d’un rêve

En septembre dernier, j’ai entamé ma toute première session universitaire, en tant qu’étudiante au baccalauréat en économie et politique, à l’Université de Montréal. Au cours des derniers mois, je me suis donc familiarisée avec cette science et ses règles mathématiques qui, jusqu’alors, m’étaient entièrement inconnues.

C’est la tête pleine de rêves que je me suis engagée dans ce projet, loin d’imaginer l’énormité de la charge de travail que cela représentait. Bravant nos crises d’angoisse, mes camarades d’armes et moi avons entamé cette croisade du savoir, maniant le crayon et la calculatrice avec la force du désespoir, cherchant la vérité cachée derrière chaque obscur graphique économique.

Bien que, je vous le concède, ce champ d’études ne soit pas toujours une simple affaire, les principes fondamentaux qui en sont à l’origine sont d’une simplicité déconcertante. En effet, l’économie est née du principe selon lequel les besoins humains sont infinis, alors que les ressources sont, quant à elles, limitées. Pour répondre à cette fatalité qu’est le phénomène de rareté, l’économie s’est donné pour mission d’étudier l’allocation des ressources, dans le but ultime de maximiser le bonheur de chacun. L’une des premières notions que l’on nous apprend d’ailleurs est celle de coût d’opportunité, qui se définit comme étant la valeur de « ce à quoi une personne renonce lorsqu’elle effectue un choix ».

Évidemment, l’ensemble des principes économiques ne tardent pas à se complexifier, soumis à d’innombrables lois et variables qui transforment cette science en un merveilleux casse-tête, dont la logique m’échappe encore parfois.

Il est toutefois étonnant de constater que les rouages qui fondent cette science sont facilement applicables à notre quotidien.

Pendant que j’essayais justement de reprendre mon souffle entre deux assauts violents de formules mathématiques incompréhensibles (à moins que ce ne soit entre deux pathétiques crises de larmes hystériques… Mystère…) je me suis demandé quel pouvait bien être le coût d’opportunité d’un rêve. Quel était le prix, en termes de ce à quoi je renonçais, de continuer à poursuivre mon ambition d’être un jour économiste, malgré l’ampleur des difficultés rencontrées ?

Puisque le temps aussi est une ressource rare, il importe de se questionner sur la manière dont nous voulons en disposer. En prenant la décision d’étudier, je faisais le choix de renoncer à certaines choses et je me trouvais, par la même occasion, obligé de faire certains deuils. Chaque heure passée à étudier, bien que me rapprochant imperceptiblement de mon objectif, me forçait à délaisser certaines amitiés ; à renoncer à de beaux moments de complicité. Le prix était élevé, mais j’ai fini par comprendre, à force de remises en question, que peu importe le coût des efforts que je devrais faire, le temps que je consacrerais à nourrir mon rêve en vaudrait toujours la peine, malgré toute l’amertume que pouvait susciter en moi le fait de quitter des êtres aimés. Il y aura toujours des centaines de bonnes raisons de capituler devant les difficultés, et persévérer est incroyablement difficile ; car c’est en réalité contre nous-mêmes que nous luttons lorsque nous envisageons l’abandon. Par contre, il n’y a rien de fou à s’acharner, bien que parfois, je dois l’avouer, j’en ai douté. Choisir le chemin de la facilité est la seule décision qui me paraît complètement absurde, car en choisissant cette voie, nous nous privons d’une occasion unique de réaliser notre plein potentiel, même si cela signifie parfois que l’on doit s’emmurer dans la solitude.

Il est bien vrai que l’économie est loin d’être toujours une partie de plaisir ; et que, bien souvent, elle m’occasionne d’affreux maux de tête, plutôt que de susciter en moi bonheur et allégresse. Néanmoins, je ne peux m’empêcher de trouver cette science tout à fait fascinante et de me dire que l’université, bien que parfois synonyme de sacrifices, constitue un investissement inestimable. En prenant conscience du fait que le temps dont nous disposons est limité, nous réalisons que nous sommes responsables de lui donner de la valeur, en l’utilisant à bon escient. Avoir le courage de poursuivre un rêve, quel que soit le prix à payer, est, à mon sens, une merveilleuse manière de faire en sorte que notre temps compte ; de s’assurer que sa rareté soit honorée et qu’il ne soit pas gaspillé.

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