Des humoristes créent le Festival du rire de Montréal
« Si tu veux tout savoir, j’aurais aimé ça que Gilbert Rozon soit quelqu’un d’éthique et qu’il n’agresse personne, dit avec franchise Jean-François Mercier. J’aurais aimé ça et j’aurais continué de faire affaire avec Juste pour rire. Mais là, ce n’est plus possible : le public ne veut plus embarquer là-dedans et les humoristes non plus. »
À la suite des allégations contre le fondateur de Juste pour rire, une coalition d'une cinquantaine d’humoristes, dont Jean-François Mercier, Martin Petit, Lise Dion, Mike Ward, Réal Béland, François Bellefeuille, Maxim Martin et Adib Alkhalidey, a annoncé hier qu'elle créait le Festival du rire de Montréal. Au cours des prochaines semaines, les membres de l’organisme à but non lucratif nommeront un directeur général et un conseil d’administration. La première édition du festival aura lieu l'été prochain.
Tout comme le festival Juste pour rire, il pourrait y avoir des spectacles extérieurs et intérieurs, des enregistrements télé, des galas, etc.
Réal Béland promet toutefois que les billets seront moins chers que pour les galas Juste pour rire : « Ça ne me faisait pas plaisir qu’une personne assiste au gala et qu’elle paye plus de 100 $. Je suis désolé, mais un show d’humour, ça ne devrait pas dépasser 60 $. Surtout dans un théâtre comme Wilfrid-Pelletier à 3500 places et où on présente souvent deux galas par soir. Pouvons-nous être plus à l’écoute du public et lui offrir quelque chose d’abordable pour qu’il ait du fun ? », demande l’humoriste et metteur en scène, qui a collaboré régulièrement avec le Groupe Juste pour rire.
Martin Petit a été bouleversé par les allégations d’inconduite sexuelle contre Gilbert Rozon. Surtout que dans la foulée des événements, une amie d’enfance qu’il « considère comme une petite sœur » lui a confié qu’elle était une des victimes.
« Ça m’a atteint comme si c’était arrivé à un membre de ma famille. J’ai deux gars, mais si j’avais une fille et qu’il lui arrivait quelque chose de semblable, je sais que je ferais tout pour mettre de la justice dans cette histoire-là. J’ai voulu faire de même pour mon amie. »
— Martin Petit
Après mûre réflexion, la manière qu’il a trouvée d’offrir un peu de justice à son amie et aux autres victimes alléguées de Gilbert Rozon a été de fonder un nouveau festival d’humour à Montréal.
« La réaction du monde des affaires est excellente. Je ne pensais pas parler à des gens aussi importants que ceux qui m’ont appelé dans les dernières heures. Des gens sympathiques qui se sont reconnus dans le discours associatif de ce que nous proposons », dit Petit.
En plus d’avoir reçu des offres de partenaires importants, il espère que l’organisme à but non lucratif recevra des subventions gouvernementales. À ce sujet, l’attaché de presse de Mélanie Joly, Simon Ross, a confirmé que la ministre du Patrimoine canadien allait rencontrer les membres de la coalition, lundi prochain.
À Québec, le gouvernement était au fait depuis quelques semaines de l’intention des humoristes de mettre sur pied un organisme pour chapeauter la création d’un nouveau festival d’humour.
Au cours des dernières semaines, le collectif d’humoristes a rencontré à quelques reprises des fonctionnaires du ministère de l’Économie, de la Science et de l’Innovation, qui l’a accompagné dans le processus de création d’un organisme à but non lucratif. Cet accompagnement n’est toutefois pas exceptionnel, car d’autres entrepreneurs y ont à l’occasion accès, a-t-on expliqué à La Presse.
La ministre de l’Économie, Dominique Anglade, a parlé avec le collectif d’humoristes lors d’« un appel téléphonique de courtoisie ». Dans les prochains mois, ils pourront toucher quelques dizaines de milliers de dollars de la part de son ministère pour la mise sur pied de leur organisme. Ces fonds ne sont toutefois pas liés à l’organisation du festival. Il s’agit de fonds qui seraient par exemple accordés pour la réalisation d’un plan d’affaires.
De plus en plus d’humoristes semblent se distancier vis-à-vis de l’entreprise fondée par Gilbert Rozon. Martin Petit, dont l’émission de télévision Les pêcheurs est une production de Juste pour rire, a décidé qu’il se dissociait du groupe, si une sixième saison doit être réalisée.
Même chose pour Maxim Martin, un des artistes « maison » de Juste pour rire. Son émission Max et Livia, diffusée à VRAK et qui met en scène sa fille et lui, était produite par l’entreprise.
« Dès le lendemain du scandale Rozon, je leur ai annoncé la nouvelle. Il n’était pas question que j’associe ma fille à tout ce que j’apprenais. C’est ma façon de réagir en tant que père, homme et artiste. »
— Maxim Martin
Il réfléchit également à la possibilité de se dissocier complètement du groupe pour la création de son prochain spectacle.
Réal Béland a également affirmé que le Festival du rire de Montréal ouvrait toutes grandes ses portes aux employés du Festival Juste pour rire. « À 99 %, les gens qui travaillent là sont honnêtes et compétents. Pourquoi on ne les reprendrait pas dans notre festival pour leur redonner un job qui serait probablement mieux payé ? », dit le père de quatre filles.
— Avec Hugo Pilon-Larose, La Presse