Pollution atmosphérique

VOIR L’AIR QUE L’ON RESPIRE

Pour la première fois, des détecteurs connectés à une tablette ou à un téléphone intelligent permettent de mesurer en temps réel la pollution dans l’air que l’on respire. Banc d’essai.

UN DOSSIER DE NICOLAS BÉRUBÉ

Pollution atmosphérique

CO2

À l’intérieur, le dioxyde de carbone est notamment produit par la respiration humaine et animale. Les normes internationales placent généralement la limite entre 1000 et 1500 parties par million (ppm), mais une récente étude menée par une équipe de l’Université Carnegie Mellon montre que le cerveau humain fonctionne moins bien à partir de concentrations de 600 ppm. 

Pollution atmosphérique

COV

Les composés organiques volatils (COV) sont des composés chimiques toxiques relâchés dans l’air par des objets manufacturés. Les sources : pollution automobile, peintures, colles, traitement du bois, etc. Certains COV sont considérés comme cancérigènes. En raison de leur grande variété, les valeurs limites pour leur concentration dans l’air intérieur ambiant sont difficiles à déterminer.

Pollution atmosphérique

Particules fines

Les particules fines (PM 2.5) peuvent provenir de la pollution automobile, de la combustion du bois, de la fumée de cigarette, de la cuisson ou du pollen. Elles sont liées à des problèmes respiratoires, notamment chez les enfants. Des études ont montré qu’une exposition prolongée à des concentrations de 10 ug/m3 et plus peut augmenter les risques de maladies chroniques.

Pollution atmosphérique

Des analyses surprenantes

L’air de la maison est-il propre ? La question n’est pas farfelue : l’air extérieur était de bonne qualité à peine une journée sur cinq à Montréal en 2015, selon les analyses de la Ville. En banlieue, la situation semble sensiblement meilleure, bien que les données soient moins nombreuses.

Utilisation grandissante de l’automobile en ville, chauffage au bois, rejets industriels… Les causes et les effets de la pollution atmosphérique, classifiée comme cancérigène par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), sont connus.

Ce qui l’est moins, c’est comment la pollution nous affecte dans notre quotidien. Est-ce que la bouffée d’air frais que vous faites entrer dans votre maison contient des polluants nocifs ? L’air que respire votre enfant à son école située près d’une route hautement fréquentée est-il propre ?

Pour nous permettre de « voir » l’air que nous respirons, des entreprises commencent à mettre en marché des détecteurs capables d’en analyser la qualité. Connectés à l’internet et à votre tablette ou à votre téléphone intelligent, ces détecteurs analysent en temps réel la quantité de particules fines et vous avertissent quand la qualité de l’air pose problème. Il est ainsi possible de suivre, d’heure en heure et de jour en jour, les changements dans la qualité de l’air d’une pièce.

Nous avons testé trois de ces appareils : Speck Sensor et Awair, qui proviennent d’entreprises installées aux États-Unis, et Air Air !, produit par une firme de Singapour. Tous les appareils ont été commandés sur l’internet.

Ces capteurs sont en plein essor et plusieurs autres entreprises (Cubesensors, Birdi et TZOA, cette dernière étant installée à Vancouver) n’avaient pas d’unités à nous fournir pour notre test, mais promettaient de commencer à vendre leurs produits cette année.

IMPACT INSOUPÇONNÉ

Dans notre test, nous avons été surpris de voir à quel point la qualité de l’air pouvait fluctuer dans une même pièce au cours d’une journée. Par exemple, faire cuire du poisson dans la poêle provoquait une hausse des niveaux de particules fines dans la cuisine et la salle à manger attenante, et ce, même si nous utilisions la hotte. L’air peut aussi rester de mauvaise qualité pendant des heures suivant la fin du repas.

Aussi, le niveau de particules fines grimpait dans une chambre d’enfant si l’on omettait de passer l’aspirateur ou de changer les draps et de secouer la couette à l’extérieur une fois ou deux par semaine. Petit à petit, le détecteur est devenu notre repère pour nous indiquer que le temps était venu de passer l’aspirateur, suivi d’une vadrouille, essentielle pour neutraliser les particules fines. Ces dernières peuvent déclencher des crises d’asthme. À long terme, elles peuvent aussi causer des maladies respiratoires chroniques et nuire à la qualité de vie.

CO2 ET HUMIDITÉ

En plus de mesurer les particules fines, l’un des appareils testés, fabriqué par l’entreprise Awair, de San Francisco, indique aussi la température, le niveau d’humidité, la concentration de CO2 et la concentration de composés organiques volatils (COV) dans l’air.

Nous avons été surpris de voir à quel point la concentration de CO2 grimpait rapidement dans les chambres à coucher durant l’hiver, quand les fenêtres sont fermées.

Lorsque la porte de la chambre était fermée ou presque fermée, le niveau de CO2 dans la pièce dépassait vite les 1000 parties par million (ppm) durant la nuit. Lorsqu’on laissait la porte grande ouverte, le taux de CO2 était coupé de moitié.

L’impact d’une forte concentration de CO2 sur la santé est encore mal connu, mais une analyse menée en 2015 par l’Université Harvard a révélé que les concentrations de CO2 de 1000 ppm et plus réduisaient les temps de réponse durant des tests, nuisait à la prise de décision et augmentait le sentiment de fatigue.

L’entreprise Awair veut aussi que son dispositif puisse communiquer avec d’autres appareils de la maison (humidificateur, thermostat, ventilateur) de manière à créer un écosystème capable d’identifier un problème et de le régler de manière autonome.

DANS LE NUAGE

Les trois appareils testés affichent leurs résultats sur une tablette ou sur un téléphone intelligent. Deux vous demandent de vous inscrire sur le Net et envoient les données dans le « nuage ». Résultat : vous pouvez suivre l’évolution de la qualité de l’air de votre maison peu importe où vous vous trouvez. Un des détecteurs, Speck Sensor, ajoute aussi des informations sur la qualité de l’air extérieur de votre ville.

Des trois appareils testés, seul Air Air !, un petit détecteur qui a la forme d’un œuf, était muni d’une pile et n’avait donc pas à être branché pour fonctionner. Cela peut être un avantage : nous avons pu le placer pour une journée sur une tablette à la garderie, pour y analyser la qualité de l’air.

Il est à noter qu’aucun appareil testé ne détecte la présence de moisissures ou encore celle de l’amiante ou de contamination à la peinture au plomb. Il est recommandé de faire affaire avec une firme spécialisée si vous suspectez un de ces problèmes.

Pollution atmosphérique

Trois gadgets à l’épreuve

Les détecteurs capables d’analyser la qualité de l’air arrivent sur le marché. La Presse a testé trois de ces appareils : Speck Sensor, Awair et Air Air !. Voici notre bilan.

Speck Sensor

Conçu par des chercheurs de l’Université de Pittsburgh, le détecteur Speck analyse en temps réel les particules fines en suspension dans l’air de la pièce où il se trouve. Les données sont gardées en mémoire et sont présentées sur des graphiques qui montrent l’évolution de la qualité de l’air au fil des jours. On peut consulter ces graphiques en ligne, sur un ordinateur ou bien sur une tablette ou un téléphone intelligent iOS ou Android. À partir du code postal que vous lui fournissez, Speck peut aussi afficher la qualité de l’air extérieur telle qu’elle est mesurée par le détecteur public le plus près (qui peut souvent être à des kilomètres de chez vous). Comme les autres détecteurs testés, Speck est très précis : faites brûler une allumette et vous verrez le niveau de polluants dans la pièce grimper presque aussitôt.

+

Écran qui permet de consulter les données directement sur l’appareil. N’a pas besoin d’être connecté au wifi pour fonctionner. Données historiques en mémoire dans le « nuage ».

-

L’écran peut éclairer votre chambre durant la nuit, il faut l’éteindre manuellement. L’écran attire les enfants curieux…

Prix : 149 $US

Air Air !

Le petit détecteur Air Air ! a été conçu par l’entremise d’une campagne de sociofinancement sur Kickstarter. Le résultat : un petit objet de forme légèrement oblongue, que l’on peut poser un peu partout et déplacer à sa guise. C’est le seul détecteur testé muni d’une pile, un détail intéressant qui permet de l’utiliser même là où il n’y a pas de prise de courant. Le détecteur communique par Bluetooth avec une tablette ou un téléphone intelligent muni de l’application gratuite iOS/Android : il suffit d’appuyer sur un bouton pour « synchroniser » le détecteur avec son appareil mobile. Air Air ! est en vente sur le Net par une entreprise située à Singapour.

+

Le plus compact des détecteurs étudiés. Muni d’une pile qui dure plusieurs semaines. N’a pas besoin d’être connecté au wifi ou à Bluetooth pour fonctionner. Le moins cher des détecteurs testés.

-

L’application mobile manque de fonctionnalités et pourrait être plus conviviale.

Prix : 89,95 $US

Awair

Dès que l’on reçoit la boîte, on comprend que les gens d’Awair (de l’anglais « aware », qui veut dire « informé »), une entreprise de San Francisco, ont de grandes ambitions. Le produit est présenté dans un emballage minimaliste qui n’aurait pas déplu à Steve Jobs. Petite boîte au cadre de bois, le détecteur Awair a été le plus agréable à utiliser : il mesure la quantité de particules fines, mais aussi la température, le taux d’humidité, la concentration de CO2 et la concentration de composés organiques volatils (COV). Une série de points lumineux sur l’appareil donne un aperçu des différentes variables mesurées. Lorsque la qualité de l’air cloche, l’application propose des suggestions pour l’améliorer, un détail intéressant même si certaines suggestions (« ouvrez une fenêtre ») semblent parfois limitées.

+

Mesure cinq variables. Peut être personnalisé pour couper l’affichage quand la pièce devient sombre. Application iOS/Android conçue avec soin. Engagement de la société à raffiner son application au fil du temps.

-

L’application offre des conseils parfois banals. Le détecteur doit être connecté au wifi pour fonctionner. L’application ne garde pas en mémoire un historique des analyses. Le plus cher des détecteurs testés.

Prix : 199 $US

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.