Premier relais (classique)

Kershaw garde la tête… en attendant bébé !

Devon Kershaw avait passé les derniers jours collé à son téléphone : sa femme, l’ex-fondeuse norvégienne Kristin Stormer Steira, attend incessamment la naissance du premier enfant du couple. « On remercie sa femme de lui avoir permis de venir ici ! a dit Alex Harvey. Kristin est vraiment relax. J’ignore comment elle fait pour savoir ça, mais elle pense qu’elle sera en retard un peu. Ça doit être l’intuition de la mère. Elle lui a dit : “Tu peux y aller, le bébé n’arrivera pas tout de suite.” » Le vétéran de 34 ans, absent du podium depuis plus de trois ans, s’est tenu parmi les meneurs durant toute la première portion en classique. Celui qui a été de toutes les batailles au relais depuis 12 ans est rentré à Oslo en voiture après une courte mais intense célébration avec toute l’équipe… Un autre grand moment l’attend.

Deuxième relais (classique)

Harvey avec les costauds

Le Norvégien Martin Johnsrud Sundby, le Suisse Dario Cologna et le Russe Alexander Bessmertnykh : Harvey avait du pain sur la planche pour ce deuxième relais en classique. Face à ces costauds, l’athlète de 28 ans a tout juste raté la sélection à quatre pays. « La montée a été dure, ils ont vraiment attaqué, a-t-il relaté. Je savais exactement ce que Sundby voulait faire. J’ai été décroché de quelques mètres, mais c’est resté comme ça jusqu’à la fin. J’ai perdu trois, quatre secondes par rapport au reste du groupe, mais heureusement, Knute [Johnsgaard] a été capable de super bien démarrer. »

Troisième relais (style libre)

Johnsgaard en « surhomme »

En quelques coups de reins, Knute Johnsgaard est parvenu à recoller à la tête de la course pendant que les meneurs se regardaient. « Je me sentais bien dès le début et j’avais encore de l’énergie dans le dernier tour », a expliqué la recrue de Yellowknife, invitée à la dernière minute pour remplacer Graeme Killick, malade. « Il a fait un effort presque surhumain, a précisé Alex Harvey. Honnêtement, ça passait ou ça cassait avec lui. » Sprinter avant tout, Johnsgaard n’a jamais fait mieux que 47e dans une course de distance en Coupe du monde. « Dans un relais, les statistiques ne veulent plus rien dire », a souligné l’entraîneur national Louis Bouchard. « Pour certains athlètes, l’enjeu les change complètement. Aujourd’hui, Knute était prêt à mourir pour l’équipe. »

Quatrième relais

Valjas, le « sac à surprises »

Len Valjas, lui aussi sprinter avant tout, allait-il tenir le coup ? Avec neuf pays toujours dans la bataille pour le podium, c’était la grande question. Devant la caméra, Alex Harvey a croisé les doigts. « Len, c’est un sac à surprises ! », a-t-il expliqué. Le géant de 6 pi 6 po ne voulait surtout pas se faire coincer à l’arrière sur ce parcours sinueux. Septième ou huitième au sommet dans la dernière montée, il a profité d’un ultime rouleau pour se repositionner. « Il y avait un espace d’un ou deux pieds à l’intérieur, a-t-il raconté. J’ai amené de la vitesse et je crois que j’ai dépassé six équipes seulement dans cette petite bosse, en faisant de la double poussée et même pas en patinant. Ça m’a permis de m’installer derrière le leader. » Imitant le Suédois Calle Halfvarsson, Valjas a fermé la porte aux poursuivants. Seul le Norvégien Finn Haagen Krogh est parvenu à les dépasser. « Mais je me suis battu fort pour donner au Canada ce premier podium en relais. Je ne voulais pas laisser tomber mes coéquipiers... »

Coupe du monde d’Ulricehamn

Un relais pour l’histoire

Ils en rêvaient depuis des années. Avec le 50 km individuel, le relais est l’épreuve phare du ski de fond, la mesure étalon de la santé d’un programme.

À peine Len Valjas a-t-il franchi la ligne d’arrivée qu’Alex Harvey, Devon Kershaw et Knute Johnsgaard ont fondu sur lui. Les quatre hommes venaient de mener le Canada à la troisième place du relais 4 x 7,5 km de la Coupe du monde d’Ulricehamn, en Suède, hier. Avec les entraîneurs et les techniciens en larmes, ils ont fêté comme une victoire ce premier podium de l’histoire du ski de fond canadien dans un relais masculin.

« J’arrivais tellement vite, ils m’ont juste attrapé et stoppé net », a raconté au téléphone le Torontois Valjas, gagnant d’un sprint par équipes avec Harvey une semaine plus tôt en Italie. 

« C’était fantastique. C’est le plus beau feeling que j’ai jamais vécu en ski de fond. »

— Len Valjas

Gagnant du 15 km individuel la veille, Harvey est monté sur le podium pour la troisième course consécutive, du jamais-vu pour un fondeur canadien. Cette troisième place inattendue lui a fait au moins autant plaisir que ses deux victoires précédentes. 

« C’est probablement la course où on a vécu le plus d’émotions, a confié le skieur de l’heure sur la scène internationale. Personnellement, j’ai juste contribué à 25 % de la course, mais la joie que ça peut procurer à tout le monde est incomparable. »

Après des années à mordre la poussière – cinquièmes aux Mondiaux 2009, aux Jeux olympiques de Vancouver et à la Coupe du monde de Gällivare en 2012 –, les Canadiens ont enfin atteint la cible, terminant à une demi-seconde de la Norvège et tout juste derrière la Suède, double championne olympique.

« Nos deux derniers skieurs [Johnsgaard et Valjas] ont vraiment élevé leur niveau aujourd’hui, comme les pays scandinaves savent si bien le faire pour les journées de relais, a souligné Harvey. Pour une fois, on a été capables de le faire aussi. »

Et maintenant ?

En cette ère d’austérité à Ski de fond Canada, ce podium au relais représente une formidable carte de visite quand viendra le temps de s’asseoir avec les organismes subventionnaires comme À nous le podium avant les Jeux de PyeongChang. Jusque-là, presque tout reposait sur les épaules d’Alex Harvey, l’homme aux 21 podiums en Coupe du monde. « On est en train de démontrer qu’on a un bon programme polyvalent, qu’on a des chances de médailles multiples, a relevé Louis Bouchard. Ça va aider tout le monde, de l’élite au développement. » Le plaisir est aussi au rendez-vous, a noté l’entraîneur national, dont le mot d’ordre d’ici aux JO est de « garder les choses simples ». Prochain défi : confirmer le potentiel du relais dans un mois aux Mondiaux de Lahti.

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