Monsieur l’inspecteur

Les promesses rompues des revêtements d’acrylique

Un produit qui embellit votre maison tout en améliorant l’isolation. Trop beau pour être vrai ? Voici la triste histoire des enduits d’acrylique.

À l’étranger, les enduits d’acrylique font des merveilles sur l’extérieur des bâtiments en béton plein ou en blocs de béton. Le produit est abordable et l’installation, rapide. Les couleurs et les textures sont très belles.

Au Canada, sur nos constructions à ossatures de bois, l’utilisation de ces enduits comme revêtement extérieur s’est avérée catastrophique. Des centaines de propriétaires de condominiums construits à Vancouver vers la fin des années 90 ont vécu un long cauchemar : infiltrations d’eau, pourriture, recours en vices cachés, refus d’assureurs.

Les consommateurs québécois ne sont pas épargnés. L’acrylique est une option de plus en plus choisie lors de la rénovation des murs extérieurs résidentiels. Comme pour plusieurs autres produits populaires dans d’autres pays, on doit s’en méfier.

Constructeurs et rénovateurs proposent les « systèmes d’isolation des façades avec enduit », connus sous l’acronyme SIFE. Il s’agit essentiellement de couches d’acrylique appliquées sur des panneaux isolants de polystyrène expansé, le tout fixé directement contre le revêtement intermédiaire (le contreplaqué sur la face d’extérieur des murs, derrière le revêtement de finition).

Les promesses des SIFE étaient nombreuses : une isolation améliorée, une étanchéité parfaite et une finition impeccable. Tout cela, à un prix très alléchant. À moins d’être un consommateur très avisé, difficile de ne pas se laisser convaincre.

L’expérience a démontré que les SIFE, tel qu’ils étaient installés jusqu’à tout récemment, ont rompu toutes leurs promesses.

« Aucun revêtement extérieur n’est parfaitement étanche. Il y a toujours de l’eau qui entre. »

— Patrick Gautreau, technologue expert en bâtiment et président de Nivoex

Patrick Gautreau qualifie les SIFE de véritables « éponges scellées avec du duct tape ». Les billes de polystyrène expansé qui composent les panneaux isolants sont très absorbantes. L’enduit d’acrylique est effectivement étanche, sauf que l’eau finit inévitablement par se frayer un chemin par une imperfection d’exécution ou à la suite d’un bris.

Les installateurs enduisent tout, sauf le vitrage des fenêtres ! Le résultat est très tape-à-l’œil. Cependant, sur un seuil de porte, par exemple, il ne faudra que quelques coups de pied pour briser l’enduit. Autour d’une fenêtre, un mauvais égouttement aura aussi tôt fait d’endommager l’enduit. Les mouvements de dilatation et de contraction des matériaux composant les SIFE induisent eux aussi des bris.

Et l’eau qui s’infiltre ne ressort plus. La pourriture s’installe dans les composantes du mur qui sont en bois. Lorsqu’on retire une partie de l’enduit et de l’isolant pour voir les dommages derrière, les taches noires qu’on découvre ne sont que la pointe de l’iceberg.

Les SIFE ne sont pas mentionnés dans le Code de construction. On peut bien interpréter certaines dispositions du Code en leur faveur, il n’en demeure pas moins que leur mode d’installation contrevient à un grand principe de la construction sur ossature de bois, qui veut que les murs extérieurs soient « ventilés ».

Que l’on habille une maison avec de la brique, des planches de bois, du clin de vinyle ou de l’aluminium, l’eau des précipitations finira toujours par s’infiltrer. Ces revêtements forment la première barrière contre les intempéries. Pour que l’eau qui la traverse puisse s’évacuer ou sécher, on laisse un jeu d’air derrière ces revêtements.

Cette lame d’air, qu’on appelle aussi « cavité de drainage et de ventilation », est absente sur presque tous les murs recouverts d’un SIFE. Dans les années qui suivent leur installation, on voit apparaître sur la surface d’acrylique des ondulations, des traces brunâtres, des cernes d’eau ou des fissures.

En situation de transaction immobilière, ces signes de détérioration ne sont pas toujours présents. Cependant, si l’on n’arrive pas à insérer les doigts dans une cavité de drainage à la base du revêtement d’acrylique, il faut s’attendre à ce qu’un jour, de l’eau s’infiltre et cause des dommages.

Les réparations se chiffrent en milliers de dollars. Il n’y a pas que le parement extérieur à réparer ou à remplacer. De petites ou grandes portions de la structure en bois des murs et cadrages de fenêtres attaquées par la pourriture seront aussi à remplacer.

Depuis quelques années, les fabricants de SIFE exigent que leurs produits soient installés sur une cavité de drainage qui débouche sur l’extérieur. Ce faisant, leur valeur isolante est annulée ! Et l’installation devient si méticuleuse que l’avantage de prix est lui aussi annulé.

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