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— Michel Therrien

Opinion  Architecture

Des horizons prometteurs pour La Maison Alcan

Le projet de La Maison Alcan intègre un ensemble d’édifices patrimoniaux et modernes au centre-ville de Montréal, en tête de l’îlot délimité par les rues Sherbrooke, Stanley et Drummond. L’annonce de son classement illustre le chemin parcouru au cours de la dernière année.

Aujourd’hui, on peut constater que l’intervention habile du ministre de la Culture et des Communications du Québec, Luc Fortin, a favorisé l’établissement d’un dialogue constructif entre les parties prenantes, incluant au premier chef l’entrepreneur innovant Guy Laliberté. À la lumière du contenu dévoilé en conférence de presse, nous pouvons maintenant être rassurés de voir naître un projet rassembleur dans le respect du patrimoine ancien et moderne du site.

Il faut applaudir au fait que cette annonce conjointe et le processus éclairé de collaboration et de médiation aient mené à ce résultat prometteur.

Cela contribuera à faire de cet îlot un lieu riche d’histoire et un exemple d’architecture dédiée à des fonctions créatives et dynamiques à l’image de la métropole. Autre bonne nouvelle : ce projet de développement renouvelé de La Maison Alcan semble aussi s’inscrire dans la vision du plan Stratégie centre-ville de l’administration Coderre et contribuera à la revitalisation durable de ce secteur du centre-ville en perte vitesse.

Rappel de l’évolution du site

Revenons sur l’évolution de cet ensemble. En 1981, la partie nord de l’îlot est acquise par la société Alcan, qui y établit son siège social. Né de la vision de David Culver, alors président d’Alcan, le projet fut réalisé par les architectes montréalais Raymond Affleck et Julia Gersovitz en 1982-1983, au terme d’un dialogue exemplaire avec le Service de l’urbanisme de la Ville de Montréal. 

Pour l’époque, il en émergeait un projet novateur de conservation, d’insertion contemporaine et de design urbain, restaurant ou recyclant quatre anciennes résidences victoriennes en rangée, ainsi que l’Hôtel Berkeley, pour les intégrer à des constructions modernes respectant la morphologie des lieux. Parmi les éléments de modernité, notons que ces bâtiments étaient dorénavant reliés à l’arrière, par un atrium de 27 mètres de hauteur qui a pris la forme d’un passage piétonnier, à un nouvel immeuble de bureaux de huit étages, l’édifice Davis.

Un tel atrium constituait l’une des premières places intérieures couvertes de ce genre à Montréal.

En 2013, Rio Tinto Alcan affiche son intention de déménager son siège social, ce qui ouvre le site de La Maison Alcan à de nouveaux acquéreurs. En 2015, des investisseurs, au nombre desquels on trouve Lune Rouge, fondée par Guy Laliberté, évaluent l’idée d’adapter certains éléments bâtis récents aux nouveaux usages, dont l’intégration d’une tour de bureaux dans la partie arrière du site, et ce, dans le but de le revitaliser et d’assurer son avenir. Après 30 ans et malgré ses qualités indéniables, il appert que la propriété alors vacante a perdu de sa superbe et correspond moins bien aux nouveaux besoins des grands locataires du centre-ville. Le manque d’information sur le projet des nouveaux propriétaires et le processus d’approbation sont alors critiqués dans le milieu.

Devant cette situation, un avis d’intention de classement pour le Complexe de la Maison Alcan est déposé en 2015 et incite les nouveaux propriétaires à engager des discussions en vue d’établir quels éléments étaient à protéger et lesquels offraient davantage de flexibilité pour répondre adéquatement aux besoins contemporains. Par ailleurs, un groupe bénévole formé de quelques experts fait valoir que « tout projet doit apporter une valeur à son milieu ». Leur démarche est bien reçue et nous saluons aujourd’hui l’ouverture et la bonne foi démontrées par le propriétaire, la Ville, le ministère de la Culture et les acteurs du milieu dans ce processus.

Dialogue rassembleur

Il faut aussi retenir que cette expérience qui s’annonce prometteuse pourrait bénéficier à d’autres projets sur des sites où l’on retrouve un bâti qui mérite d’être conservé ou mis en valeur. Pour cela, force est de constater que les approches de zonage traditionnelles s’avèrent parfois désuètes pour certains sites complexes et patrimoniaux, ou mal adaptées pour favoriser l’alliance harmonieuse de la conservation du patrimoine avec le besoin de lieux propices à l’essor d’une métropole dense et animée.

On peut estimer que le dialogue rassembleur des derniers mois permettra au site de poursuivre son histoire dynamique. Espérons qu’il ouvrira la voie à un nouveau modèle de concertation ! À court terme, il aura permis de sauvegarder les attributs significatifs de ce complexe, et ce, sans empêcher sa revitalisation durable. Tout comme il a évolué au fil du temps, le site de La Maison Alcan continuera à enrichir le cœur de Montréal et à refléter son époque, tout en conservant ses racines et ses marques distinctives.

* L’auteur est architecte, urbaniste, gestionnaire de projets, professeur titulaire et coordonnateur des programmes en montage et gestion de projets d’aménagement, chercheur à l’Observatoire Ivanhoé Cambridge du développement urbain et immobilier, Université de Montréal. (Alors employé au Service de l’urbanisme de la Ville de Montréal, l’auteur était responsable du dossier de La Maison Alcan dès 1982 ; il a été consulté par les parties prenantes au cours de 2015-2016.)

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