ÉDITORIAL GAZ À EFFET DE SERRE

« J’ai un plan »

Un projet gazier approuvé en Colombie-Britannique ? Par un gouvernement libéral qui reprend les cibles des conservateurs ? Justin Trudeau n’est-il qu’une pâle copie de Stephen Harper, à peine plus verte ?

Ces critiques entendues cette semaine, le premier ministre les a cherchées, disons-le. Non seulement il a constamment haussé les attentes sur le plan environnemental, il n’a pas encore livré la marchandise.

Mais ne perdons pas de vue l’essentiel. Ne laissons pas l’arbre cacher la forêt… ou plutôt l’absence de forêt.

On peut certes sourciller en apprenant que le fédéral approuve le gazoduc Pacific NorthWest, sans que ce projet s’inscrive dans un quelconque plan de lutte climatique. On peut s’interroger en voyant les libéraux reprendre l’objectif de réduction des gaz à effet de serre des conservateurs, sans qu’il ait jamais été rattaché à un plan d’action.

Mais le véritable problème n’est ni le gazoduc ni le manque d’ambition de la cible. Le problème, c’est l’absence de plan.

Une absence qui se fait sentir depuis le début des négociations du protocole de Kyoto, il y a 20 ans !

Jean Chrétien avait élaboré certaines mesures pour réduire les émissions canadiennes, mais pas de plan digne de ce nom. Paul Martin a mis de l’avant le plan Dion, mais il a été renversé avant de l’adopter. Stephen Harper a fait mine de Prendre le virage, mais ce plan a disparu.

Et Justin Trudeau… eh bien, on attend impatiemment son plan canadien en matière climatique.

Le premier ministre n’a pas chômé depuis la Conférence de Paris, c’est vrai. Il y a eu la rencontre des premiers ministres à Vancouver. Il y a eu des discussions sur le « cadre stratégique », la répartition de l’effort, la tarification du carbone.

Mais toujours pas de plan.

C’est cette absence qui justifie les critiques qui ont fait suite à l’approbation du gazoduc de l’Ouest. Non pas parce qu’Ottawa a osé donner le feu vert à un gazoduc, mais parce que cela se fait sans cadre, sans qu’on sache si ce projet est compatible avec l’objectif que s’est fixé le Canada à Paris.

La même chose s’applique avec la cible des conservateurs. Car en soi, une réduction de 30 % des gaz à effet de serre (par rapport au niveau de 2005, d’ici 2030) ne veut rien dire tant qu’on ne voit pas les mesures, actions et réglementations nécessaires. Tant qu’on ne voit pas là où ça fait mal, en fait.

Il faut donc savoir où on s’en va, de manière pressante. Il sera toujours temps de débattre ensuite d’une modification de la cible.

Il sera temps de regarder chacun des projets d’oléoducs Kinder Morgan, Northern Gateway et Énergie Est. Il sera temps de prendre des décisions, bref, en fonction de la capacité du Canada d’honorer son engagement.

Lors de la dernière élection, Justin Trudeau répétait sans cesse la même phrase pour se distinguer de Stephen Harper : « J’ai un plan. » Il est temps qu’on en voie la couleur.

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