Commission d’enquête publique sur les autochtones

Outrés, les policiers n’excluent pas les moyens de pression

QUÉBEC — Les policiers de la Sûreté du Québec en ont assez. L’annonce d’une commission d’enquête publique qui allait, une nouvelle fois, entendre les doléances des autochtones par rapport à la police a eu l’effet d’une douche froide au syndicat qui les représente. À tel point qu’on n’écarte pas les moyens de pression.

« On a été déçus par cette décision », a dit sans détour Pierre Veilleux, président de l’Association des policières et policiers du Québec (APPQ), qui a appris l’intention de Québec quand il se trouvait à Val-d’Or, jeudi dernier. Il a communiqué depuis avec le ministère de la Sécurité publique « pour faire connaître [leur] mécontentement, c’est une volte-face importante », souligne-t-il.

À Québec, « on a tenté de me rassurer en soutenant que, verbalement, le premier ministre Couillard a assuré qu’il n’avait pas l’intention de reprendre l’enquête de Val-d’Or », souligne le leader syndical. « Si le gouvernement est sincère quand il dit qu’il ne veut pas refaire Val-d’Or, ces policiers devraient être exclus de l’enquête », demande M. Veilleux. En outre, le syndicat devrait être considéré comme « partie intéressée » à cette commission, c’est-à-dire y avoir un représentant en permanence, capable de soulever des objections à l’audition des témoins.

Le gouvernement va rendre public, demain, le mandat de cette commission.

« J’ai demandé qu’on protège mes policiers de Val-d’Or et d’être partie à l’enquête. S’ils font la sourde oreille, il y aura une réaction. »

— Pierre Veilleux, président de l’Association des policières et policiers du Québec

Des moyens de pression ? « Il n’y a rien d’exclu », réplique-t-il.

UNE ENQUÊTE SUR PLUSIEURS ASPECTS

L’enquête portera sur les 10 dernières années. On examinera le travail de la police avec les autochtones, mais aussi celui du réseau de la santé, du système correctionnel, des services sociaux et de la protection de la jeunesse. Québec, qui souhaite nommer un magistrat à la tête de l’exercice, cherche encore son président.

« S’ils travaillent sur la discrimination systémique, ça va porter sur le système », observe M. Veilleux. Certaines situations sont liées à un ensemble de règlements qui colorent la relation entre les policiers et les autochtones. « Si on ramasse une personne fortement intoxiquée au milieu de la nuit, qu’elle soit blanche ou autochtone, on ne peut l’amener au poste pour dégriser dans nos cellules sans judiciariser cette interception. Il faudrait que la mairie change ses règlements », explique-t-il.

Ces développements poussent le syndicat et la direction de la Sûreté du Québec (SQ) à mettre de côté les négociations sur la convention collective. Un an après l’ensemble du secteur public, les agents de la SQ n’ont toujours pas conclu d’entente ; on en est encore aux discussions sur le normatif et on n’a pas encore touché à la pièce de résistance, le régime de retraite des policiers.

POURSUITE CONTRE RADIO-CANADA

Au gouvernement Couillard, on savait que la commission d’enquête publique était la goutte qui faisait déborder le vase pour les policiers visés par l’enquête de plus d’un an réalisée par le Service de police de la Ville de Montréal. Blanchis par le Directeur des poursuites criminelles et pénales cet automne, 41 policiers de Val-d’Or ont enclenché une poursuite juridique visant Radio-Canada, un an après la diffusion d’un reportage d’Enquête sur des allégations de sévices à l’égard de femmes autochtones. Ils réclament 2,3 millions au diffuseur public, estimant que leur réputation a été entachée.

Selon le recours, le reportage était « biaisé, trompeur », et son contenu était « inexact, incomplet et mensonger ». Sa diffusion a envenimé les rapports avec la communauté autochtone de Val-d’Or, si bien que les policiers doivent désormais composer avec un milieu de travail « néfaste et hostile ». L’APPQ, qui finance le recours, estime que le reportage du 22 octobre 2015 a eu un impact dramatique sur des agents qui n’avaient rien à voir avec les gestes allégués.

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