OPINION

Démission du ministre français de l’Environnement 
Un électrochoc salutaire pour le mouvement écologiste ?

« L’environnementalisme a échoué » titrait le magazine Maclean’s en novembre 2013. Cette déclaration-choc de David Suzuki avait fait grand bruit.

Suzuki déplorait que le mouvement écologiste ait obtenu des victoires à la pièce depuis 40 ans, mais échoué à transformer le modèle économique aux sources de l’effondrement écologique.

La démission surprise cette semaine du ministre français de l’Environnement, Nicolas Hulot, a provoqué une nouvelle onde de choc en montrant clairement que les maigres efforts que nous déployons ne sont plus à la hauteur des catastrophes écologiques qui nous accablent. Hulot, un écologiste devenu ministre pour transformer les choses de l’intérieur, a vu ses efforts paralysés au sein d’un système politique et économique aveugle à l’urgence écologique.

Lucide, Hulot constate l’échec et identifie sa source. « La planète est en train de devenir une étuve, nos ressources naturelles s’épuisent, la biodiversité fond comme la neige au soleil […] Je ne comprends pas que nous assistions globalement à la gestation d’une tragédie bien annoncée dans une forme d’indifférence ». Et d’ajouter : « On s’évertue à entretenir, voire à réanimer un modèle économique qui est la cause de tous ces désordres. »

La fin de l’ère des petits pas

Pour sortir de l’impasse, le mouvement écologiste doit se transformer. L’ère des petits pas, des intentions et des discours doit se terminer.

Nous devons désormais nous attaquer aux racines du problème, soit un modèle économique inadapté qui repose sur le dogme de la croissance infinie et qui détruit implacablement les conditions de vie sur la planète tout en exacerbant les inégalités.

Nous devons rejeter ce système, briser le cycle de l’endettement et de la surconsommation, et faire converger les luttes pour la justice sociale, la démocratie et l’environnement, puisqu’il s’agit d’une seule et même lutte.

Nous devons concentrer nos efforts sur des objectifs qui ont un fort potentiel de transformation, comme la reconnaissance du droit de vivre dans un environnement sain dans la Charte canadienne des droits et libertés. Le rôle de l’entreprise doit être revu pour la mettre au service du bien commun plutôt que de ses seuls actionnaires.

Pour ce faire, l’État doit reprendre l’initiative et sortir de la camisole de force qu’il s’est lui-même imposée. Bien mené, il constitue encore le gardien du bien commun et il est le seul capable de protéger les conditions de survie des prochaines générations. Pour y arriver, le mouvement écologiste doit investir comme jamais la sphère politique, au sein de formations politiques ou par d’autres formes d’action, avec un projet de transformations radicales.

À la hauteur des enjeux

Au terme de canicules historiques partout dans l’hémisphère nord qui ont laissé plus de 70 morts au Québec, il est incompréhensible que les grandes formations politiques occultent encore largement l’enjeu du climat durant la présente campagne électorale. Nous savons maintenant que des canicules sans cesse croissantes continueront de tuer chaque année, et que personne n’est aujourd’hui à l’abri des impacts du réchauffement planétaire. 

L’inertie de la classe politique n’est plus acceptable moralement et nous devons tenir les dirigeants imputables de leur silence.

Nous devons surtout dire la vérité et sortir du déni. Nicolas Hulot sait, comme tous les scientifiques et écologistes, qu’il est passé minuit et que nous sommes entrés dans une ère de conséquences. On ne peut plus laisser le champ libre à ceux qui justifient l’inaction en affirmant que la transition prendra du temps, qu’il faut aller lentement, et que les demi-mesures qui nous tiennent lieu de plans climatiques suffisent.

Du temps, nous n’en avons plus.

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