TÉMOIGNAGE

La schizophrénie fait partie des graves maladies mentales affectant 1 % des Québécois. Carl Bénétis, 45 ans, figure dans ces statistiques.

Sa vie n’a pas été un conte de fées, mais Carl a fait un choix : celui d’être heureux. Ex-toxicomane, il s’est d’abord libéré de la drogue et, comme ex-psychiatrisé, il a pris les mesures nécessaires pour contrôler sa maladie.

Devenu un porte-parole du Centre de soutien en santé mentale de la Montérégie, il s’applique depuis à vaincre les préjugés et la discrimination entourant la maladie mentale.

À l’occasion de la Semaine nationale de la santé mentale qui se tiendra de demain à dimanche prochain, Carl raconte son histoire d’ex-psychiatrisé et d’ex-toxicomane.

Son message en est un d’espoir et de soutien envers les adultes touchés par la maladie mentale.

— Diane Pouliot, bénévole au Centre de soutien en santé mentale de la Montérégie

TÉMOIGNAGE

J’ai vaincu la maladie mentale

Je m’appelle Carl Bénétis. Je suis né en 1972 à Longueuil.

À 8 ans, je sniffais de la colle et dès l’adolescence, ç’a été le pot et la cocaïne. Je n’étais pas mauvais à l’école, je dirais même que j’apprenais très vite, mais je m’y ennuyais. Je n’ai donc jamais terminé mes études secondaires.

Aussi, très jeune, j’ai intégré le marché du travail comme paysagiste. Au début des années 90, je suis devenu père de deux belles filles. Mais la drogue a pris le dessus et, sans exagérer, dans les années 90, j’étais souvent sur le party.

Le 1er janvier 2000, j’ai fait une première psychose à la suite d’un delirium tremens. J’avais 28 ans et mes filles, 9 et 7 ans. J’aime à dire que le bogue de l’an 2000, c’est moi qui l’ai subi. Je me prenais alors pour le Christ.

De 2000 à 2006, malgré ma psychose et l’abus de drogues, j’arrivais tout de même à travailler comme paysagiste. Je niais que j’étais malade.

Jusqu’au jour où j’ai été hospitalisé en psychiatrie et où j’ai dû abandonner le travail. Malgré les nombreuses hospitalisations entre 2006 et 2012, je continuais à résister à la médication.

Ma mère m’a pris en charge. Sans elle, j’aurais vécu dans la rue. J’étais devenu irresponsable vis-à-vis de moi-même et de mes filles. À l’aide sociale, les professionnels rencontrés m’ont signifié que j’étais « invalide à vie », donc inapte au travail.

J’ai toujours conservé un fond d’optimisme en moi. Parce que je m’étais déjà pris pour le Christ ? Pourquoi pas ! J’ai découvert une forme intime de spiritualité qui a changé ma vie.

Aussi, lors de ma dernière hospitalisation en 2012, j’avais atteint un seuil de souffrance. Fini la drogue !

J’ai pris la responsabilité de traiter ma maladie, de consulter ma psychiatre régulièrement tout en étant à l’écoute des symptômes de ma schizophrénie.

J’ai demandé des médicaments qui me permettraient d’être fonctionnel, ne plus être étiqueté « invalide à vie ».

Je suis sobre depuis 2012 et j’ai coupé l’aide sociale. Je paye mes factures avec l’argent que je gagne en travaillant comme livreur et paysagiste. Je me prépare une belle retraite. Si, par le passé, je n’ai pas été un modèle positif pour mes filles, je tente maintenant de reprendre le temps perdu.

Il n’est jamais trop tard pour soutenir les gens qu’on aime.

Je suis maintenant un homme heureux, la preuve vivante que si on ne peut guérir complètement de la schizophrénie, on peut la contrôler. D’ailleurs, le message que je livre aux personnes atteintes d’une maladie mentale est de ne pas se déclarer vaincues. J’espère ainsi contribuer à mieux combattre le désespoir et l’isolement des personnes touchées.

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