Témoignage

MALADIE MENTALE Le long chemin

Près de 250 000 personnes au Québec vivent des situations qui pourraient ressembler à celle-ci

Voici une photo de mon fils. Devant lui, c’est l’hôpital psychiatrique Rivière-des-Prairies, où il passera les prochains mois, après huit semaines à l’hôpital Charles- Le Moyne dans l’aile d’adopsychiatrie où le personnel ultracompétent et aimant en a pris soin.

Quand tu dois remettre ton enfant à des étrangers, c’est réconfortant de sentir qu’il sera écouté malgré toutes les difficultés qu’il a à s’exprimer.

Mon fils de 14 ans a de la difficulté à s’exprimer premièrement parce qu’il est autiste. Malgré son autisme qui rend son quotidien difficile, il s’intéresse à beaucoup de choses : les jeux vidéo, le dessin, la science, la musique… Il est avide de connaissances. Son cerveau fonctionnait bien malgré toutes les barrières qui le coupent d’une fluidité sociale.

Schizophrénie

La deuxième cause de ses difficultés à s’exprimer, c’est que depuis un an, il souffre de psychoses paranoïaques. Tout pointe vers la schizophrénie. La schizophrénie est une maladie physique qu’on ne voit pas et qui ne peut être diagnostiquée que par le comportement de ceux qui en souffrent. En gros, il entend des voix, celles des gens qu’il côtoie : voisins, amis, famille… Elles sont toujours dénigrantes. Il vit dans un monde d’agressions verbales, jour après jour, depuis un an.

Après neuf mois à vivre avec sa maladie et à essayer de la contrôler, autant par notre amour que par un suivi psychiatrique très serré, nous avons dû « passer la puck » à d’autres.

Nous étions à bout de souffle, complètement démunis devant les crises et la violence, sans compter le manque de sommeil que sa maladie imposait à toute la famille.

C’est en ambulance, escorté par la police, qu’il a été emmené à l’hôpital. Ç’a été pour toute la famille un choc nerveux en même temps qu’un baume. Choc nerveux de voir partir notre enfant pour l’hôpital. Baume, parce qu’on pouvait reprendre contact avec notre fille qui se terrait dans sa chambre à cause des crises trop fréquentes de son frère, parce qu’on allait enfin pouvoir avoir une nuit de sommeil complète, chose qu’on n’avait plus depuis des lustres, et parce qu’on savait enfin qu’une équipe allait prendre la relève.

Après huit semaines à Charles-Le Moyne, son état ne s’améliore guère. Il est envoyé à l’hôpital Rivière-des-Prairies, dans l’aile des enfants autistes avec troubles psychiatriques. Il y sera pour les prochains mois, le temps qu’ils trouvent un cocktail de molécules qui mettra ses idées paranoïaques derrière lui.

Impossible de savoir combien de temps cela prendra ni même si ça fonctionnera. Chaque nouvelle molécule met des semaines à montrer son efficacité. Essais et erreurs : c’est le modus operandi dans ce domaine. Encore là, on sent que l’équipe qui en prendra soin est très compétente et attentionnée.

Noël passe, la nouvelle année aussi, les jours sont longs sachant qu’il est en souffrance.

Après plus d’un an d’essais médicaux, nous voyons enfin une petite amélioration.

Le chemin vers le retour à la normale sera long, mais nous savons au moins maintenant que nous marchons dans la bonne direction avec le personnel médical et notre fils. Nous gardons toutefois en tête que les rechutes sont fréquentes.

Je ne vous raconte pas cette histoire pour que vous connaissiez une tranche de vie de ma famille ; je vous la raconte pour qu’on se sensibilise à la réalité de près de 250 000 personnes au Québec atteintes de maladies du cerveau (personnes bipolaires, schizophrènes et atteintes de dépression majeure récidivante) qui vivent des situations qui pourraient ressembler à la sienne. Si on compte toutes les personnes qui sont touchées (familles, amis, aidants), on doit facilement dépasser le million.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.