Grande entrevue Bruno Fayolle, PDG de Fayolle Canada

Du sang neuf en provenance des vieux pays

« Vous ne pouvez pas savoir combien vous êtes libres ici », lance Bruno Fayolle pour expliquer la décision qu’il a prise il y a 12 ans de vendre une partie des activités de la société Jean Fayolle et fils, fondée par son arrière-grand-père, en France, afin de redéployer son capital au Québec, en Ontario et en Colombie-Britannique pour créer Fayolle Canada, entreprise intégrée dans le domaine de la construction.

Originaire de la Creuse, un des départements les plus pauvres de l’Hexagone, qui a produit durant des décennies plusieurs générations de maçons – qui quittaient la région au printemps pour aller construire jusqu’à l’automne les nouveaux bâtiments de Paris –, la famille Fayolle a développé un esprit d’entreprise qui l’a distinguée de ses pairs.

« En 1929, mon arrière-grand-père et mon grand-père ont créé leur propre entreprise de maçonnerie à Paris, Jean Bayolle et fils. En 1947, mon grand-père s’est lancé dans la construction de bâtiments et a créé une entreprise de collecte des ordures et de balayage des chaussées.

« Dans les années 60, mon père a ajouté la construction et la réfection des routes avant de lancer une entreprise d’entretien de la voirie à Paris. Je me suis joint au groupe en 1996 », relate l’entrepreneur français, qui a immigré au Québec en 2006.

Pour de multiples raisons, Bruno Fayolle décide en 2004 de diversifier le patrimoine familial en explorant différentes possibilités d’investissement en Suisse, au Maroc, aux États-Unis et enfin au Canada.

C’est à la suite de rencontres fort positives avec les gens de l’ambassade canadienne à Paris qu’il décide d’investir au Québec et de le faire de façon progressive.

« Les possibilités de croissance en Europe étaient nulles pour mon groupe alors que les budgets municipaux sont réduits d’année en année. Le mépris de l’entrepreneur en France est aussi un facteur qui m’a poussé à chercher ailleurs. »

« Les questions de sécurité et d’ouverture sur le monde ont aussi pesé dans la balance. Je ne cherchais pas un paradis fiscal, mais un lieu pour continuer de progresser. C’est ce que j’ai trouvé au Canada. »

— Bruno Fayolle, PDG de Fayolle Canada

DES ACQUISITIONS EN SÉRIE

En 2006, Bruno Fayolle réalise une première percée sur le sol québécois en réalisant l’acquisition de Portes Isolex, de Belœil, un fabricant de portes de garage. Le chef des opérations de Fayolle et fils immigre la même année chez nous afin de poursuivre le déploiement de ce qui va devenir Fayolle Canada.

Pour financer son expansion nord-américaine, Fayolle et fils vend en 2008 sa division d’hygiène publique de collecte des déchets en région parisienne. La même année, le groupe réalise l’acquisition de SVC, une entreprise de Victoriaville spécialisée en mécanique et en électricité du bâtiment.

Coup sur coup, Fayolle réalise ensuite les achats de Magil Construction, Excavations Payette, Alta Construction, puis des entreprises de construction Task en Colombie-Britannique et McKay-Cocker en Ontario.

« On a voulu avoir une présence pancanadienne afin d’équilibrer nos activités et de profiter des différents cycles économiques. La construction immobilière va bien dans l’Ouest et la construction industrielle est forte en Ontario, où on réalise la construction de la nouvelle usine Toyota et celle du fabricant de pizza Dr. Oetker », souligne Bruno Fayolle.

FORTE PRÉSENCE AU QUÉBEC

Fayolle Canada réalise aujourd’hui un chiffre d’affaires de 350 millions alors que Fayolle et fils en France, toujours le plus gros acteur dans l’entretien des routes et de la chaussée des arrondissements de Paris, enregistre des revenus annuels de 150 millions.

L’entreprise a vainement tenté de réaliser l’acquisition du groupe Hexagone, anciennement propriété de Tony Accurso. « Une lettre d’achat avait été signée en juillet, mais ils ont vendu à un autre groupe en septembre. Ils nous ont remboursé tous les frais », se console le PDG.

La division SVC de Fayolle Canada a été très active au cours des deux dernières années dans la réalisation du projet de construction du CHUM, où elle a décroché un contrat de 86 millions pour l’installation de la centrale thermique et de la plupart des canalisations, y compris celles des fluides médicaux.

« C’est un projet de 86 millions, mais on a enregistré des dépassements de 20 % en raison de la mauvaise coordination des travaux. Il y a des canalisations qui ont gelé parce que le chantier n’avait pas été chauffé », déplore le PDG.

Bruno Flayolle ne veut pas trop s’engager sur le sujet puisque SVC entreprend tout juste les discussions avec les autorités du CHUM afin de se faire payer les 106 millions qu’ont coûté les travaux. Certains entrepreneurs ont décidé d’engager des recours légaux contre le CHUM pour se faire rembourser des extras de bien moindre envergure.

Enfin, pour bien marquer son implantation définitive au Québec, Bruno Fayolle a participé jeudi dernier à la création de la plus importante chaire en architecture de la faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal, la Chaire de recherche Fayolle-Magil Construction en architecture, bâtiment et durabilité, en vertu d’un don de 2 millions de Fayolle Canada.

« Je voulais que la chaire soit bien dotée financièrement pour assurer sa pérennité. On souhaite vivement marquer les liens importants entre le monde de la construction et de l’architecture et favoriser l’intégration grandissante des technologies à l’architecture », précise le PDG Bruno Fayolle.

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