Éditorial  Santé

Remèdes fédéraux

Même si la santé relève des provinces, qui fournissent la majorité des soins, Ottawa a des responsabilités importantes en la matière. Voici trois dossiers dont le prochain gouvernement, quel qu’il soit, devra s’occuper en priorité.

Autoriser les centres d’injection supervisée

Vancouver l’a démontré et la Cour suprême l’a reconnu : ce type de clinique sauve des vies sans nuire à la sécurité publique, et Ottawa n’a pas le droit de priver les utilisateurs de ce service. L’exemption requise du ministre de la Santé fédéral devrait donc être une formalité lorsqu’un dossier est bien préparé. C’est ce qu’on a fait à Montréal avec l’appui, entre autres, du maire Coderre et du ministère de la Santé. Quatre mois plus tard, la Santé publique attend toujours le feu vert. Et ce n’est pas parce qu’Ottawa croule sous les demandes : Montréal serait le seul à en avoir fait une jusqu’ici. Il est temps de débloquer ce dossier qui a été inutilement politisé.

Profiter de la marijuana médicale

Quinze ans après que la Cour d’appel de l’Ontario eut déclaré l’interdiction totale du cannabis thérapeutique contraire à la Charte, Ottawa cherche encore sur quel pied danser. Ses permis d’autoproduction ont été détournés à des fins criminelles, mais leur abolition pénalise les malades, qui n’ont pas les moyens de s’approvisionner auprès des grands fournisseurs autorisés.

Cet interdit visant l’autoproduction risque de finir comme la mesure qui avait banni les huiles, biscuits et autres dérivés de la marijuana : renversé en Cour suprême. Sauf qu’il faudra des années de procédure pour le savoir. Au lieu de s’entêter devant les tribunaux, le prochain gouvernement fédéral devrait miser sur la science.

Quelque 30 000 Canadiens utilisent déjà le cannabis thérapeutique, et ce nombre est appelé à augmenter. Malheureusement, seuls les patients québécois font l’objet d’un projet d’envergure – le Registre Cannabis Québec, piloté par le Dr Mark Ware, du Centre universitaire de santé McGill (CUSM). Le Canada devrait saisir l’occasion et encourager la recherche afin de devenir une référence dans ce domaine.

Créer un cercle vertueux

Inventer la roue, ou bien s’en passer : c’est la logique absurde qui prévaut dans la plupart des administrations de santé au pays. Vous avez une bonne idée pour améliorer les soins ou en réduire les coûts ? On vous laissera peut-être faire un projet-pilote, mais si le succès est au rendez-vous, il demeurera sans doute confidentiel. Que ce soit entre provinces ou à l’intérieur d’une même région, on refuse de copier les bonnes idées. Si l’humanité avait fait pareil avec la roue, on serait encore à pied.

Le gouvernement fédéral ne peut pas dicter l’utilisation des transferts en santé aux provinces. Par contre, il peut faire valoir certaines idées avec des sommes supplémentaires. Même en l’absence d’obligation, les millions accordés pour les chirurgies de la hanche, du genou et de la cataracte ont bel et bien contribué à augmenter les volumes d’opérations dans les provinces.

Un groupe d’experts vient de recommander la création d’un fonds pour la recherche et le déploiement de pratiques exemplaires. La ministre, qui l’avait pourtant mandaté, l’a superbement ignoré. Est-ce parce qu’il suggérait d’y consacrer, à terme, un milliard par an ? Le montant est négociable, mais le principe ne l’est pas.

Ottawa ne peut pas plafonner ses transferts en santé et s’en laver les mains. Il doit aider les systèmes publics à devenir plus efficaces, sinon ce sont les malades qui vont en souffrir.

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