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MISSION :  CONTRIBUER À NOURRIR LE MONDE

NOM : Anthony Roux PROFESSION : producteur laitier, l’un des cinq actionnaires de la Ferme Roulante et administrateur à La Coop Pré-Vert VILLE : Tingwick

Au Québec, l’établissement en agriculture est un enjeu majeur. Seulement 18 % des exploitants agricoles ont moins de 40 ans. Jeune agriculteur issu d’une grande famille entrepreneuriale (lauréat québécois au concours des Jeunes Agriculteurs d’Élite en 1999, prix entrepreneurial de la Chambre de commerce et d’industrie Bois-Francs-Érable en 2000), Anthony Roux fait partie de cette relève agricole.

VOUS ÊTES L’UN DES ACTIONNAIRES DE LA FERME ROULANTE, AVEC D’AUTRES MEMBRES DE VOTRE FAMILLE. QUELLE EST VOTRE IMPLICATION À LA FERME ?

La Ferme Roulante est une entreprise familiale. On est trois enfants : ma sœur, mon frère et moi. Avec nos parents, on est donc cinq à gérer l’entreprise. Chacun a son secteur d’activité, selon ses goûts et ses aptitudes. Et sur une ferme laitière, il y en a pour tous les goûts ! Comptabilité, gestion de la main-d’œuvre étrangère, génétique, entretien, soins des animaux… Moi, je m’occupe de l’entretien général de la machinerie et je gère la main-d’œuvre qui travaille aux champs. Heureusement, chaque membre de la famille a été attiré par un aspect différent de la gestion de notre entreprise agricole. Pour ce qui est des prises de décision, on se consulte régulièrement. C’est notre force : quand il y a une décision à prendre, la famille se rencontre et l’on essaie de trouver des solutions ensemble.

QUELS SONT LES PRINCIPAUX ENJEUX AUXQUELS VOUS FAITES FACE À LA FERME ?

Notre principal défi, c’est de chercher à atteindre la performance tout en minimisant les coûts. Pour atteindre ce but, la technologie nous aide beaucoup. Il existe aujourd’hui une foule de programmes de gestion des cultures pour calculer les rendements qui nous fournit des données sur lesquelles on se base pour être toujours plus performants… Et ça évolue très vite. Trouver les moyens pour faire fonctionner la ferme afin d’assurer une rentabilité maximale, c’est tout un défi !

VOUS FAITES PARTIE DE CE QU’ON APPELLE LA RELÈVE AGRICOLE. EST-IL DIFFICILE DE S’ÉTABLIR EN AGRICULTURE AUJOURD’HUI ?

Il existe différents cas de figure. Dans notre cas, on a eu la chance de ne pas avoir à démarrer l’entreprise, mais notre mission est de l’amener à un autre niveau. Depuis toujours, on sait que l’agriculture est un secteur difficile… mais on a toujours voulu marcher dans les pas de nos parents. C’est le rêve des agriculteurs : que leur entreprise perdure avec l’arrivée de chaque nouvelle génération. La relève est importante, parce qu’elle amène de la vigueur ! On a de la volonté, du dynamisme, et plein de projets. Il ne faut jamais s’asseoir sur ses lauriers, mais innover, tout le temps.

QU’EST-CE QUI EXPLIQUE SELON VOUS LA DIFFICULTÉ POUR LES JEUNES À S’ÉTABLIR EN AGRICULTURE ?

Selon les situations, il y a différentes difficultés. Commencer de zéro, c’est tout un défi. Même s’il y a des programmes d’aide, démarrer une entreprise agricole, c’est toujours difficile, parce que c’est long avant de faire des profits. Pour les jeunes qui veulent reprendre la ferme de leurs parents, les défis sont liés aux changements d’orientation de gestion. Être une entreprise multigénérationnelle, c’est en même temps une richesse et un défi.

QUELLES SONT LES DIFFÉRENCES ENTRE L’AGRICULTURE QUE VOTRE PÈRE ET VOTRE GRAND-PÈRE ONT CONNUE ET CELLE D’AUJOURD’HUI ?

Chaque génération a connu des avancées technologiques et a développé des méthodes différentes de la précédente. Dans la gestion de notre ferme, être de générations différentes veut dire avoir différentes visions parfois contradictoires. Si les plus jeunes amènent un souffle nouveau avec des projets de grande envergure fondés sur les nouvelles technologies, les parents amènent expérience et prudence. Le but, c’est de trouver le juste milieu entre les manières de faire traditionnelles et actuelles. Et les générations sont finalement toutes d’accord quand on soulève les avantages des nouvelles technologies.

COMMENT ENTREVOYEZ-VOUS L’AVENIR DE L’AGRICULTURE AU QUÉBEC ?

La technologie va de plus en plus faciliter le travail des agronomes. L’agriculture va être plus précise, grâce aux statistiques qu’on peut tirer des données emmagasinées. On s’aligne donc pour avoir des fermes ultraperformantes. Les consommateurs sont aussi plus soucieux du respect de l’environnement. Ces données sont importantes pour plus de transparence : elles nous donnent des réponses aux questions des consommateurs. Mais les agriculteurs ont toujours tenu compte des questions environnementales : le développement durable, c’est important quand on veut léguer son entreprise à ses enfants et petits-enfants. Chez nous, avec notre ferme qui grandit, il y aura de la place pour tous les cousins de la prochaine génération. Aimer l’agriculture, c’est contagieux quand on est passionné !

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MISSION : CONTRIBUER À NOURRIR LE MONDE

NOM : Cathy Fraser

PROFESSION : Productrice laitière, deuxième vice-présidente de La Coop Univert et administratrice à La Coop fédérée

VILLE : Lac-aux-sables

La profession agricole a longtemps été une affaire d’hommes. Encore aujourd’hui, la place des femmes en agriculture demeure un enjeu, alors que 73 % des agriculteurs québécois sont des hommes. Cathy Fraser est une agricultrice qui n’a pas froid aux yeux. En plus d’être copropriétaire d’une ferme laitière et restauratrice, cette femme d’affaires est mère de trois enfants et est très engagée dans sa communauté et le milieu agricole.

ORIGINAIRE DE LAVAL, VOUS N’ÉTIEZ PAS DESTINÉE AU DÉPART AU MILIEU AGRICOLE. COMMENT VOUS ÊTES-VOUS INTÉRESSÉE À L’AGRICULTURE ?

Je suis arrivée dans l’agriculture par hasard. J’ai rencontré mon conjoint dans le village natal de ma mère, Lac-aux-Sables, en Mauricie… et l’amour de l’agriculture est venu avec ! J’ai toujours aimé les choses traditionnellement masculines : j’ai étudié en génie civil, je joue au Dek hockey… m’asseoir dans un tracteur a toujours été naturel pour moi.

Mon conjoint avait déjà racheté la ferme laitière familiale. Je me suis associée en rachetant le reste des parts de son père. La ferme a été ma première expérience d’entrepreneure, mais, depuis, j’ai également ouvert un restaurant avec mes cousines. J’ai choisi l’agriculture pour son mode vie, et parce que c’est un métier qui a une multitude de facettes.

COMMENT ARRIVEZ-VOUS À CONCILIER TRAVAIL ET VIE FAMILIALE ?

La clé, c’est l’organisation. J’ai trois enfants, de 22, 11 et 7 ans. En plus de mes responsabilités de mère et d’agricultrice, je suis impliquée au conseil d’administration d’Univert-ma Coop locale-, je suis administratrice à La Coop fédérée, je suis propriétaire d’un restaurant, et je participe à plusieurs comités à la municipalité et à l’école, et à certains festivals du village.

Tout ça, c’est possible grâce à la collaboration de mon conjoint. Tous les matins, pendant le petit-déjeuner, on prend le temps d’organiser notre vie familiale et notre travail. On a un calendrier partagé sur nos téléphones et on écrit tout dans un grand tableau sur le frigidaire. Toute notre vie est planifiée, même les sports et les loisirs avec les enfants.

PAS DE DOUTE, VOUS AVEZ DE FORTES APTITUDES EN GESTION. QUEL PARALLÈLE FAITES-VOUS ENTRE L’AGRICULTURE ET LE MONDE DES AFFAIRES ?

L’agriculture, c’est le monde des affaires. Avec le temps, on est tous devenus des gestionnaires agricoles. Comme dans n’importe quel autre secteur du monde des affaires, on a des budgets à respecter, on s’assure d’être efficaces, on surveille nos ratios de rentabilité, on se tient au courant pour toujours innover.

SELON VOUS, POURQUOI N’Y A-T-IL PAS PLUS DE FEMMES EN AGRICULTURE ?

Il y a en de plus en plus. Tranquillement, les mentalités changent. Dans la génération des 40 ans et moins, les tâches ménagères traditionnellement féminines sont partagées, donc les femmes ont du temps pour participer aux travaux de la ferme. Et puis, l’agriculture devient un métier moins physique, entre autres à cause de la mécanisation des équipements. J’ai bon espoir que les femmes intéressées par l’agriculture auront moins de barrières pour y accéder.

COMMENT FAIRE POUR QUE LA RELÈVE EN AGRICULTURE SOIT COMPOSÉE DE PLUS DE FEMMES ?

Il faut des modèles qui ouvrent les portes, qui donnent confiance. Il faut montrer aux femmes que c’est possible d’être agricultrice. Je pense que c’est mon rôle à La Coop fédérée. On organise chaque année des journées Femmes et Coopération dans les régions, qui sont une plateforme pour éduquer et pour échanger sur divers aspect du métier, de la conciliation travail-famille à des questions d’affaires.

Les sondages nous montrent que ça marche : en 2015, 7 femmes sont devenues administratrices dans un conseil d’administration du réseau, et au moins 4 d’entre elles ont dit que c’est grâce aux journées Femmes et Coopération qu’elles se sont lancées.

QUELS SONT LES DÉFIS ET ENJEUX QUI TOUCHERONT LE SECTEUR AGRICOLE DANS LES PROCHAINES ANNÉES ?

À court terme, le défi, c’est l’éducation de la population. On entend tellement de faussetés dans les médias sur notre métier et sur nos enjeux. Les agriculteurs sont des professionnels organisés, efficaces. On entend que la gestion de l’offre nous empêche d’être rentables. C’est faux. Les leaders d’opinion doivent arrêter cette désinformation.

Un autre grand enjeu, c’est la relève – féminine ou masculine, apparentée ou non. Il faut que le gouvernement mette en place des facilitateurs, mais aussi que la mentalité des agriculteurs change. Ils doivent préparer la relève à plus long terme, afin d’avoir plus de moyens de devenir un des prêteurs de cette relève. Des jeunes souhaitant continuer dans l’agriculture, il y en a. Le problème n’est pas là. Ce sont les moyens qui manquent.

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