Politique

Trump, politicien post-factuel

À en croire son médecin personnel, Hillary Clinton est en « excellente santé » et peut parfaitement assumer la présidence si elle remporte le scrutin de novembre. Mais n’allez pas dire cela aux partisans de Donald Trump.

Nombre d’entre eux sont convaincus que le camp démocrate, et les grands médias prétendument acquis à sa cause, cachent la réalité afin d’empêcher sa campagne de tourner court.

En ligne, nombre de vidéos prétendent faire toute la lumière sur la situation, brisant le « tabou » entretenu par l’establishment de Washington.

L’animateur de la chaîne YouTube Alternative Media TV, dans un document vu plus de 70 000 fois, avance que Mme Clinton avait « l’air d’un cadavre » lors d’un récent événement politique et doit faire « des efforts considérables pour démontrer qu’elle n’est pas en train de mourir ».

L’idée n’est pas véhiculée seulement par des intervenants marginaux de cet acabit. Il y a quelques jours, le site Breitbart, chapeauté par le nouveau directeur de la campagne de Donald Trump, avançait l’analyse critique d’un médecin, Jane Orient, présentée comme la directrice d’une importante association médicale. En omettant de dire que l’association en question est marginale et tente depuis des années d’en découdre avec la famille Clinton.

L’idée que la candidate démocrate est malade a aussi trouvé un écho à plus large échelle sur les ondes de Fox News lorsque l’ex-maire de New York, Rudolph Giuliani, a repris le même refrain. Pour étayer ses dires face à l’animatrice sceptique, il a évoqué… l’internet.

L’épisode n’est que la plus récente illustration de la propension du camp de Donald Trump à avancer des affirmations fracassantes sans apparente préoccupation pour les faits.

Jared Yates Sexton, écrivain de Géorgie qui a soulevé une tempête cet été en relayant en ligne les propos racistes et misogynes de partisans du candidat républicain, estime que l’homme d’affaires repousse les frontières de la manipulation politique d’inquiétante façon.

« Il a compris qu’il suffit de mentir assez souvent pour que les médias n’aient pas le temps de rectifier les faits… Sa campagne reflète ce qui arrive quand la pratique du “spin” politique passe à la phase suivante, l’ère des médias sociaux », relève M. Sexton, qui prépare un livre sur la campagne présidentielle en cours.

Les sites de vérification de faits font leurs choux gras des envolées du candidat républicain, mais leurs travaux ne risquent pas de changer grand-chose à l’appréciation de ses partisans puisque la plupart d’entre eux s’informent essentiellement auprès de médias relayant son discours avec complaisance, souligne-t-il.

« La seule manière dont un partisan de Trump puisse être confronté à un mensonge, c’est que le candidat lui-même reconnaisse qu’il a menti. »

— Jared Sexton Yates

Toute information contradictoire est immédiatement rejetée, parfois avec un discours à teneur complotiste, juge M. Sexton, qui s’inquiète de voir circuler l’idée – défendue par Donald Trump lui-même – que le camp démocrate entend « voler » l’élection.

« Que va-t-il arriver lorsque le résultat du vote va être annoncé ? J’entends beaucoup de gens dire qu’ils sont prêts à prendre les armes, à prendre les choses en main », relève l’écrivain, qui prédit une victoire d’Hillary Clinton en novembre.

Sa principale inquiétude, à plus long terme, est que la campagne du candidat républicain inspire d’autres politiciens à lui emboîter le pas en adoptant à leur tour un discours résolument « post-factuel ».

« Un politicien plus expérimenté qui mentirait comme Trump tout en évitant les erreurs qu’il commet serait redoutable », prévient-il.

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