Achat d’une maison

Calculer autrement

Qu’ils soient en faveur ou non de l’abolition des droits de mutation immobilière, la plupart des intervenants interrogés suggèrent des modifications majeures dans son calcul.

Jean Hétu, professeur titulaire spécialisé en droit municipal à l’Université de Montréal, rappelle que le calcul des droits de mutation était jadis basé soit sur le prix payé par l’acheteur, soit sur l’évaluation. Mais depuis 1993, le gouvernement a défini que la valeur de base était la plus élevée des deux, avec une majoration occasionnelle. « Si vous payez 110 000 $ pour un immeuble en mauvais état, dont la valeur à l’évaluation est de 214 000 $ et qu’elle est multipliée par un facteur comparatif au reste du marché de 1,14, la valeur de base sera uniformisée à 248 000 $. Et les droits de mutation seront calculés sur 248 000 $. C’est une valeur factice ! » Il suggère de calculer le tout à partir de la valeur réelle.

Le professeur met également en lumière ce qu’il considère comme une injustice : l’évaluation d’une propriété se fait tous les trois ans, et non chaque année comme auparavant. « Même si une propriété perd de la valeur, l’évaluation est gelée pendant trois ans, et on ne peut la contester que le 1er mai de la première année ! », déplore-t-il.

De leur côté, la FCIQ et l’APCHQ proposent de moderniser les échelles de taxation pour s’ajuster à l’augmentation importante du prix des propriétés.

Selon leurs estimations, depuis 1992, la taxe de bienvenue a été multipliée par 3,8, tandis que le prix des propriétés a été multiplié par 2,9. « À l’époque, on payait 750 $ en droits de mutation sur une propriété de 100 000 $. Mais 25 ans plus tard, la même propriété vaut environ 290 000 $. Donc, les droits de mutation s’élèvent à 2850 $ », illustre Paul Cardinal, économiste à la FCIQ.

Selon la, les fourchettes de calcul doivent changer. « Par exemple, le taux de 0,5 % pourrait être utilisé pour les propriétés valant jusqu’à 100 000 $, et non 50 000 $ comme c’est le cas actuellement, car il n’y a plus grand-chose à ce prix-là aujourd’hui, dit le spécialiste. Puis, 1 % pour les propriétés de 100 000 à 500 000 $. Et 1,5 % pour celles qui valent plus d’un demi-million. »

Selon Me Marie-Sylvie Janelle, présidente de l’Association professionnelle des notaires du Québec, il serait pertinent d’étudier l’ensemble des éléments qui ont compliqué l’accès à la propriété, au lieu de cibler uniquement les droits de mutation. « Dès qu’il y a une taxe payable en fonction de l’évaluation d’une maison, il faut analyser pourquoi le prix de celle-ci a augmenté et considérer tous les facteurs d’influence. Par exemple, le travail d’un courtier immobilier est le même pour vendre une propriété de 150 000 $ et une autre de 300 000 $. Pourtant, sa commission augmente considérablement pour la deuxième. »

Paul Hétu suggère même que le Québec s’inspire de l’État de la Floride, qui perçoit une « taxe d’au revoir ». « Les revenus des municipalités ne changeraient pas, et on calculerait la taxe en fonction d’une partie de la plus-value gagnée par la propriété, chose qui dépend souvent de décisions municipales comme la construction d’un parc, l’implantation d’une station de métro ou des rénovations, explique le professeur. Celui qui part rembourserait donc une part de son profit. »

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