Écoles primaires québécoises

Lumière et couleur pour le public

Elles tombent en ruine. Sont contaminées. Surpeuplées. Les écoles primaires du Québec semblent passer un bien mauvais quart d’heure… Mais le tableau n’est pas uniquement noir : nombre d’entre elles ont eu droit à une nouvelle vie grâce à l’intervention d’architectes. Et, surprise, ce traitement n’est pas seulement réservé aux écoles privées !

Selon une mise à jour du degré de vétusté du parc immobilier scolaire, publiée dans le budget Leitao à la mi-mars, le tiers des écoles se trouve en mauvais ou en très mauvais état. En novembre dernier, Infoman a même consacré un segment de son émission aux nombreux établissements scolaires délabrés de Montréal.

La bonne nouvelle, c’est que certaines écoles trouvent du budget pour se réinventer, et on en construit même des flambant neuves. Soit, certains établissements privés font partie du lot – comme l’Académie Sainte-Anne à Dorval –, mais plusieurs écoles publiques aux quatre coins du Québec bénéficient aussi de fonds dégagés par le ministère de l’Éducation.

C’est le cas de l’école primaire Barclay, de la Commission scolaire de Montréal (CSDM), située devant un grand parc bordé d’arbres. La population d’âge scolaire ne cessant d’augmenter dans le quartier Parc-Extension, l’espace allait rapidement manquer. Dans le cadre d’un programme de revitalisation des écoles vieillissantes de la CSDM, le cabinet NFOE a été mandaté pour agrandir le bâtiment initial, qui date de 1930.

Les architectes y ont greffé un ajout en briques rouges en continuité avec l’édifice existant, mais en y ajoutant du verre, de la couleur et de nombreuses percées visuelles. Ils ont ainsi créé un environnement ludique, à mille lieues des classiques salles de classe plantées de part et d’autre d’un long couloir.

« On voulait que les enfants soient dans des espaces intéressants. Ça excite leur imagination, ils se sentent bien. Et tout ça, ça aide à l’apprentissage. »

— Rafik Sidawy, chargé de projet chez NFOE

De plus, pas question que des champignons s’infiltrent dans l’école d’ici quelques années, puisque des ingénieurs en mécanique se sont penchés sur le chauffage et la pureté de l’air, souligne M. Sidawy, qui assure qu’« aucun matériau utilisé dans cette école ne devrait avoir de moisissures ».

Le projet de l’école Barclay a remporté un tel succès que les architectes ont été récompensés aux Grands Prix du design de 2014. Leur intervention a également changé la vie des élèves et du corps enseignant de cette école, implantée dans un quartier où la richesse se fait rare.

L’IMPORTANCE DE L’ENVIRONNEMENT

La firme Birtz Bastien Beaudoin Laforest (BBBL) a aussi construit ou agrandi plusieurs écoles, notamment dans la couronne nord de Montréal. Selon Clément Bastien, architecte associé chez BBBL, l’élève qui évolue dans une école belle et saine en retirera forcément des bénéfices. « Quand on est dans un environnement de vie plus heureux – plus aéré, plus lumineux, plus gai –, ça déteint nécessairement sur notre personne. Et pour les enfants, c’est pareil, avance-t-il. Ils subissent tout le positif qui ressort d’une conception à leur avantage. »

À l’école Barclay, l’architecte concepteur, Maxime Pion, a créé des percées visuelles partout. « Je voulais que les enfants puissent s’envoyer la main et se faire des grimaces à travers différents éléments, explique-t-il. Ça ne fait pas partie de ce qui est demandé pour une école, mais ce qu’on souhaite à la fin, c’est que les enfants y aient du plaisir et même qu’ils soient capables de se l’approprier. »

Maxime Pion a également conçu un escalier vert fluo pour rendre le moment de la récréation encore plus agréable – et celui du retour en classe moins pénible.

« Je voulais que ce soit à l’image d’un toboggan, illustre l’architecte. C’est un volume enfermant, qui serpente, comme dans une glissade. »

Un environnement agréable peut-il vraiment avoir une influence positive sur l’apprentissage des enfants ? Bien sûr, répond l’orthopédagogue Lison Daoust, également directrice du Centre de consultation psychopédagogique du Sanctuaire. Si un architecte lui demandait son avis, elle lui dirait :

« Faites vos écoles plus petites, ouvrez les fenêtres, mettez les plafonds plus haut, faites respirer nos enfants, élargissez les couloirs… »

— Lison Daoust, directrice du Centre de consultation psychopédagogique du Sanctuaire

À cet effet, Mme Daoust cite une étude britannique réalisée à l’Université de Salford, au Royaume-Uni, conjointement avec un bureau d’architectes. Les chercheurs ont suivi 34 classes dans 7 écoles pendant un an, pour déterminer si le design – l’orientation de la classe, la lumière naturelle, la qualité de l’air, la couleur, l’organisation de l’espace – pouvait influer sur l’apprentissage des élèves. Les résultats de l’étude ont démontré que l’environnement pouvait augmenter jusqu’à 25 % la réussite d’un élève sur une année.

À HAUTEUR D’ENFANT

Chez BBBL, les architectes essaient de se mettre à hauteur d’enfant lorsqu’ils construisent une école primaire. D’abord, la trame de circulation est toujours ultra simple, précise Clément Bastien. « On ne veut pas que l’élève se cherche. Personne ne peut se perdre dans nos écoles. »

Aussi, M. Bastien déplore que les élèves ne soient jamais consultés sur leurs besoins, contrairement aux professeurs et aux concierges, par exemple. Récemment, au cours d’une pelletée de terre pour la construction d’une nouvelle école, les architectes ont saisi l’occasion pour sonder les jeunes.

« Évidemment, les enfants de 6 et 8 ans ne disent pas toujours ce qu’on souhaite entendre !, lance Clément Bastien en riant. Ils demandent des fenêtres, des pupitres, des tableaux… Mais au-delà de ça, ils ont commencé à dire qu’ils voulaient de la clarté, qu’ils voulaient voir dehors. Et ça, ce sont des éléments qui nous allument dans notre travail de conception. »

L’orthopédagogue Lison Daoust rappelle toutefois que, même si l’environnement joue un rôle-clé dans une école, l’apport des gens qui y évoluent compte encore plus. « Le design est important, mais l’atmosphère à l’intérieur l’est davantage que n’importe quoi d’autre », conclut-elle.

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