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Outre des politiciens de partout au pays, les autorités aux premières lignes de la lutte contre les vols d’autos auront leur mot à dire lors du sommet organisé à Ottawa

« Pour un banal vol d’auto, mon fils aurait pu grandir sans père »

Grièvement blessé en tentant d’arrêter Adil Alli Latif, l’agent du SPVM Guillaume Ouellet a témoigné dans le procès du voleur de véhicules.

Un jeune voleur de voitures attiré par l’argent facile et l’adrénaline a été condamné à cinq ans de pénitencier mercredi pour avoir foncé sur un policier qui lui barrait le chemin. Le juge dénonce la « recrudescence » des vols organisés de voitures à Montréal, alors que le sommet national pour lutter contre ce fléau s’ouvre ce jeudi à Ottawa.

« Mon histoire aurait pu s’arrêter là pour un banal vol d’auto. Pour un banal vol d’auto, mon fils aurait pu grandir sans père. »

C’est en ces mots que l’agent Guillaume Ouellet, du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), a décrit au Tribunal les conséquences potentiellement tragiques du crime commis par Adil Alli Latif, le 22 juillet dernier. Ce jour-là, le policier a frôlé la mort en tentant d’arrêter un jeune voleur sans foi ni loi.

L’homme de 18 ans était le « programmeur » d’un groupe de voleurs de voitures qui empochait entre 7000 et 8000 $ par « commande ». Avec les profits, Adil Alli Latif achetait du matériel pour programmer des clés de véhicules, un moyen efficace pour voler des modèles de luxe.

Sa motivation ? « L’argent et le thrill de ne pas se faire prendre. »

« Si l’accusé et son petit groupe ont pu voler autant de véhicules et amasser autant de revenus en si peu de temps, le Tribunal n’ose pas imaginer le profit qu’empochent ceux qui placent ces commandes en laissant ces jeunes hommes se salir les mains et mettre leur sécurité et celle du public en général en péril », a lancé le juge Antoine Piché, mercredi.

« Véritable fléau »

Fin juillet. Adil Alli Latif vole un véhicule dans le stationnement des Galeries d’Anjou quand un témoin compose le 911. Son groupe avait reçu une commande pour voler quatre « gros véhicules » en vue de les exporter. Des complices l’attendent dans un véhicule Acura, volé la veille dans un autre centre commercial. Des policiers interceptent toutefois l’Acura dans une impasse près des lieux.

L’agent Ouellet sort du véhicule. C’est à ce moment qu’Adil Alli Latif, au volant, accélère rapidement au point de faire crisser ses pneus. Le jeune voleur fonce directement sur le policier qui, craignant pour sa vie, tire un coup de feu sur le véhicule. L’agent est projeté dans les airs et traîné sur plusieurs mètres. Il est gravement blessé.

Adil Alli Latif avait plaidé coupable à de nombreux chefs en octobre dernier, dont voies de fait graves contre un policier. Dans une lettre lue à la cour, Adil Alli Latif a soutenu avoir vu le policier « à la dernière minute ». Une version rejetée par le juge Piché.

Adil Alli Latif devait aussi recevoir sa peine dans une affaire d’arme à feu. Alors qu’il célébrait tout juste son 18e anniversaire, le jeune homme avait pointé une arme à feu vers des élèves dans la cour d’une école secondaire de Montréal.

« La violence dans les écoles secondaires de la métropole est devenue un véritable fléau », a tranché le juge Piché.

Ainsi, selon le magistrat, la violence dans les écoles et les vols organisés de véhicules dans la métropole sont devenus « si fréquents » que le Tribunal doit absolument en tenir compte pour déterminer la peine. À cela s’ajoute une dizaine de facteurs aggravants contre le jeune homme.

« À bon escient »

Le juge rappelle aussi que les vols de voitures ont des conséquences importantes pour la société. Il cite la hausse des frais d’assurances et l’augmentation du « sentiment d’insécurité dans la population ».

« [L’accusé] ne semble pas réaliser que derrière chaque véhicule volé, il y a un ou des propriétaires, des gens qui se retrouvent sans véhicule alors qu’ils devaient aller travailler, porter leurs enfants à l’école ou prendre soin d’un proche. Certes, ils sont généralement assurés, mais ils subissent tout de même un impact psychologique et [financier] que le Tribunal ne peut ignorer », soutient le juge Piché.

La peine doit également être suffisamment sévère pour qu’il soit clair pour « les individus impliqués dans des réseaux de vols de véhicules que de fuir leur arrestation entraînera des conséquences supplémentaires significatives ».

Or, le juge a écarté la peine de six ans et demi suggérée par la Couronne. En effet, même s’il faut dénoncer les crimes commis par le délinquant, le Tribunal doit considérer son âge, ses remords et sa possible réhabilitation. C’est pourquoi le juge a tranché pour une peine « sérieuse » de cinq ans ; la défense demandait deux ans moins un jour.

« Vous êtes un jeune homme, vous avez du temps devant vous. Utilisez-le à bon escient », a conclu le juge Piché en s’adressant au délinquant.

MAnik Archambault a représenté le ministère public, alors que MYann Trignac a défendu Adil Alli Latif.

Contrôle routier à Laval

Des véhicules volés trouvés lors d’une intervention de routine

Ce qui devait être une interception de routine pour des contrôleurs routiers a mené à la découverte de deux véhicules volés, mardi à Laval. Bien installés dans un conteneur, les bolides se dirigeaient vers le port de Montréal. L’association représentant ces constables réclame d’ailleurs de pouvoir armer ses membres, devant une présence « grandissante » du crime organisé au quotidien.

« On en voyait déjà dans le passé, des vols de véhicules, mais c’était plus espacé dans le temps. Maintenant, c’est vraiment récurrent, et c’est à coups de deux ou trois véhicules tout le temps », dit le président de la Fraternité des constables du contrôle routier du Québec (FCCRQ), Jean-Claude Daignault.

En après-midi, mardi, des agents du poste de contrôle routier Laval 25 ont intercepté le conducteur d’un camion tracteur non identifié qui transportait un conteneur et dont le véhicule présentait une défectuosité mécanique au niveau d’un phare. D’après le récit de la FCCRQ, le conducteur « ne semblait pas savoir ce qu’il transportait et n’avait pas de bon de livraison ».

Les contrôleurs ont alors ouvert le conteneur, où ils ont trouvé deux véhicules qui ont ensuite été photographiés. L’un d’eux avait un numéro de série, mais n’était pas connu dans le système de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ). Les agents ont alors contacté le Centre de renseignements policiers du Québec (CRPQ), qui a confirmé qu’il s’agissait de véhicules volés.

Heureusement, le camionneur a coopéré lors de sa mise en arrestation par les contrôleurs, après quoi des policiers de la Sûreté du Québec (SQ) ont pris le relais, avec des techniciens en identité judiciaire.

« Démunis face au crime »

Dans les six derniers mois, une dizaine d’évènements similaires se sont produits auprès de contrôleurs, affirme M. Daignault. Il presse notamment le gouvernement de pouvoir armer ses membres, qui ont de plus en plus peur d’exercer leur métier.

« Ce n’est pas juste les vols de véhicules, c’est aussi des saisies d’armes à feu. On côtoie dans notre travail des groupes criminels, mais on n’est pas équipés pour ça. Pour tout vous dire, j’ai beaucoup de monde qui ferme les yeux sur des contrôles, parce qu’ils veulent revenir à la maison à la fin de la journée. On est démunis face à ça », note le président.

« On fait entre 80 000 et 100 000 interceptions par année. On travaille jour et nuit. On est l’équivalent d’un corps de police, mais sans l’être. Il n’y a aucun policier au Québec qui ferait notre travail s’il n’était pas armé. »

— Jean-Claude Daignault, président de la Fraternité des constables du contrôle routier du Québec

Ce dernier estime que les contrôleurs devraient aussi avoir un « accès complet » aux données du CRPQ afin de pouvoir intervenir plus rapidement en attendant l’arrivée de patrouilleurs. « Présentement, on détient des gens recherchés, mais on les laisse aller parce qu’on ne peut pas les mettre en état d’arrestation. C’est arrivé plusieurs fois dans le passé, sans que rien change », déplore-t-il.

Son groupe a déjà sollicité une rencontre avec le ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel. Des discussions préliminaires ont déjà eu lieu dans les derniers mois avec la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, ainsi qu’avec des dirigeants de la SAAQ. Une cause est aussi entendue présentement à ce sujet devant le Tribunal administratif du travail (TAT).

« On a besoin de réponses et d’actions. On ne demande pas d’être la police, mais juste de pouvoir faire notre travail en toute sécurité. C’est ça que le gouvernement nous empêche de faire », affirme M. Daignault.

Québec reste prudent

Au cabinet de M. Bonnardel, on se fait pour le moment avare de commentaires en raison des procédures devant le TAT. « Pour ne pas nous immiscer dans le processus judiciaire, nous n’allons pas commenter et attendre la décision du tribunal », a indiqué l’attaché de presse Maxime Bélanger.

Tout cela survient alors qu’un sommet national pour lutter contre les vols de véhicules aura lieu à Ottawa ce jeudi. Comme plusieurs autres organismes, la Fraternité des constables du contrôle routier y sera, avec l’intention de faire valoir la nécessité d’augmenter les moyens de surveillance.

En moyenne, une voiture est volée toutes les six minutes au pays, d’après un rapport publié en juin dernier. Selon les estimations de l’industrie automobile, les taux de vols d’autos ont augmenté de 50 % au Québec et de 48,3 % en Ontario en 2022 par rapport à l’année précédente.

Le port de Montréal est d’ailleurs devenu une plaque tournante pour l’exportation de véhicules volés. La majorité de ces véhicules aboutissent en Afrique et au Moyen-Orient. Plusieurs stratagèmes sont utilisés pour déjouer les autorités policières. À Montréal, les véhicules volés se retrouvent dans le port parce que les réseaux criminels ont enregistré des entreprises qui servent d’écrans pour simuler des envois de marchandises.

— Avec la collaboration de Joël-Denis Bellavance, La Presse

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