L’architecture de l’école primaire vaut bien un concours

La meilleure des enseignantes et le meilleur des professeurs ne peuvent enseigner de la même façon n’importe où, y compris par écrans interposés. En 2020, à en juger par le nombre de concours organisés au Québec depuis deux décennies et par le nombre d’édifices primés, il est plus facile de trouver une excellente bibliothèque qu’une école primaire digne de ce nom.

Tout concours pour un édifice scolaire affronte une contradiction : la certitude que les lieux de scolarisation forgent et modèlent ce que nous sommes depuis la petite enfance et cette conviction, répandue parmi les décideurs publics, que l’on pourrait au fond étudier et enseigner n’importe où.

La situation des écoles primaires s’est détériorée au point de constituer le nouvel enjeu national. Pourtant, et comparativement aux pratiques en vigueur dans de nombreux pays, il s’organise très peu de concours pour les lieux d’éducation, tant au Québec qu’au Canada. Sur 451 concours répertoriés depuis 1858, à peine 8 % concernent des programmes liés à l’éducation, essentiellement au niveau universitaire, et moins de 2 % pour des écoles primaires. Si l’on met de côté les cinq concours du LAB-École, il ne reste guère que le remarquable cas historique du « concours provincial d’architecture pour les écoles primaires » organisé par le gouvernement du Québec en 1964, dans la foulée du rapport Parent.

Il n’y a eu par la suite que de rares concours, essentiellement universitaires dans les années 70, et il a fallu attendre les années 90 pour que le parc immobilier vieillissant impose de nouvelles consultations et réflexions.

Mais les écoles ne sont toujours pas considérées comme des questions architecturales essentielles en Amérique du Nord.

Par comparaison, il se trouve peu d’écoles primaires ou secondaires et parfois maternelles qui n’aient été conçues par concours dans des pays comme l’Allemagne, la France, la Suisse et tous les pays nordiques, que l’on cite aujourd’hui en exemple dans toutes les discussions, dans tous les articles et dans tous les nouveaux programmes de concours au Québec : y compris les cinq concours du LAB-École organisés en 2019 et dont les résultats ont été dévoilés le 24 août dernier.

En organisant ces concours, LAB-École a montré que l’architecture n’était pas un luxe, mais une nécessité pour l’école primaire. Dans des contextes aussi différents que Saguenay, Maskinongé, Rimouski, Gatineau et Shefford, les 160 propositions, toutes publiées sur le Catalogue des concours canadiens*, se révèlent riches en réflexions démontrant que la question de l’école primaire reste complexe et ne saurait être circonscrite dans des modèles à répéter.

On rétorquera que la procédure du concours n’est pas la seule façon d’assurer la qualité architecturale. Sans doute, mais l’examen du nombre de projets primés dans le domaine de l’architecture scolaire est tout aussi désolant.

Les statistiques, tant au Québec qu’au Canada, confirment la méfiance des autorités éducatives dans la recherche de l’excellence ou de l’innovation. Sur une période de quatre décennies, moins d’une trentaine d’écoles primaires et secondaires canadiennes ont été primées sur un ensemble de plusieurs milliers de réalisations ayant reçu un prix d’excellence. Au Québec, les écoles récompensées se comptent sur les doigts d’une main : l’école primaire Baril (2019), le collège Saint-Louis (2015), l’école primaire Barclay (2014), l’école primaire de la Grande-Hermine (2009) et l’école secondaire Nikanik (1998).

À en juger par le silence des autorités publiques québécoises depuis le concours de 1964, il y a de quoi craindre qu’un renouveau de la normalisation – fût-il centré sur la chaleur du bois, la couleur du ciel et la belle froideur industrielle de l’aluminium – ne soit qu’une répétition des erreurs du passé. Chaque école doit être inscrite dans son contexte urbain et si de nombreux pays dits civilisés organisent systématiquement des concours pour les écoles – pour chaque école – pourquoi devrait-il en être autrement au Québec ?

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