Drogues du viol

Pour le plaisir des agresseurs depuis 30 ans

Bien que la Journée internationale contre l’abus et le trafic de drogues soit le 26 juin, il m’est difficile d’attendre cette date estivale pour m’exprimer sur une courbe dangereusement montante qui teinte mon quotidien. La kétamine, le GHB, le Rohypnol et les différents types de benzodiazépines comme le Rivotril, le Xanax et le Halcion sont privilégiés par les violeurs depuis trois décennies.

C’était une véritable calamité à l’époque, et nous pouvons officiellement déclarer que ce mécanisme s’est muté en désastre, aujourd’hui. Les Samuel Moderie (le violeur de Tinder) et les Vincent Carrières (adepte de viols collectifs) de ce monde accumulent de nombreuses victimes avec ces psychotropes sous le couvert d’une « banalisation de société » qui glace le sang.

Oui, on a solidement échappé la balle de notre conscience sur un terrain de tennis qui enfile les tournois en continu. Que ce soit en avertissant nos adolescentes, nos femmes et nos amies de minutieusement surveiller leurs boissons lorsqu’elles sortent ou en restant muet devant les statistiques de chocs post-traumatiques qui croissent, causés par des crimes silencieux. Des victimes d’amnésie gardent en elles de sévères agressions physiques et sexuelles comme une enclume pesante sur laquelle elles ne pourront jamais mettre le doigt.

Nous baissons la tête devant les nombreuses civières qui entrent dans les milieux hospitaliers au lieu de tenter d’éduquer nos garçons, nos adolescents et nos hommes sur LA limite à ne pas franchir.

On dénombrait 1441 examens médicaux faits sur des patients victimes d’assauts sexuels juste en 2021. Malgré un écrasant pourcentage de 94 %, ce serait mentir de dire que de tels actes criminels n’arrivent qu’aux femmes, les membres de la communauté LGBTQIA+ sont fortement touchés aussi. Ayez la curiosité d’en parler juste un peu autour de vous et je vous garantis que deux personnes de votre entourage, au minimum, lèveront la main et diront avoir subi ce traumatisme.

Les agresseurs sont rapides et les formats, efficaces

Les festivals, les spectacles de musique et les grands évènements extérieurs restent les principaux points de bouillonnement pour piéger une proie potentielle. Il existe maintenant des miniseringues conçues pour traverser les vêtements. La piqûre est si délicate qu’on sent à peine une pression. Tout comme avec les accessoires médicaux conventionnels, si la seringue n’est pas stérilisée, la personne qui reçoit la dose à son insu est aussi à risque d’infection. Ce phénomène est si courant qu’on l’appelle maintenant le needle spiking ou piqûre sauvage. Plus connue dans les boîtes de nuit du Royaume-Uni et de l’Irlande, il semble que cette pratique ait tristement traversé les frontières jusqu’à nous. On trouve aussi le GHB en poudre, en gélule ou en liquide transparent, sans odeur. Un léger goût savonneux ou parfois salé peut trahir sa présence, mais il demeure indétectable en grande partie.

Si le psychotrope est administré en trop grande dose par le prédateur sexuel, la victime est susceptible de faire de l’hypotension dont le ralentissement cardiaque et l’arrêt respiratoire mènent parfois à la mort.

À l’instar de la naloxone capable de ramener une personne en surdose d’opioïdes, il n’existe aucun antidote pour contrer les effets d’une intoxication au GHB. Lorsque la désescalade est visible et que la victime est clairement inconsciente, seuls quelques médicaments peuvent neutraliser la chute dépressive en faisant stagner l’état corporel de la personne.

La solution existe depuis longtemps

Il existe des tests de dépistage de la kétamine et du GHB fabriqués en sous-verre, en couvercle et en paille. Il y a même un vernis à ongles qui a été développé en 2017. Il vient en plusieurs couleurs vives et il suffit de tremper son doigt dans le cocktail pour que ce dernier détecte la molécule et vire au noir, dévoilant la kétamine, l’ecstasy ou le GHB contenu dans votre habituel pinot grigio. Croyez-le ou non, ce n’est que 30 ans après l’arrivée des drogues du viol sur le marché qu’une motion a été adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale le 15 mars dernier pour élargir la distribution de ces tests dans tous les hôpitaux et, plus partiellement, en pharmacie.

Le déni est assommant à un point tel qu’il n’a encore jamais été question de fournir gratuitement ces tests aux commerçants, tenanciers de bar et restaurateurs. Le GHB reste présent 12 heures dans l’organisme. Si un test n’est pas effectué peu de temps après la prise, la substance devient difficilement détectable. Pourquoi ne pas faire de prévention à la source du problème, directement dans les établissements où ce genre de situation est susceptible d’arriver ?

Comme un gouvernement est représentatif de sa population, autant lui que nous sommes responsables des conséquences de notre inaction sur ce sujet hautement épineux que constituent les drogues du viol.

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