Martin Luther King : l’homme avant le mythe

Le 4 avril 1968, l’Amérique perdait un de ses plus importants militants pour les droits civiques, Martin Luther King Jr, assassiné sur le balcon de sa chambre, au Lorraine Motel de Memphis. La pièce Au sommet de la montagne, présentée chez Duceppe, imagine la dernière nuit de celui qui a marqué le monde par sa verve et la force de ses convictions.

Or, plus que le mythe, c’est l’homme qui est au cœur de la pièce écrite par l’autrice afro-américaine Katori Hall et traduite ici par Edith Kabuya. Dans cette pièce mise en scène par Catherine Vidal, Didier Lucien incarne en effet un Martin Luther King Jr rempli de doutes. Dans l’intimité de sa chambre de motel, son esprit est partagé entre le prochain discours à écrire pour enflammer les foules et des questions plus triviales, comme l’odeur de ses pieds et l’inélégance de sa moustache…

On le voit, la dramaturge dépeint le militant de façon on ne peut plus humaine : grand buveur de café et fumeur compulsif, cet être de chair et de sang n’hésite pas à flirter lorsqu’une belle femme fait son entrée.

C’est d’ailleurs en compagnie de l’une d’elles que le pasteur va passer sa dernière soirée. Camae, femme de chambre pleine de bagout, viendra bouleverser le leader des droits civiques jusque dans ses convictions les plus profondes.

Dans le rôle de cette femme ouragan capable de tenir tête aux plus grands, Sharon James offre une performance très solide. Tantôt fière et pleine de morgue, tantôt criant bien haut la rage qui la saisit, celle qu’elle incarne constitue le véritable moteur de l’intrigue. L’actrice puise dans tous ces registres avec grâce. Elle est sans conteste la révélation de ce spectacle.

À ses côtés, Didier Lucien doit composer avec un rôle moins flamboyant, mais beaucoup plus chargé historiquement. Incarner un personnage mythique comme Martin Luther King Jr n’est pas une tâche aisée et l’acteur s’en sort avec succès. Il a réussi à canaliser son énergie toujours très intense pour offrir une performance nuancée, en particulier lorsque le pasteur descend de sa chaire pour redevenir un simple mortel. Les scènes de prêche sont toutefois moins convaincantes, notamment lorsque l’acteur s’adresse directement au public.

Le public tenu à distance

La scénographie garde aussi le public à distance de l’émotion des protagonistes. La metteure en scène Catherine Vidal a choisi d’insérer la chambre 306 du Lorraine Motel dans une capsule qui réduit l’espace scénique. L’idée est belle (le décor est splendide, même), mais le résultat nous a laissée sur notre faim. Cette pièce intimiste pour deux acteurs aurait sans doute été mieux servie par une plus grande proximité avec le public.

Notons toutefois que si l’âme du spectateur n’est pas touchée comme on pouvait l’espérer, l’humour, lui, se taille une belle place dans cette production. Car oui, on rit souvent dans cette pièce, malgré le sujet qui pourrait sembler lourd. La dramaturge Katori Hall a imaginé pour Martin Luther King Jr une dernière soirée qui est tout sauf mortuaire.

Seulement, son texte souffre d’un certain ralentissement à mi-parcours avant de reprendre de l’aplomb dans une finale bien ficelée qui nous rappelle tristement que depuis la mort de Martin Luther King Jr, les inégalités raciales sont loin d’avoir cessé…

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