Planète bleue, idées vertes

L’empreinte carbone de la cafétéria

Dans le cadre d’un projet pilote lancé en novembre, la cafétéria de Polytechnique Montréal dévoile maintenant l’empreinte carbone que génère chacun des plats de sa table chaude, une première initiative au Canada.

Dorénavant, tous les jeudis, une cote, telle une note de bulletin scolaire, est attribuée aux repas chauds servis à la cafétéria de l’université de génie, explique Patrick Cigana, conseiller principal au Bureau du développement durable de l’établissement.

Quand La Presse y a fait son tour, les étudiants, en file vers le comptoir de service alimentaire, portaient attention au tableau explicatif des notes. Selon un barème en kilogrammes équivalents de CO2, une note de A à F est accordée à chaque repas. Précisément, un A est attribué à un plat qui émet entre 0,30 et 0,39 kg équivalent de CO2, alors qu’un F correspond plutôt à un repas qui en émet plus de 2.

« En ce moment, l’environnement, c’est un très grand enjeu. On devrait regarder ça davantage, alors je pense que c’est une très bonne idée », souligne Louis-Alexis Paquette, étudiant en génie aérospatial.

« Si j’hésite entre deux plats, un qui est C+ et l’autre un A, je vais prendre le A », ajoute son camarade de classe, Vincent Bouchard.

Une telle initiative avait été mise de l’avant dans un restaurant en Angleterre l’été dernier.

Un projet pédagogique

La formule vise essentiellement à sensibiliser les étudiants de Polytechnique Montréal à l’impact environnemental du contenu de leur assiette, souligne Patrick Cigana.

« À chacun des ingrédients, on peut associer une empreinte carbone par gramme. Au total, on fait une empreinte carbone globale du plat en question. »

— Patrick Cigana, conseiller principal au Bureau du développement durable de Polytechnique Montréal

Dans une analyse menée par Polytechnique Montréal, les chercheurs avaient attribué aux mets carnivores la responsabilité de 80 % des gaz à effet de serre (GES) de l’ensemble des services alimentaires de l’établissement. D’autant plus que l’alimentation représente en moyenne le quart de l’empreinte carbone d’un Québécois, estime le Centre international de référence sur l’analyse du cycle de vie et la transition durable (CIRAIG), affilié à Polytechnique Montréal.

Au début du mois, la cuisine a servi un dhal au lait de coco coté B, des légumes farcis et un plat de dinde rôtie chorizo et pruneau, tous deux évalués C+.

« Ça fait réfléchir et ça surprend parfois. En développement durable, il y a souvent des choses qui sont contre-intuitives et il y a beaucoup de fausses bonnes idées. C’est vraiment un projet pédagogique aussi. »

— Patrick Cigana

Certains étudiants ont toutefois avoué mettre en priorité le prix des repas devant l’empreinte carbone. N’en demeure pas moins que l’initiative est bien reçue par la communauté étudiante. « C’est intéressant de savoir ce qu’on consomme et de voir qu’il y a un effort qui est fait au moins sur la réflexion, lance Khelin Joudan, dans la file vers la caisse. Si je vois un truc coté D, je ne le prendrai pas. »

« Dans un monde idéal, ça devrait être comme ça partout », renchérit William Voghel. « En soi, l’initiative telle qu’elle est, c’est trop bien », ajoute son amie Joséphine Jouslin, qui dénonce toutefois l’usage des assiettes compostables, à défaut de la vaisselle réutilisable.

Quantifier l’alimentation en GES

Les recettes de la cafétéria de Polytechnique Montréal ont été transmises au CIRAIG, qui a ensuite calculé précisément l’impact environnemental de chaque ingrédient.

« On part de la production des aliments jusqu’à leur transformation à Polytechnique », souligne François Saunier, directeur général adjoint du centre de recherche. Ainsi, l’ensemble du cycle de vie du repas est considéré, de la production au transport à l’emballage et, finalement, de la transformation à la cuisson.

Patrick Cigana a d’ailleurs été surpris par l’empreinte carbone moins grande d’un parmentier à la viande blanche – la volaille étant reconnue pour émettre peu de GES –, comparé à une focaccia aux légumes gratinés, dont le bilan était alourdi par le fromage.

« On pourrait élargir à d’autres enjeux environnementaux et sociaux pour développer un indicateur plus complet », fait toutefois savoir François Saunier.

Carole-Anne Lapierre, analyste en agriculture et systèmes alimentaires chez Équiterre, souligne que l’indicateur du CIRAIG ne tient pas compte du « soutien à l’économie locale », de l’impact de l’agriculture sur l’aménagement du territoire, ainsi que des « aspects de droits humains ».

Équiterre salue néanmoins le projet pilote de Polytechnique Montréal qui est « très bien fait », indique Carole-Anne Lapierre. « C’est une initiative très intéressante, comme ça permet d’éduquer les mangeurs sur l’impact de ce qui se retrouve dans notre assiette. »

La spécialiste nous suggère de consommer essentiellement des produits végétaux, locaux et de saison, qui sont peu transformés et emballés, afin de minimiser l’empreinte écologique de notre diète. « Il ne faut pas virer fou non plus, c’est un processus d’apprentissage. On peut le voir comme un défi », précise-t-elle.

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