CE que les entrepreneurs devraient savoir sur la santé mentale

Crise sanitaire et économique oblige, plusieurs entrepreneurs et gestionnaires se retrouvent dans un état de détresse qu’ils n’avaient peut-être jamais ressenti auparavant. Habitués à faire de longues heures, certains n’arrivent pas à reconnaître qu’ils peuvent être aux prises avec des problèmes de santé mentale. À l’occasion de la Semaine mondiale de l’entrepreneuriat, la Ville de Montréal a tenu à sensibiliser les propriétaires d’entreprise à prendre soin d’eux.

Souffrir de problèmes de santé mentale

Il faut en finir avec le mythe du superhéros ! La recherche tend à démontrer que les qualités qui poussent les entrepreneurs à réaliser leurs projets, comme la créativité ou le goût du risque, sont les mêmes qui les prédisposent à certains problèmes de santé mentale.

« Les entrepreneurs sont des personnes à risque, car ils ont tendance à se préoccuper davantage de leur entreprise et de leurs employés que d’eux-mêmes. Aussi, ils se retrouvent souvent seuls devant de grandes responsabilités », observe Jean-Rémy Provost, directeur général de l’organisme Relief.

Une étude américaine1 observe d’ailleurs que les entrepreneurs affirment souffrir plus souvent de dépression (30 %), de trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité, ou TDAH (29 %), d’abus de substances (12 %) et de troubles bipolaires (10 %) que la population en général.

La crise sanitaire, facteur de détresse

La pandémie a généré un climat d’incertitude qui a fortement exacerbé les vulnérabilités. Cela a eu pour effet d’aggraver l’état de plusieurs entrepreneurs et d’en plonger d’autres dans une détresse jusque-là inconnue.

« J’ai toujours su où je m’en allais dans la vie, mais la crise m’a fait perdre tous mes repères. J’étais carrément dans le brouillard. Les journées s’enfilaient sans but et j’avais un mal fou à trouver le sommeil », témoigne Martin Énault, entrepreneur en résidence en chef - Centech.

L'entrepreneur, qui prend soin de sa santé mentale depuis des années après avoir reçu un diagnostic de trouble bipolaire, d'anxiété chronique et de dépression chronique, est loin d'être le seul à avoir souffert de la pandémie sur le plan psychologique. En 2020, un propriétaire d’entreprise sur cinq à Montréal a admis avoir eu recours à du soutien psychologique, et 15 % d’entre eux ont eu besoin de médicaments, selon un sondage2 réalisé par le Réseau Mentorat.

Apprendre à reconnaîtrE les signes

Mais comment distinguer un stress « normal », inhérent à la gestion d’une entreprise, d’un état de détresse ? « Il faut se demander si on a franchi un point de bascule, résume Jean-Rémy Provost. C’est normal d’éprouver du trac à la veille d’une présentation importante, mais si deux semaines avant, on devient irritable, on ressent de l’anxiété et on perd ses moyens, on doit comprendre que ça ne va plus. » D’autres signaux avant-coureurs sont à surveiller, notamment des changements dans ses comportements habituels, l’augmentation de la consommation d’alcool et/ou de drogues ou des difficultés à fonctionner au travail, à la maison ou dans ses relations.

Demander de l’aide

Lorsqu’il a senti que les choses ne tournaient pas rond, Martin Énault n’a pas hésité à apporter des changements à sa routine et à consulter des professionnels : « J’ai ralenti certaines activités pour me recentrer sur moi-même. J’ai vu mon psychiatre de façon plus régulière, je suis également allé en thérapie et j’ai utilisé les services de Relief pour recevoir des conseils. »

Jean-Rémy Provost insiste sur l’importance de se confier rapidement à une ressource d’aide. « Il ne faut pas attendre d’être au bord du précipice, dit-il. Dès qu’on se pose des questions sur sa santé mentale, on consulte. Le fait de verbaliser ce qu’on ressent nous met en action, et c’est le début du soutien à l’autogestion. »

En parler : un bénéfice pour l’entreprise

En tant que leader, l’entrepreneur doit être le moteur du bien-être au sein de son organisation, selon Martin Énault : « Si on ne va pas bien, l’entreprise n’ira nulle part. Personnellement, parler de mes problèmes ne m’a jamais nui ; au contraire. Les gens sont plus à l’aise de travailler avec moi. Ça m’a même ouvert des portes. »

De façon plus large, les entrepreneurs ont tout intérêt à aborder la question de la santé mentale avec leurs employés, dans une approche de prévention. « Si l’employeur en parle, ça envoie un signal fort aux employés, qui seront moins réticents à s’ouvrir », conclut Jean-Rémy Provost.

Des ressources pour les entrepreneurs montréalais

Le Réseau Mentorat Montréal a créé des cercles d’entraide qui permettent d’échanger avec un mentor et de ventiler. Des rencontres individuelles virtuelles sont aussi offertes, en plus d’une plateforme très complète pour mieux comprendre les questions de santé mentale.

Par l’entremise de l’accompagnement offert par ses partenaires, Le Parachute propose aux entrepreneurs cinq heures de consultation gratuite avec un psychologue.

L'organisme Relief offre le programme Relief Affaires, qui appuie les entreprises et les organismes dans la création d'un environnement de travail sain, équilibré et sécuritaire en matière de santé mentale. Grâce au soutien financier de la Ville de Montréal, il a également mis au point des outils à l'intention des experts de PME MTL, qui sont en relation directe avec les entrepreneurs.

L’Ordre des psychologues du Québec permet de trouver les services d’un professionnel près de chez soi.

1 - FREEMAN, Michael A. et al. The prevalence and co-occurrence of psychiatric conditions among entrepreneurs and their families, Small Business Economics, 2019.

2 - AZOULAY, Audrey, et MARCHAND, Rina. Portrait du dynamisme entrepreneurial de Montréal 2020, Réseau Mentorat, 2021.

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