Les habitants de Rafah fuient « l’enfer »
Des Palestiniens épuisés par la guerre continuaient d’affluer dimanche dans les zones côtières de Rafah, fuyant les bombardements israéliens sur les quartiers est de cette ville du sud de la bande de Gaza après des ordres d’évacuation de l’armée.
« Nous avons vécu l’enfer pendant trois jours », raconte à l’AFP Mohammed Hamad, 24 ans, qui fait partie des 300 000 personnes qui, selon Israël, ont fui les zones de Rafah visées par les bombardements.
Faisant fi des oppositions internationales et des craintes de carnage parmi les civils, Israël a élargi le périmètre de son offensive destinée à anéantir les « derniers bataillons du Hamas », ciblant désormais des zones urbaines de Rafah où s’entassent 1,4 million de personnes – habitants et déplacés par la guerre.
Selon des témoins, d’intenses bombardements frappent les quartiers est de Rafah, où des chars et fantassins israéliens mènent des « raids ciblés » au sol.
« Ce furent les pires nuits pour nous depuis le début de la guerre », il y a sept mois, assure Mohammed Hamad, joint par téléphone à al-Mawasi.
Cette zone côtière est désignée par Israël parmi les « zones humanitaires » où sont censés se regrouper les Palestiniens évacuant les quartiers ciblés. Mais selon les organisations humanitaires, elles ne peuvent faire face à un tel afflux.
« Ils ont commencé à distribuer des tracts ce matin [dimanche] et immédiatement, les bombardements d’artillerie et aériens ont commencé, sans laisser aux gens l’occasion de réfléchir ou de préparer leurs affaires », explique-t-il.
« On souhaite mourir »
Des photographes de l’AFP ont vu des dizaines de familles empilant sur des camions des meubles et du matériel ménager et fuyant Rafah, pour beaucoup en direction de Khan Younès, la principale ville du sud de la bande de Gaza transformée en champ de ruines par les bombardements et les combats.
Beaucoup d’habitants, dont de nombreuses femmes et des enfants, s’attardaient devant chez eux avant de se résigner à partir.
Israël a promis d’anéantir le mouvement islamiste palestinien Hamas après l’attaque sanglante et sans précédent que ses combattants ont menée à partir de la bande de Gaza le 7 octobre dans le sud d’Israël, faisant plus de 1170 morts, majoritairement des civils, selon un bilan de l’AFP établi à partir de données officielles israéliennes.
L’offensive israélienne sur l’enclave palestinienne a fait 35 034 morts, en majorité des civils, selon le ministère de la Santé contrôlé par le Hamas, au pouvoir dans la bande de Gaza depuis 2007.
Les forces israéliennes ont pris mardi le côté palestinien du point de passage de Rafah entre l’Égypte et la bande de Gaza, par lequel passent l’ensemble de l’aide humanitaire et le carburant destinés au territoire palestinien de 2,4 millions d’habitants, désormais en ruine.
« Il n’y a plus de services médicaux ou d’aide humanitaire fournis aux déplacés dans le nord de la bande de Gaza », a déclaré Mahmoud Basal, porte-parole de la Défense civile de l’enclave. « Ce que nous voyons en termes de morts et de destruction nous rappelle les premiers jours » de l’offensive israélienne.
Oum Mohammed Al-Moughayyir et sa famille doivent fuir combats et bombardements pour la septième fois.
« On est arrivés à un point où on souhaite mourir, dit-elle. Il y a des personnes âgées, des enfants avec nous. Où aller quand les bombardements ne cessent jamais, jour et nuit ? »
Au cours des 24 dernières heures, au moins 63 Palestiniens ont péri dans les bombardements israéliens dans la bande de Gaza, selon le ministère de la Santé contrôlé par le Hamas.
« Pas d’endroit sûr à Gaza »
La branche armée du Hamas a revendiqué des tirs d’obus sur des soldats et des véhicules israéliens près du passage de Rafah.
« Les autorités israéliennes continuent d’émettre des ordres de déplacement forcé […] Cela oblige les habitants de Rafah à fuir n’importe où », a écrit sur X le chef de l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), Philippe Lazzarini.
« Parler de zones sûres est faux et trompeur. Aucun endroit n’est sûr à Gaza. »
— Philippe Lazzarini, chef de l’UNRWA
Volker Türk, haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, a lui aussi dit qu’« il n’y a pas d’endroit sûr à Gaza ». Les villes censées recevoir des déplacés sont déjà « en ruine ».
Le patron de l’ONU, António Guterres, a appelé de nouveau à un cessez-le-feu et à la libération des otages, lors d’une conférence à Koweït où des donateurs se sont engagés à verser plus de 2 milliards de dollars sur deux ans pour les opérations humanitaires dans la bande de Gaza.
En attaquant Rafah, le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a voulu « faire capoter » les pourparlers sur une trêve et une libération d’otages retenus dans l’enclave palestinienne, a accusé dimanche le Hamas.
Ce dernier avait affirmé avoir accepté une proposition des médiateurs – Égypte, Qatar et États-Unis – sur une trêve, mais Tel-Aviv avait répondu que la proposition acceptée était « loin de [ses] exigences ».
L’Égypte a dit vouloir s’associer à l’Afrique du Sud dans sa demande à la Cour internationale de justice d’imposer de nouvelles mesures d’urgence à Israël, après « l’étendue des attaques israéliennes contre les civils palestiniens ».