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La Russie a récemment assumé la présidence du Conseil de sécurité de l’ONU. Comment est-ce compatible avec sa mission de maintien de la paix ?

Jacques Châles

Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, les appels à une réforme du Conseil de sécurité de l’ONU se font nombreux.

La personnalité internationale dont les propos à ce sujet ont eu le plus de retentissement cette année est le président ukrainien, Volodymyr Zelensky.

« Il est difficile d’imaginer quelque chose qui prouve [davantage] la faillite complète de telles institutions », a-t-il déclaré au sujet de l’attribution de la présidence du Conseil de sécurité à la Russie en avril dernier.

Comme on s’y attendait, Moscou a utilisé cette présidence de façon cavalière, pour défendre ses thèses. Le pays a par exemple organisé une rencontre ayant pour thème « Un multilatéralisme efficace à travers la défense des principes de la Charte des Nations unies ». Ça ne s’invente pas.

En somme, la présence de la Russie à la présidence du Conseil de sécurité de l’ONU n’était pas, en effet, compatible avec la mission de cette instance.

Mais « la problématique est beaucoup plus profonde que la simple présidence du Conseil de sécurité », estime Fannie Lafontaine, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la justice internationale pénale et les droits fondamentaux, de l’Université Laval.

Après tout, la période – un mois – pendant laquelle un pays occupe la présidence de cette instance est très courte, souligne-t-elle. Notamment si on la compare à la présidence du G7, qui est d’une durée d’un an, ce qui offre une marge de manœuvre et un pouvoir d’influence plus considérables.

Or, la Russie fait aussi partie des cinq membres permanents du Conseil de sécurité. Son impact, à ce titre, est plus important.

Pour rappel, le Conseil de sécurité compte 15 membres, dont cinq permanents : la Russie, la Chine, les États-Unis, la France et le Royaume-Uni. Et ces membres permanents sont dotés d’un droit de veto dont ils peuvent se servir pour bloquer l’adoption de résolutions.

Regardez ce qui s’est passé tout de suite après le début de la guerre en Ukraine à la fin du mois de février 2022 : la majorité des membres du Conseil de sécurité de l’ONU souhaitaient adopter une résolution pour condamner cette « agression » et sommer Moscou de retirer ses troupes du pays. Mais la Russie a opposé son veto.

Oui, la crédibilité du Conseil de sécurité de l’ONU est mise à mal par ce genre d’aberrations. Cela dit, si imparfaits que soient l’ONU et son Conseil de sécurité, s’ils n’existaient pas, on tenterait vraisemblablement de les inventer.

On pourrait dire à ce sujet à peu près la même chose que Winston Churchill disait au sujet de la démocratie. Le système actuel est le pire… à l’exclusion de tous les autres.

Si on n’avait pas le système diplomatique multilatéral qu’on a là, si on n’avait pas la Russie et même la Chine aux côtés d’autres puissances globales dans la même salle, on n’aurait pas de forum. Ce serait pire.

Fannie Lafontaine, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la justice internationale pénale et les droits fondamentaux, de l’Université Laval

L’experte pense toutefois que « l’avenir va certainement passer par des réformes ». Notamment pour faire davantage de place aux pays du continent africain.

Chose certaine, l’idée d’une réforme du Conseil de sécurité est en train de faire son chemin. L’automne dernier, lors de l’Assemblée générale des Nations unies, plusieurs chefs d’État ont réclamé des changements. Y compris le président américain, Joe Biden.

« Le temps est venu où cette institution doit devenir plus inclusive afin de mieux répondre aux besoins du monde d’aujourd’hui », a-t-il dit.

Reste à voir si une réforme aura lieu de son vivant, car un tel projet, hautement complexe, est plus facile à souhaiter qu’à réaliser.

Découvrez les membres du Conseil de sécurité de l’ONU