Maghalie Rochette

« J’ai vraiment pogné la piqûre »

En août 2013, Maghalie Rochette a reçu une demande surprenante en s’entraînant sur le parcours des Championnats du monde de vélo de montagne de Pietermaritzburg, en Afrique du Sud. Sa compatriote Catharine Pendrel, médaillée d’or deux ans plus tôt, voulait des conseils pour franchir une section technique.

Pendrel relevait d’une fracture d’une clavicule et avait remarqué la hardiesse de sa jeune coéquipière de 20 ans devant les obstacles. « Je commençais en vélo de montagne, j’avais du retard à rattraper et je ne pouvais pas me permettre d’avoir peur », raconte Rochette.

Quelques jours plus tard, la cycliste de Saint-Jérôme prenait le neuvième rang de l’épreuve de cross-country chez les U23. Sa prestation a impressionné le gérant de Luna Pro Team, que Pendrel lui avait présenté.

Peu de temps après, en marge d’une importante course de cyclo-cross à Las Vegas, Rochette a signé un premier contrat professionnel avec cette équipe renommée, comptant sur des vedettes comme Pendrel et la médaillée olympique Georgia Gould. Le pactole pour celle qui s’était remise au vélo de montagne, le sport de son enfance, afin de s’entraîner pour le cyclo-cross, son nouveau dada.

Trois ans plus tard, Rochette a remporté les Championnats canadiens de cyclo-cross, début novembre, à Sherbrooke. Ce titre lui a valu une première sélection pour les Championnats du monde qui seront présentés demain à Bieles, au Luxembourg. Sans grande expérience en Europe, château fort de cette discipline plus que centenaire, l’athlète de Saint-Jérôme part à la découverte.

La « fièvre du cyclo-cross »

Originaire des Basses-Laurentides, Maghalie Rochette a pratiqué à peu près tous les sports dans sa jeunesse, dont le vélo de montagne, comme son père. « Quand je le voyais revenir plein de bouette, je trouvais que ça avait l’air cool », a-t-elle dit en entrevue un peu avant Noël.

Elle a participé aux Jeux du Québec avant de bifurquer vers le triathlon, comme son amie d’enfance, l’olympienne Amélie Kretz. Elle s’y est consacrée de 12 à 18 ans, jusqu’à ce que des blessures aux pieds coupent net ses ambitions.

À l’invitation d’une amie, elle s’est inscrite à une course de cyclo-cross à Trois-Rivières, ignorant tout de ce sport où les cyclistes doivent souvent descendre de leur monture pour franchir des sections à la course, vélo à l’épaule. « J’ai vraiment pogné la piqûre », se souvient-elle.

Cette « piqûre » initiale lui a carrément donné la « fièvre du cyclo-cross », un slogan qu’elle a fait imprimer sur des t-shirts et des chaussettes. Elle les vend sur son site internet, façon pour elle de transmettre sa passion.

« Quiconque s’y met devient un peu accro, exprime Rochette. C’est un peu dur à expliquer, mais c’est un monde spécial. L’atmosphère dans les courses est vraiment festive, super amicale. Pour donner une idée, sur le podium en cyclo-cross, on te remet souvent une bière. »

Passage à vide

Animée par des ambitions olympiques, elle n’a pas abandonné le vélo de montagne pour autant. La pratique des deux disciplines, dont les calendriers sont complémentaires, est de rigueur chez Luna, formation d’origine californienne rebaptisée Clif Pro Team depuis peu.

Recrutée avant tout pour son potentiel, la Québécoise a eu du mal à s’adapter aux exigences de son nouvel environnement professionnel, en 2014 et 2015. « J’ai connu deux années de misère, admet-elle. C’était spécial parce que je n’avais vraiment pas beaucoup d’expérience et je me suis retrouvée dans ce qui est pas mal la plus grosse équipe féminine au monde. J’ai mangé une couple de claques dans la face. »

Elle parvenait à suivre ses coéquipières à l’entraînement, mais se faisait larguer en course. Calme de nature, elle se mettait pourtant à paniquer. 

« Je n’étais jamais capable de réussir ce que je faisais à l’entraînement. Il a fallu que je sois honnête avec moi, que je comprenne mes forces, mes faiblesses, mes peurs. »

— Maghalie Rochette

Fait plutôt rare dans ce milieu coupe-gorge, son équipe a continué de la soutenir malgré l’absence de résultats. Un « déclic » s’est produit au début de la saison de cyclo-cross, l’automne dernier. Rochette menait une course à Rochester, dans l’État de New York, avant qu’un coup de chaleur ne la stoppe dans son élan. Chancelante, elle a franchi la ligne d’arrivée au quatrième rang... pour se réveiller dans une ambulance.

« Aussi niaiseux que cela puisse paraître, ça m’a vraiment aidée à avoir mon déclic par la suite, s’amuse-t-elle de sa mésaventure. C’était la première fois que je me poussais jusqu’à tomber dans les pommes. J’ai de la misère à le mettre en mots, mais en un sens, ça m’a fait réaliser à quel point j’en étais capable. »

Elle a mis quelques semaines à s’en remettre, obtenant par la suite les plus beaux résultats de sa jeune carrière, dont le bronze aux Championnats panaméricains dans le Kentucky, le titre canadien à Sherbrooke et des victoires dans le Maine et l’État de New York.

Le calibre sera évidemment plus relevé aux Championnats du monde au Luxembourg, où elle aimerait s’approcher des 10 premières. En guise de préparation la semaine dernière, Rochette a terminé 18e, à une minute et demie de la gagnante, lors d’une Coupe du monde disputée aux Pays-Bas. « Je me sentais bien physique, alerte et assez agressive, nous a-t-elle écrit après l’épreuve. J’ai donc pu dépasser tout au long de la course. Ça me donne confiance pour les Mondiaux. »

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