Chronique

Je n’ai pas peur du coronavirus

Je regarde les nouvelles, j’écoute la radio, je lis les journaux. À propos du coronavirus COVID-19, je veux dire. C’est partout. Le COVID-19 est le petit-cousin de Denis Coderre, mais non, mais non, je ne veux pas dire que Denis Coderre est un virus : je veux dire que le coronavirus est comme l’ex-maire de Montréal se définissait lui-même : « incontournable ».

Je regarde les nouvelles, j’écoute la radio, je lis les journaux. Je vois bien, aussi, que la peur monte…

La peur qui monte ?

Je cite Stéphanie Chen, à qui j’ai parlé hier, Québécoise de 27 ans, née ici, d’origine chinoise, faciès à l’avenant : « Dans le métro, je me suis assise à côté d’une personne qui portait un masque. Il y avait deux personnes qui portaient un masque dans la rame de métro. La personne à côté de qui je me suis assise s’est levée et est allée s’asseoir plus loin… »

Mme Chen n’avait jamais vécu cela, à Montréal. À ses yeux, c’est clair : il s’agit là d’une incarnation de la peur déraisonnable de l’Asiatique, nouvel ennemi public numéro un en Occident, nouvel épouvantail ethnique depuis l’apparition du coronavirus : derrière chaque visage asiatique se cacherait un éternuement qui rendra tout le monde malade…

Ces épisodes se vérifient un peu partout dans le monde : la peur du Chinois, la peur de l’Asiatique.

Paranoïa, bien sûr.

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Au temps du coronavirus, la peur monte, la Bourse plante, les masques manquent, les gens stockent des denrées. Même ma femme de ménage, ma chère Anne-Claire, m’a demandé si je voulais qu’elle me fasse un petit garde-manger de secours, au cas où la civilisation cesserait (en éternuant) sa grande marche triomphale…

Alors voilà, je me sens bien mal de dire ça, peut-être que c’est totalement irresponsable d’oser vous soumettre ça ici alors que l’effondrement nous guette, mais…

Mais je n’ai pas peur du coronavirus.

Suis-je normal, Docteur ?

Je ne porterai pas de masque, je ne me laverai pas les mains plus que d’ordinaire et je ne lancerai pas de collecte de fonds sur GoFundMe pour m’acheter un conteneur de Purel.

Parce que c’est pas l’Ebola, tabarslak, c’est pas la rougeole non plus. C’est un virus apparenté à la grippe, pas la bonne vieille grippe, mais quelque chose qui y ressemble drôlement dans les symptômes.

Titre d’une dépêche de l’AFP, samedi : « Coronavirus : les hommes âgés de plus de 70 ans sont les plus à risque ».

Extrait de ladite dépêche : « L’analyse la plus complète à ce jour, publiée le 17 février par les autorités chinoises puis le 24 février dans la revue médicale américaine Jama, montre ainsi que le taux de mortalité augmente nettement avec l’âge. Sur près de 45 000 cas confirmés, le taux moyen de mortalité est de 2,3 %. Mais aucun décès n’est à déplorer parmi les enfants de moins de 10 ans. Jusqu’à 39 ans, le taux de mortalité reste très bas, à 0,2 %, puis passe à 0,4 % chez les quadragénaires, 1,3 % chez les 50-59 ans, 3,6 % chez les 60-69 ans et 8 % chez les 70-79 ans. Les personnes âgées de plus de 80 ans sont les plus à risque avec un taux de mortalité de 14,8 %. »

Bref, ceux qui sont fauchés le plus durement, ceux qui en meurent, même, sont les personnes les plus vulnérables : les vieux… Et même là, les vieux déjà malades.

Tout cela est dit et répété dans les médias. Ici et ailleurs. Mais nous sommes là à stocker des denrées pour faire face à une invasion de zombies, à nous raconter des peurs…

Mais si vous êtes le Québécois moyen, c’est-à-dire une personne de 42 ans, vous n’avez rien à craindre. Si vous êtes touché par le coronavirus, vous avez toutes les chances de vivre ça comme une grippe. Vous n’en mourrez pas. Votre tante de 81 ans ou votre père de 77 ans sont plus à risque. Mais ils sont plus à risque de tout, de toute façon.

Et les enfants ?

Eh bien, le COVID-19 est miséricordieux avec la prunelle de nos yeux : les enfants n’en meurent à peu près pas, et leurs symptômes sont généralement légers…

Je ne dis pas qu’il n’y a rien à craindre. Je dis que les experts, ici, ailleurs, sont clairs : ce qui les inquiète, c’est que beaucoup de gens deviennent malades en même temps et que les soignants – médecins, infirmières, préposés – soient eux aussi forcés de prendre le lit…

Ce qui laisserait moins de soignants pour soigner plus de malades, dans un réseau qui a déjà du mal à faire face aux pics de la bonne vieille grippe saisonnière.

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Bon, une fois que tout cela est dit, peut-on un peu se calmer le pompon ?

J’aimerais dire que les autorités publiques incitent à la panique, j’aimerais dire que les médias excitent les foules. Je peux fort bien me tromper, mais sur ces fronts-là, il me semble que la majorité de ceux qui prennent la parole prennent leur gaz égal…

Je pense à Horacio Arruda, de la Santé publique : des interventions posées, pédagogiques. Je pense à tous les experts qui prennent la parole dans les médias, le Dr Vadeboncoeur, le Dr Weiss, la Dre Quach : ils nous disent tous que la fin du monde n’est pas pour demain.

Alors pourquoi a-t-on si peur ?

Permettez-moi une explication à cinq cennes…

La peur, c’est profondément ancré en nous, humains. C’est même un moteur de la survie.

En tout cas, si vous avez besoin de pâtes, j’en ai plein mon garde-manger (merci, Anne-Claire !).

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