L’imposture multiculturelle canadienne

Inculture ou malhonnêteté intellectuelle ? Claire imposture en tout cas. C’est à cela que l’on pense quand on prend connaissance de la surréaliste « Déclaration du premier ministre du Canada à l’occasion du 50e anniversaire de la politique de multiculturalisme du Canada ».

Justin Trudeau a le front d’y prétendre que cette politique donnait suite aux recommandations de la célèbre Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, comme si le remplacement de ce dernier par le multiculturalisme n’avait pas fondamentalement changé la nature du pays au détriment du Québec.

Parce qu’il est des moments où les textes parlent plus que les commentaires, je vous invite à lire en entier le communiqué de M. Trudeau. Vous y verrez jusqu’à quel point la négation du Québec, peuple fondateur canadien sur le plan identitaire, est poussée loin sous le couvert d’inclusion, de diversité et de valorisation des groupes ethniques et autochtones.

Voici quelques extraits de ce texte mystificateur incroyablement prétentieux – le Canada se présente carrément en modèle au reste du monde ! –, un texte qui fait mal au cœur pour quiconque est conscient de la contribution historique réelle du Québec à ce pays.

250 groupes ethniques !

« À pareille date en 1971, le premier ministre Pierre Elliott Trudeau a fait du multiculturalisme une politique officielle du gouvernement – la première du genre dans le monde – afin de reconnaître la contribution de la diversité culturelle et de la citoyenneté multiculturelle au tissu social canadien. […]

« Depuis des générations, de nouveaux arrivants de partout dans le monde – toutes origines, ethnies, fois, cultures et langues confondues – viennent au Canada dans l’espoir de s’y établir. Aujourd’hui, en plus des membres des Premières Nations, des Métis et des Inuits, des personnes appartenant à plus de 250 groupes ethniques considèrent le Canada comme leur foyer et célèbrent leur patrimoine culturel avec fierté. Ces personnes sont au cœur de notre réussite en tant que pays dynamique, prospère et progressiste.

Lisez la déclaration complète

« La politique de multiculturalisme du Canada a été mise en œuvre d’après les recommandations de la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme. […] En 1982, la politique a reçu la sanction constitutionnelle, avec la reconnaissance explicite que la Charte canadienne des droits et libertés devait être interprétée d’une manière compatible avec le patrimoine multiculturel des Canadiens […] Il s’agissait d’un pas important vers l’édification d’une société forte, diversifiée et inclusive. […]

« Bien que la politique continue […] d’inspirer les gens et les pays du monde entier, nous avons encore du travail à faire pour que le Canada devienne un pays inclusif, juste et équitable pour tous. Cette année, plusieurs incidents troublants motivés par la haine et visant à semer la discorde nous ont rappelé que les préjugés, le racisme systémique et la discrimination demeurent une réalité vécue par de nombreux Noirs et Autochtones, des minorités religieuses et des communautés racisées. »

Multiculturalisme sans limites

Exit bien sûr la réalité des deux peuples fondateurs français et anglais à la base du Canada de 1867. Ce qui est passé sous silence dans cette réécriture éhontée de l’histoire du pays, c’est le Québec, mais également le Canada dans sa profondeur historique, le multiculturalisme à la canadienne ne reconnaissant pas l’existence d’une société d’accueil à laquelle les nouveaux arrivants devraient être invités à s’intégrer.

Faut-il s’étonner alors qu’une ministre fédérale en exercice d’origine afghane soit récemment allée jusqu’à parler de « nos frères talibans » ? Faut-il s’étonner qu’on vienne de nommer une gouverneur générale autochtone qui ne parle pas le français ? Faut-il s’étonner que les instructions aux citoyens de Calgary pour la prochaine élection municipale aient été traduites en une dizaine de langues dont le tagalog, mais pas le français ?

Le communiqué de M. Trudeau devrait être lu et relu par ces élites québécoises, souvent souverainistes, qui adhérent sans réserve à une idéologie multiculturelle canadienne de plus en plus toxique, parce que sans limites, une idéologie en partie adoptée pour ethniciser l’identité québécoise et qui le fait très efficacement.

L’obsession d’une partie de ces bien-pensants pour la belle image hypertolérante de la société québécoise ne les empêchera pas, eux aussi, d’être méprisés au bout du compte par un système politique canadien qui célèbre régulièrement toutes les différences identitaires de la galaxie sauf la québécoise, pourtant la plus importante en ce pays.

Le communiqué de M. Trudeau devrait être également lu et relu par le politicien québécois qui monte, ce bien-pensant en chef du nom de Gabriel Nadeau-Dubois, qui se vante de ne pas se préoccuper de la défense du pouvoir québécois, lui préférant les professions de foi souverainistes bidons comme la sienne.

Le communiqué de M. Trudeau devrait être enfin médité par le premier ministre François Legault avant qu’il ne décide de faire ou non ce qu’il a le pouvoir de faire, appliquer la loi 101 aux cégeps.

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