Besoins criants dans les CHSLD

« On ne leur demande pas de laver des planchers »

Sur fond de tension, Québec fait appel au « sens du devoir » des médecins spécialistes en les incitant à venir prêter main-forte aux infirmières des CHSLD à un taux horaire de 211 $ de l’heure.

Besoins criants dans les CHSLD

« Il y a une urgence nationale », plaide Legault

Le gouvernement Legault a invoqué l’« urgence nationale » et a imploré mercredi la profession médicale, notamment les médecins spécialistes, en faisant appel à leur « sens du devoir ». Le but, déployer 2000 médecins pour aider les infirmières dans les CHSLD, où des milliers d’employés manquent à l’appel.

La ministre de la Santé et des Services sociaux, Danielle McCann, a demandé aux médecins de considérer cet appel comme « une mission humanitaire dans les CHSLD », alors que plusieurs d’entre eux vont régulièrement en mission à l’extérieur du Québec, notamment « en Afrique, […] pour aider ».

« Je veux faire appel au sens du devoir, au sens des responsabilités des 20 000 médecins qu’on a au Québec. […] Je pense surtout aux spécialistes qui ont moins de travail, étant donné qu’on a reporté les chirurgies. Est-ce qu’on est capables de trouver 2000 médecins qui sont capables pour quelques semaines de venir aider dans les CHSLD ? Vous avez la compétence », a plaidé mercredi le premier ministre François Legault.

« Les choix qu’on a, c’est [de faire ça ou] d’envoyer du monde qui n’est pas du tout qualifié à aller faire du travail de préposé [aux bénéficiaires] ou d’infirmière. »

— François Legault, premier ministre du Québec

Depuis quelques semaines, des CHSLD du Québec sont particulièrement frappés par la pandémie de COVID-19. Dans le réseau public et privé, a affirmé le premier ministre, environ 2000 employés manquent à l’appel, soit parce qu’ils sont malades ou qu’ils craignent de l’être.

Bras de fer avec les syndicats

François Legault s’est montré visiblement irrité mercredi de certaines entrevues que les représentants des fédérations médicales du Québec, tant du côté des médecins spécialistes que des médecins omnipraticiens, avaient données au 98,5 FM.

« J’entendais la présidente du syndicat, Diane Francoeur, dire ce matin : “On n’est quand même pas pour demander aux médecins spécialistes de laver des planchers.” Bien, on ne leur demande pas de laver des planchers. […] Ce que je demande aux médecins spécialistes, c’est de venir dans nos CHSLD aider à donner des soins, aider à nourrir les résidants, aider à les laver, aider à les soigner, aider les infirmières », a dit le premier ministre pendant son point de presse à Québec.

« Je comprends qu’il ne manque pas de médecins [dans les CHSLD], mais ils peuvent venir aider à faire du travail d’infirmière, puis on peut peut-être demander aux infirmières de faire le travail de préposé. […] On ne peut pas faire de magie, là, on ne peut pas les inventer, les personnes [qu’il nous manque] », a-t-il ajouté.

Simultanément, sur les réseaux sociaux, la présidente de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, la Dre Diane Francoeur, a écrit : « Dr Arruda, vous venez demain ? », interpellant le directeur national de santé publique, Horacio Arruda, pour qu’il prête lui aussi main-forte dans les CHSLD (voir autre texte).

Mais elle a rapidement rectifié le tir. « Cher Dr Arruda. J’étais furieuse. Je m’excuse sincèrement de mes propos. Comprenez ma colère. Depuis des semaines qu’on offre notre aide, pour se faire dire non. Mais sachez que nous serons tous au combat pour les Québécois. »

Sur Twitter, le Dr Arruda a accepté ses excuses. « Je reçois bien vos excuses ! L’erreur est humaine ! Tous unis pour un même combat, celui de la lutte à la COVID-19. »

« Grosse réforme » à venir

François Legault a expliqué ces derniers jours que le manque de personnel dans certains CHSLD s’expliquait par plusieurs facteurs : bas salaires, travail peu valorisé, tâches qui s’alourdissent et pénurie de main-d’œuvre. Chose certaine, a-t-il dit mercredi, il « va falloir une grosse réforme ».

« Cette réforme-là va commencer par une négociation sur la rémunération, parce que là, il y a deux problèmes. Un, la rémunération n’est pas assez incitative pour qu’il y ait assez de préposés aux bénéficiaires. Puis, deuxièmement, parce qu’il n’y a pas assez de préposés aux bénéficiaires, le travail devient beaucoup plus difficile pour ceux qui sont là, et donc moins attirant encore parce qu’il y a cette pénurie », a affirmé le premier ministre.

Les médecins qui iront épauler les infirmières dans les CHSLD ces prochaines semaines recevront un forfait de 211 $, pour un maximum de 12 heures, soit environ 2500 $ par jour. Ceux qui travailleront dans des « horaires défavorables », soit de 20 h à 8 h ou les week-ends et les jours fériés, pourront réclamer une majoration de 20 %.

La Dr Francoeur affirme que cette entente a été négociée en février alors que les médecins spécialistes pensaient qu’ils allaient « faire de la médecine, pas laver des patients ». Elle soutient que le tarif de 211 $ de l’heure représente la moyenne du salaire horaire de l’ensemble des spécialistes.

Bien entendu, les médecins spécialistes qui continueront d’offrir des soins dans leur domaine habituel conserveront leur mode de facturation habituel. Les médecins qui seront infectés par la maladie recevront aussi une indemnité. La rémunération spéciale liée à la pandémie prendra fin le 30 juin et sera aussi versée rétroactivement au 28 février 2020.

« Est-ce qu’on demande à certains médecins spécialistes d’aller faire du travail d’infirmière, d’être payés plus cher qu’une infirmière pendant qu’ils font le travail d’une infirmière ? Bien oui, parce qu’il y a une urgence nationale », a plaidé M. Legault mercredi.

Lors de son bilan quotidien, le premier ministre a annoncé que le Québec comptait 52 morts de plus en raison de la COVID-19, soit au total 487 morts depuis le début de la pandémie. La province compte désormais 14 860 cas confirmés de personnes infectées au coronavirus, en augmentation de 612 en une journée. Selon le dernier bilan, 984 personnes étaient hospitalisées, dont 218 aux soins intensifs.

Renouvellement de l’état d’urgence jusqu’au 24 avril

Sans surprise, le gouvernement québécois a renouvelé mercredi soir l’état d’urgence sanitaire, cette fois jusqu’au 24 avril, toujours en raison de la pandémie qui, selon le texte, constitue « une menace réelle grave à la santé de la population ». Le 14 mars, le gouvernement du Québec avait promulgué pour la première fois cet état d’urgence sanitaire. Il avait été renouvelé le 29 mars. Cette mesure exceptionnelle donne d’inhabituels pouvoirs au gouvernement. Pendant cette période, Québec peut isoler des quartiers ou des villes, fermer des lieux de rassemblement, rapatrier des infirmières retraitées, procéder à des achats de matériel sans délai, bref, ordonner toute mesure qu’il juge nécessaire pour protéger la santé de la population.

— Louise Leduc, La Presse

COVID-19

« Il voulait de l’aide. Il va en avoir ! »

La Dre Diane Francoeur, présidente de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, réplique au premier ministre François Legault

La Dre Diane Francoeur affirme que l’entourage de François Legault ne lui a jamais demandé l’aide des médecins spécialistes pour pallier le manque de personnel dans les CHSLD. Elle parle même d’« improvisation » de la part du gouvernement.

La présidente de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) affirme que le gouvernement n’a pas été en mesure de lui dire comment les médecins devaient se porter volontaires. De son propre chef, elle a envoyé un message à tous ses membres pour dresser une liste de spécialistes voulant prêter main-forte. « On a fait un appel à tous, mais au ministère de la Santé, il n’y avait rien de préparé, rien de planifié, rien d’organisé », dit-elle.

Dans le message envoyé aux médecins spécialistes de la province, elle dit avoir appris « comme vous à la télévision lors du point de presse du premier ministre que celui-ci avait besoin de notre aide en CHSLD ». « Alors que nous avons tendu la main depuis des semaines pour aider de plusieurs façons, le gouvernement met en doute publiquement notre sens du devoir », écrit-elle.

Celle qui est obstétricienne-gynécologue au CHU Sainte-Justine martèle, en entrevue, que les médecins spécialistes ne pourront pas effectuer l’ensemble des tâches des infirmières ou des préposés aux bénéficiaires. Ils ne seront par exemple pas aptes à installer un soluté ou à administrer des antibiotiques.

« Ce n’est pas banal de s’occuper des personnes âgées. Ce n’est pas juste passer des cabarets et donner des médicaments. »

« Le personnel en place va être débordé. Il ne va avoir ni l’envie ni l’intention de nous former parce qu’il n’aura pas le temps. »

— La Dre Diane Francoeur, présidente de la Fédération des médecins spécialistes du Québec

« On va voir ce que ça va donner. Il [François Legault] voulait de l’aide. Il va en avoir », ajoute-t-elle.

La Dre Francoeur ignore si elle sera en mesure de recruter 2000 volontaires comme l’espère le premier ministre du Québec. Des 10 000 médecins spécialistes, 1200 sont âgés de plus de 70 ans. Plusieurs sont actuellement en congé parental et certaines femmes sont enceintes, soutient-elle. Elle a d’ailleurs demandé un comptage pour mieux connaître le nombre de personnes aptes à se rendre dans les CHSLD. Tard en soirée, elle a toutefois publié un tweet mentionnant avoir reçu 1100 inscriptions en trois heures.

La présidente de la FMSQ croit également que le gouvernement aurait dû piger parmi les personnes qui se sont portées volontaires sur le site « Je contribue COVID-19 » avant de faire appel aux membres de sa fédération. « Envoyer des médecins spécialistes dans les CHSLD, ça va avoir un impact sur les soins. »

450 médecins de famille sur le terrain

Du côté de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), on estime « en avoir fait déjà beaucoup », notamment en s’assurant que la couverture médicale soit assurée dans les CHSLD et résidences pour personnes âgées de la province. Déjà, 450 médecins de famille ont été redéployés dans le réseau.

Le président-directeur général Louis Godin assure que ses membres « encore disponibles » vont répondre présents à l’appel du premier ministre « pour ajouter à l’effort de guerre », mais il rappelle que les médecins doivent donner la priorité aux services médicaux. « Les services médicaux se sont beaucoup alourdis au cours des dernières semaines. […] Cette demande supplémentaire, elle ne peut reposer seulement sur les médecins. »

Selon lui, il faut que les renforts proviennent également de diverses sources. « Il faut que d’autres lèvent la main parce que, comme médecins de famille, on ne pourra pas tenir ça sur le long terme. On a des gens, nous aussi, qui risquent de tomber au combat », a souligné le Dr Godin.

— Avec la collaboration de Tommy Chouinard, La Presse

COVID-19

L’appel de Québec fait réagir

Le gouvernement Legault a envoyé un message très clair aux médecins spécialistes : « Allez aider dans les CHSLD. » Vous pourrez faire le travail des infirmières, a-t-il ajouté. Tour d’horizon des réactions dans le réseau de la santé.

— Véronique Lauzon, La Presse

Michel Leblanc

Président de la Fédération professionnelle des préposé(e)s aux bénéficiaires du Québec

« Il y a des préposés aux bénéficiaires qui seront en colère de travailler à côté d’un médecin qui gagne beaucoup plus d’argent qu’eux », dit Michel Leblanc. Mais le président de la Fédération professionnelle des préposé(e)s aux bénéficiaires du Québec croit néanmoins que beaucoup de ses membres, qui travaillent tant dans le public qu’au privé, seront soulagés : « Ils veulent juste du renfort. Il manque de bras ! » Il doute tout de même que bien des médecins spécialistes commencent à « donner des bains » aux personnes aînées. « Il y en a qui pensent juste à leur statut, à leur ego… Oubliez ça, l’idée qu’ils soient sur le terrain. »

Éric Schlader

Chirurgien orthopédiste

Éric Schlader est complètement stupéfait de l’appel lancé par le gouvernement Legault : « Dans ma spécialité, ça fait longtemps qu’on essaie d’être utile et qu’on dit à tous ceux qui veulent nous entendre que nous sommes prêts à aider. Personne n’est venu nous chercher ! », dit le chirurgien orthopédiste, qui se sent comme un joueur de hockey sur le banc en pleine série éliminatoire. « Demain matin, je peux commencer. Dites-moi où et comment », lance-t-il, en ajoutant toutefois qu’il est loin d’avoir les compétences des infirmières et qu’il aura besoin de formation si on lui demande d’accomplir toutes les tâches qu’elles font au quotidien.

Isabelle Leblanc

Médecin omnipraticienne

Lorsque la Dre Isabelle Leblanc a entendu François Legault dire à propos des médecins : « Je comprends qu’ils sont surqualifiés pour faire le travail d’infirmière dans les CHSLD », elle a souhaité remettre les pendules à l’heure. « Je ne crois pas que le premier ministre a compris la formation médicale. Non, les médecins ne sont pas surqualifiés pour faire le travail des infirmières ! Ils ne sont tout simplement pas formés pour accomplir leurs tâches. Ils ont des expertises différentes », dit la médecin omnipraticienne, qui apporte déjà sa contribution en aidant dans les CHSLD. Elle convient volontiers que tous les médecins devraient pousser à la roue : « Mais on ne peut pas penser qu’on peut parachuter des médecins dans des CHSLD sans les former et que ça va fonctionner. »

Sylvie Nelson

Présidente du Syndicat québécois des employés de service (SQEES)

La présidente du Syndicat québécois des employés de service, qui représente 10 000 travailleurs au Québec, a de la difficulté à avaler le fait qu’un médecin appelé en renfort dans les CHSLD gagnera en deux heures ce que ses membres reçoivent en une semaine. Mais en ce moment, alors que l’heure est grave dans les résidences pour aînés, elle préfère ne pas trop y penser. Elle espère juste que les médecins spécialistes vont répondre présent : « Notre monde est vraiment rendu à bout. On a besoin de bras au plus vite », précise Mme Nelson. « Il faut par contre s’organiser pour bien les accueillir, les former comme il faut. »

Silvana Barone

Pédiatre

La clinique communautaire où travaille la pédiatre Silvana Barone a fermé ses portes pendant la crise. Même si elle fait toujours de la télémédecine avec ses patients, elle a du temps et, surtout, le désir d’aider. « J’ai mis mon nom sur plusieurs listes pour offrir mes services, mais je n’ai jamais eu de réponse. » Elle a été « sidérée » d’entendre François Legault s’adresser à elle et ses collègues comme s’ils refusaient de contribuer. « Je suis prête à laver des patients, à faire du travail de secrétariat, à distribuer des pilules », dit Mme Barone, ajoutant tout de même qu’elle n’a pas l’expertise pour accomplir bien des tâches que font les infirmières.

CHSLD

L'armée en renfort ? « Pas pour le moment », dit Québec

Déploiera, déploiera pas ? Alors que les besoins de personnels sont plus que criants dans les CHSLD, le gouvernement de Justin Trudeau n’a toujours pas reçu de demande officielle de Québec d’envoyer l’armée en renfort – un scénario qui n’est pas envisagé « pour le moment », a-t-on signalé mercredi au bureau du premier ministre François Legault.

Le premier ministre Justin Trudeau a affirmé en conférence de presse qu’il était « en train de discuter avec Québec et les autres provinces pour voir comment on [pourrait] envoyer plus de ressources », ajoutant que le fédéral allait « répondre à toute demande qu’ils vont nous faire sur quoi que ce soit. On est là pour aider ».

Le président du Conseil du Trésor, Jean-Yves Duclos, a plus tard évoqué des « discussions très importantes » entre les deux gouvernements. « C’est possible que ces discussions mènent à des demandes bien spécifiques », a-t-il indiqué dans une autre conférence de presse, sans donner plus de détails sur la teneur des discussions.

« On sait que c’est très difficile dans les CHSLD, particulièrement au Québec. On sait que le gouvernement du Québec travaille fort. [L’armée], c’est vraiment une capacité d’appui. Les Forces armées sont là pour aider, mais elles sont là pour aider si c’est le gouvernement du Québec qui prend le leadership », a ajouté Jean-Yves Duclos.

Il n’est toutefois pas question que les Forces armées canadiennes interviennent sans que le Québec l’ait demandé, rappelle Ottawa.

« PAS ENVISAGÉ POUR LE MOMENT »

Du côté du gouvernement québécois, le premier ministre François Legault a réitéré qu’il avait demandé si « des personnes de l’armée qui ont des qualifications en santé » pourraient venir prêter main-forte dans les CHSLD, « par exemple pour faire le travail d’infirmière ». À son bureau, on a cependant indiqué à La Presse en début de soirée qu’une demande de déploiement de l’armée « n’était pas envisagée pour le moment ».

Au ministère de la Défense nationale, on signalait mardi que le 1er Hôpital de campagne du Canada, une unité militaire qui fournit « des capacités médicales et chirurgicales aux forces militaires en déploiement au Canada et à l’étranger », n’avait pas encore été sollicité. Au sein de l’effectif, plus de 150 membres du personnel de l’unité travaillent régulièrement dans des hôpitaux civils dans huit provinces, a-t-on précisé.

Le chef de l’opposition officielle à Québec, Pierre Arcand, ne voit pas pourquoi on se priverait de leur contribution. « Dans une situation d’urgence nationale, on a besoin du maximum de gens possible », a-t-il plaidé en entrevue avec La Presse.

« Moi, je ne tiens pas à l’armée pour le plaisir de l’armée. L’important, c’est que nous ayons toutes les ressources nécessaires, et rapidement. »

— Pierre Arcand, chef de l’opposition officielle à Québec

1000 BÉNÉVOLES BILINGUES

À défaut d’annoncer qu’un contingent militaire viendrait à la rescousse dans les CHSLD, aux prises avec une grave pénurie de personnel, le fédéral a fait valoir qu’une armée forte de 1000 personnes bilingues avaient levé la main pour participer à la bataille que le Québec mène contre la COVID-19.

« Je viens de vérifier auprès de mon sous-ministre, et il y a environ 1000 personnes parlant les deux langues officielles qui seraient disponibles pour appuyer Québec. Ce travail se fait en ce moment même », a dit la ministre fédérale de la Santé, Patty Hajdu, en conférence de presse.

Cette déclaration a brièvement semé la confusion entre les deux collines parlementaires. En fait, la ministre faisait référence à un échantillon des personnes s’étant dites désireuses de contribuer, sur une base bénévole, à une campagne nationale de recrutement sur un portail web fédéral, où l’on peut s’inscrire jusqu’au 24 avril prochain.

Ces quelque 1000 bons Samaritains possèdent des compétences diverses en matière de santé publique et ne seraient pas nécessairement envoyés dans des CHSLD du Québec, a-t-on précisé plus tard à son bureau.

LES RANGERS EN BASSE-CÔTE-NORD

Les Forces armées canadiennes ont par ailleurs répondu présent pour la deuxième fois en un peu moins de deux semaines. C’est ainsi qu’après avoir accepté une demande d’aide pour le Nunavik, les Rangers canadiens ont dit oui à une autre requête.

« Le gouvernement du Québec nous a envoyé une deuxième demande pour la Basse-Côte-Nord. Je peux vous confirmer que ce sont les Rangers canadiens qui vont aller leur prêter main-forte », a affirmé Justin Trudeau, mercredi.

La région de la Basse-Côte-Nord s’étend de la rivière Natashquan à la frontière du Labrador. Elle comprend 15 petits villages, comme Tête-à-la-Baleine et Blanc-Sablon.

COVID-19

Volontaire, qualifiée... et sur les lignes de côté

Une travailleuse humanitaire de Montréal veut participer à l’effort de guerre. Mais son diplôme n’a pas de valeur ici, tout comme celui de centaines d’autres immigrants diplômés à l’étranger.

Taby a géré des approvisionnements médicaux en Haïti en pleine épidémie de choléra, elle a mis sur pied des cliniques en Syrie, elle a offert des soins infirmiers en psychiatrie durant le génocide du Rwanda. Elle est compétente, volontaire et qualifiée pour aider à soigner nos aînés.

Après une carrière à aider de par le monde, elle ne peut rien faire maintenant que la crise frappe sa terre d’accueil. Son diplôme en soins infirmiers n’a pas de valeur ici, tout comme celui de centaines d’autres immigrants diplômés à l’étranger.

Tabasum Masumbuko Abdul-Rasum – Taby, de son surnom –  a travaillé comme infirmière, chargée de mission et gestionnaire médicale pour la Croix-Rouge, l’UNICEF, l’OMS et les Nations unies. Elle est née en Afrique, mais a choisi Montréal depuis 16 ans. À l’appel de la ministre de la Santé Danielle McCann de participer à « la mission humanitaire du Québec », elle voudrait répondre : « Présente ! »

« C’est sûr et certain. Pas comme clinicienne parce que ça fait trop longtemps, mais je peux faire de la recherche, de la coordination, de la gestion d’employés, je veux être au centre de la réponse », énumère Taby.

« Le Québec aura à s’organiser. Les gens doivent monter de toutes pièces des systèmes pour répondre à la demande d’urgence. C’est ce que j’ai fait toute ma vie », soulève la travailleuse humanitaire.

Infirmière de formation diplômée en 1990 au Burundi, la Congolaise d’origine a travaillé pour l’UNICEF dans l’urgence de la crise burundaise, puis dans celle du Rwanda, avant de faire des études en développement international à l’Université de Genève, et son équivalence pour faire reconnaître en Suisse son diplôme de soins infirmiers. Elle s’est installée au Québec en 2004 et enchaîne depuis les missions humanitaires à l’étranger, faute d’avoir fait reconnaître son diplôme d’infirmière une nouvelle fois.

« Je suis rendue coordinatrice de cluster santé pour les Nations unies. C’est la personne qui régit la réponse en santé dans les situations d’urgence – guerre, épidémies, malnutrition, etc. – et c’est un poste de haut niveau. Je viens de terminer 15 mois au nord-est de la Syrie dans cette position », raconte la femme de 51 ans, qui voit un parallèle évident avec l’appel à l’aide du premier ministre.

« Ça n’existe pas, 2000 infirmières qui peuvent travailler demain matin en CHSLD, a dit François Legault, mercredi. […] Le choix qu’on a, c’est d’envoyer du monde pas du tout qualifié faire des jobs de préposés ou d’infirmières. »

« En Syrie, quand on a reçu l’information que les États-Unis allaient bombarder, les gens qualifiés comme les médecins et les infirmières avaient fui. Alors nous, on formait les gens sur le tas, expose Taby. La situation dans les CHSLD, par exemple, ce n’est pas nécessaire d’avoir des infirmiers ou des préposés qualifiés. Ceux qui viennent en renfort ne feront pas des perfusions ou des trucs super techniques. Dans l’immédiat, il faut des gens avec une formation en infectiologie qui vont faire les trucs de base. Et pour ça, on doit faire du capacity building », s’emballe l’experte en situation d’urgence, jointe à son condo de Côte-des-Neiges.

Taby est chez elle et gère actuellement une base de données dans un fichier Excel pour le Centre d’action bénévole.

« Si la crise avait touché un pays dans le besoin, je serais partie, je suis dans la réserve civile canadienne », dit-elle, sans laisser transparaître l’ironie de la situation.

« Je vais de nouveau repartir offrir mon expertise à l’étranger, ce qui est le lot de bien des immigrants formés à l’extérieur, aux noms et aux parcours inusités. »

RECONNAISSANCE DES DIPLÔMES

Quiconque arrive au Québec avec un diplôme étranger ne peut pas pratiquer du jour au lendemain. Dans le cas des infirmiers, ils doivent faire une demande de reconnaissance d’équivalence, qui est analysée par le Comité d’admission par équivalence de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ). L’OIIQ donne l’autorisation à 600 diplômés étrangers par année, en moyenne, de passer aux étapes suivantes.

Une fois admis, ils doivent suivre le programme d’intégration professionnelle, qui varie de quelques semaines à plusieurs mois, selon les compétences de chaque individu, puis ils effectuent un stage et passent un examen.

« En 2020, nous avions 120 diplômés prévus d’ici juillet prochain, mais plus de 75 sont en attente de stage présentement », a laissé savoir Michelle Therrien, conseillère en communications au cégep de Limoilou, qui accueille le tiers des infirmiers étrangers inscrits au programme d’intégration professionnelle.

« En ce moment, oui, les stages sont suspendus, a reconnu l’OIIQ. Une fois que la demande d’équivalence est lancée, chacun a un cheminement particulier, donc c’est quasi impossible de dire combien de personnes au total auraient eu ses reconnaissances d’acquis prochainement », a laissé savoir l’OIIQ mercredi, rendant impossible à évaluer le nombre d’infirmières et infirmiers compétents qui ne peuvent pas prêter main-forte dans le réseau, faute d’avoir acquis leurs connaissances au Québec.

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