Elisabeth II

L'adieu à la reine

C’est le plus long règne de l’Histoire. Pendant 70 ans, la reine Élisabeth II a incarné la Grande-Bretagne et porté l’amour de ses sujets.

« Ne pas fléchir » aurait mérité d’être sa devise. Ni sous le poids de la couronne, ni sous celui des années. Sa force, la reine l’a puisée dans son sens du devoir et la solidité de sa foi, mais aussi dans ces landes dont elle ne s’est jamais lassée. Des voûtes de Westminster aux bruyères écossaises, elle a cultivé, imperturbable, une part d’éternité d’autant plus précieuse que le monde ne cessait de se métamorphoser.

Le soleil ne se couchait jamais sur l’empire de Victoria. Il se lève sur celui des descendants d’Élisabeth II, mais voilé de brume : une émotion qui n’a pas de frontières.

L’insouciance d’une princesse qui n’est pas destinée au trône

Elle est petite-fille de roi, mais n’a pas l’enfance d’une héritière du trône. Son père, le prince Albert, dit Bertie, duc d’York, n’est que deuxième dans l’ordre de succession, derrière son aîné, David, prince de Galles. L’un adore la lumière, l’autre est timide, réservé, et surtout il se met à bégayer lorsque la pression est trop forte.

Mais il forme avec sa femme, Elizabeth, un couple heureux alors que le prince de Galles s’obstine à rester célibataire.

Le bébé a toutefois droit au traitement particulier réservé aux futurs souverains : selon une coutume vieille de deux siècles, un ministre a assisté à sa naissance.

Les amours maudites d’Edward VIII la propulsent fille de roi

« Je prie Dieu pour que mon fils aîné ne se marie jamais, qu’il n’ait jamais d’enfants, que rien ne sépare le trône de Bertie et Lilibet », confie le roi George V à un membre de la cour.

Cet aîné dont il aurait prédit la « ruine en 12 mois » est sacré roi en janvier 1936 sous le nom d’Edward VIII. Presque aussitôt il amène à Windsor celle par qui s’explique son célibat : Wallis Simpson, une Américaine, pas encore divorcée et admirative de Hitler. Scandale. Quelques mois plus tard, le roi amoureux abdique. Son frère George VI lui succède. Elizabeth devient l’avenir du royaume.

Matricule 230873 du centre de formation en transport mécanique : c’est désormais le titre de la princesse Élisabeth. En 1944, elle passe son permis dans un camp militaire puis rejoint l’armée de réserve : conductrice de camion. Sa mère raconte : « Pendant tout le dîner, elle nous a parlé bougies. » Cinq ans plus tôt, lorsque la guerre a éclaté, les enfants n’ont pas été évacués comme les autres petits Anglais. Churchill voulait les envoyer au Canada. Quand une bombe s’abat sur Buckingham, la reine mère déclare : « Je suis contente, enfin, je vais pouvoir regarder les gens de l’East End dans les yeux. »

La disparition de son père signe la fin d’un monde en noir et blanc

« Dieu m’aide à remplir dignement cette lourde tâche qui m’échoit si tôt dans la vie. » À 25 ans, Élisabeth devient reine. La nouvelle de la mort de son père l’a rattrapée au Kenya. Opéré d’un cancer du poumon, George VI l’avait envoyée à sa place dans une longue tournée du Commonwealth.

Le jour où le cercueil du roi est transporté à Westminster, un million de Londoniens sont dans les rues, tous cherchent à apercevoir leur nouvelle reine, cachée sous son voile de deuil.

À Westminster, le sermon est consacré à un « homme simple, courageux et bon ». Puis retentit le God Save the Queen.

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