« Convoi de la liberté »

Les camions d'Ottawa font tache d'huile

Paris, Bruxelles, Londres, Washington, Canberra, Wellington : des « convois de la liberté » prennent forme à travers le monde, financés notamment par des groupes d’extrême droite et s’inspirant des manifestants qui monopolisent toujours la colline parlementaire à Ottawa.

Coup de théâtre : le drapeau canadien, généralement discret sur la scène internationale, est devenu, depuis deux semaines, le symbole à travers le monde des manifestations « pour la liberté », ou « contre les mesures de protection contre la COVID-19 », selon le point de vue qu’on adopte.

En effet, 12 jours après leur arrivée à Ottawa, des camions lourds et des milliers de manifestants qui s’opposent aux mesures sanitaires – voire qui exigent la destitution du premier ministre Justin Trudeau – bloquent toujours le centre-ville de la capitale canadienne. Un modèle qui fait des petits à travers le monde, où d’autres convois se mettent en branle.

États-Unis

La date du 1er mars circule sur certains réseaux sociaux comme Telegram – une application de messagerie cryptée – pour l’arrivée de convois d’opposants aux mesures sanitaires à Washington DC, capitale des États-Unis. Déjà à New York lundi, plusieurs centaines d’employés municipaux ont manifesté contre la décision de la Ville de limoger à partir de vendredi ceux qui refusent la vaccination contre la COVID-19. La veille, une centaine de chauffeurs routiers ont manifesté en Alaska.

L’ex-président américain Donald Trump soutient ouvertement les manifestations à Ottawa, de même que le milliardaire Elon Musk et plusieurs chaînes de télévision américaines associées à la droite comme Fox News.

La mobilisation a aussi reçu le soutien des responsables conservateurs américains, comme le sénateur du Texas Ted Cruz qui qualifie les protestataires de « héros » et de « patriotes ». Une publicité qui a contribué à diffuser le mouvement, selon Ciaran O’Connor, analyste pour l’Institute for Strategic Dialogue, une organisation britannique visant à contrecarrer la polarisation, l’extrémisme et la désinformation. « Lorsque les médias américains de droite récupèrent quelque chose, ça devient mondial », explique-t-il.

La plateforme GoFundMe avait amassé plus de 10 millions de dollars pour les organisateurs du convoi canadien et a, depuis samedi, décidé de rembourser les dons. La campagne de sociofinancement avait été partagée sur plusieurs groupes et réseaux sociaux d’extrême droite, notamment américains, rapportait dimanche la revue Politico.

Les organisateurs se sont depuis tournés vers la plateforme chrétienne GiveSendGo, établie aux États-Unis. En quelques jours, ils ont amassé près de 8 millions CAN. « Ce qui est unique, c’est l’ampleur que ça prend [en termes de donateurs et de fonds reçus] », s’étonne Ciaran O’Connor.

La décision de GoFundMe a été décriée par plusieurs élus républicains aux États-Unis, au point de créer des tensions avec le Canada. « Ce n’est certainement pas la préoccupation du procureur général du Texas de savoir comment nous menons notre vie quotidienne au Canada conformément à la primauté du droit », a déclaré lundi Marco Mendicino, ministre fédéral de la Sécurité publique, tel que rapporté par L’actualité. « Nous sommes Canadiens, nous avons notre propre ensemble de lois et nous les suivrons. »

France et Angleterre

En France, Paris pourrait être pris d’assaut dès vendredi par des milliers d’opposants au passeport vaccinal qui prévoient se rendre dans la capitale dans un « convoi de la liberté ».

Dans les groupes Facebook et Telegram « Convoy France officiel », des militants tentent d’organiser une action nationale d’ampleur, avec plusieurs trajets à travers le pays. Un lieu précis dans la capitale n’a pas encore été déterminé. Les camionneurs ne sont toutefois pas liés au mouvement.

En Angleterre, le UK Freedom Convoy s’est regroupé à Westminster lundi en soutien aux camionneurs canadiens, selon le Britain’s News Channel.

Belgique

Des convois en provenance de plus d’une vingtaine de pays d’Europe s’organisent pour se diriger vers Bruxelles, capitale de l’Union européenne, dès la semaine prochaine, selon les informations trouvées sur le groupe Telegram « Euro Convoy ». La date du 14 février a été avancée, indique le quotidien belge The Brussels Times. « Si on se fie à l’activité en ligne, il y a beaucoup de discussions », confirme Ciaran O’Connor.

Un « ras-le-bol généralisé » explique en partie cette mouvance, constate David Morin, professeur de science politique à l’Université de Sherbrooke. « Le caractère symbolique du convoi à Ottawa – les camionneurs qui défendent la liberté – a une portée médiatique importante, remarque-t-il. Pour plein de gens qui regardent ça de loin, ça marque beaucoup l’esprit. »

Australie et Nouvelle-Zélande

Des protestataires qui se disent partie prenante du « convoi de la liberté » sont massés à Canberra, capitale de l’Australie, depuis huit jours. Ils n’ont pas l’intention de bouger, ce qui fait craindre une escalade de la violence, rapportait mardi le Washington Post.

En Nouvelle-Zélande, un convoi de camions et d’autocaravanes a bloqué mardi le quartier du parlement dans la capitale Wellington pour protester contre les mesures sanitaires en place, parmi les plus draconiennes du monde. Plusieurs manifestants portaient des drapeaux canadiens.

Ces mouvements sont souvent instrumentalisés par des groupes liés à la droite de la droite, rappelle David Morin, aussi cotitulaire de la Chaire UNESCO en prévention de la radicalisation et de l’extrémisme violents. « On a ici une extrême droite qui est habile sur les réseaux sociaux, bien connectée dans le monde occidental et qui a une approche transnationale, observe-t-il. Force est d’admettre que, sur le plan politique, ils ont réussi à déstabiliser, même si temporairement, le débat politique. »

— Avec l'Agence France-Presse

2467

Nombre de comptes, pages et canaux en ligne appartenant à des groupes d’extrême droite en 2020 au Canada

3 207 332

Nombre de pièces de contenu créées par ces groupes d’extrême droite en ligne en 2020 au Canada

SOURCE : INSTITUTE FOR STRATEGIC DIALOGUE

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