Étude de l’INSPQ

Huit ou neuf contacts par jour feraient exploser les cas

Il suffirait que les Québécois entrent en contact « non protégé » avec huit ou neuf personnes différentes chaque jour au cours de l’été pour que la courbe d’infections retourne à son sommet d’avril, suggère une modélisation publiée par l’INSPQ.

Réalisée sous la direction du Groupe de recherche en modélisation mathématique des maladies infectieuses de l’Université Laval, l’étude montre que les Québécois ont fortement adhéré aux mesures de distanciation physique depuis le début de la pandémie.

Alors qu’ils avaient des contacts physiques ou des conversations à moins de 2 mètres avec 12,2 personnes en moyenne chaque jour avant le confinement, ce nombre a chuté à 4,5 pendant le confinement.

Certaines mesures de prévention, dont le port du masque, ont aussi augmenté de façon importante entre avril et mai, particulièrement dans la grande région montréalaise. « Ça correspond avec le moment où les cas incidents ont diminué et où on a repris le contrôle dans les CHSLD », souligne le responsable de l’étude, le DMarc Brisson.

Mais voilà, la chose est fragile. Les Québécois ont commencé à se déconfiner. Ils augmentent les contacts sociaux, sans distanciation physique et sans masque, depuis le retour du beau temps. « C’est très anecdotique, mais on le voit dans les centres commerciaux, dans les épiceries, c’est de plus en plus difficile de garder les 2 mètres de distance », note l’épidémiologiste de l’Université de Montréal Benoît Mâsse, qui a collaboré à l’étude.

« On sent que le gouvernement et la Direction de santé publique sont nerveux. Malheureusement, à ce stade-ci, on n’a aucune donnée probante nous indiquant précisément dans quelle mesure ces contacts ont augmenté. »

— Benoît Mâsse, épidémiologiste de l’Université de Montréal

Selon leurs projections, une réduction de l’adhésion aux mesures de distanciation qui ferait passer le nombre de contacts non protégés de six à neuf par jour provoquerait « une augmentation des infections au courant de l’été, et une accélération au mois d’août, explique M. Brisson. La tendance irait alors vers un nombre de cas infectieux à peu près pareil à ce qu’on a vu en avril ».

Au contraire, le maintien d’une adhésion forte aux mesures de distanciation, qui implique de maintenir les 2 mètres, de porter le masque dans les endroits publics et de limiter entre 3 et 6 les contacts par jour, permettrait de maintenir la courbe de nouvelles infections à la baisse et d’éviter une seconde vague.

Dans tous les cas, selon les épidémiologistes, l’impact du déconfinement ne sera pas visible avant la fin de l’été.

« En Europe, ça a quand même pris quatre ou cinq semaines dans leur déconfinement pour voir apparaître des éclosions localisées. Ici, ça nous amène fin juillet, début août. »

— Le DMarc Brisson, responsable de l’étude de l’INSPQ

La période actuelle risque d’être déterminante, avec la Saint-Jean et la fête du Canada, qui génèrent beaucoup d’événements sociaux. Les épidémiologistes craignent particulièrement un « événement de superpropagation », où un seul individu en infecte 20 autres « dans l’espace d’une heure ou deux », explique M. Mâsse.

La bonne nouvelle, souligne Benoît Mâsse, est que les Québécois ont en général moins de contacts pendant l’été. Ils prennent moins les transports en commun et risquent moins de se retrouver dans des espaces clos comme les bureaux.

Le tourisme ne semble pas, non plus, être un risque important, selon les projections. « Ce ne sont pas les cas “importés” qui sont déterminants, précise M. Brisson. Ce qui importe, c’est que partout, dans toutes les régions, la distanciation soit respectée. Il faut apprendre de ce qui s’est passé », insiste-t-il.

« Il faut faire attention particulièrement aux endroits clos, comme les CHSLD, mais aussi les usines et les abattoirs. Et il faut continuer à tester et tester pour savoir où on se situe », ajoute le chercheur.

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