Mon clin d’œil

« Merci à Meghan et Harry pour le scénario d’une prochaine saison ! »

— Les producteurs de The Crown

Réplique : Plan de relance

Qui va payer pour l’équilibre budgétaire ?

En réponse aux chroniques de Francis Vailles publiées les 1er et 2 mars sur les propositions de Québec solidaire quant au plan de relance

Le chroniqueur économique de La Presse Francis Vailles a publié ces derniers jours deux textes* consacrés aux propositions fiscales du plan de relance présenté fin février par Québec solidaire. En tant que porte-parole du caucus solidaire en matière de finances et d’économie, je me réjouis de voir un chroniqueur respecté d’un quotidien national prendre la plume pour analyser nos propositions. Je souhaite toutefois recadrer certaines perceptions erronées qui se dégagent à la lecture de ces chroniques.

Commençons par le commencement : le titre, certes accrocheur, mais aussi trompeur, de la première chronique, qui se lisait ainsi : « La solution de QS : hausser les impôts de 50 % ». C’est faux. Québec solidaire ne veut pas augmenter les impôts de 50 %. Au contraire, nous avons dans notre programme un projet détaillé de révision de la grille fiscale qui avantagerait la classe moyenne et les plus bas salariés.

Ce que nous proposons dans notre plan « Se relever ensemble » est de hausser temporairement de 11 à 17 % le taux d’imposition de certaines entreprises (les plus profitables, soit celles qui ont profité de la pandémie, et au-delà d’un seuil minimal de revenus) afin de créer un « impôt de pandémie ». Les crises appellent des mesures exceptionnelles et des efforts de solidarité.

Ce faisant, nous reviendrions, pour un temps, à un taux d’imposition qu’ont connu les entreprises au Québec avant les vagues successives de baisses d’impôts offertes par les gouvernements libéraux.

Dois-je rappeler qu’il n’y a pas eu d’exode des entreprises durant cette époque récente ?

M. Vailles doute, par ailleurs, que cet impôt de pandémie procure au Trésor public les fruits fiscaux estimés dans notre plan de relance. Je ne me lancerai pas ici dans de grandes batailles de chiffres. Cela nous éloignerait de l’esprit de notre proposition qui a été élaborée sur deux principes fondamentaux : rétablir une justice fiscale et replacer au centre de nos préoccupations la survie de nos services publics mis à mal par des décennies de compressions.

Redonner à la collectivité

Nous jugeons juste et équitable que des entreprises qui ont connu une période faste durant la pandémie (et qui ont souvent bénéficié en plus d’une forme ou l’autre d’aide gouvernementale) redonnent un brin à leur collectivité. C’est mignon de faire des pubs pour remercier les « anges gardiens », mais ce serait plus crédible et utile de participer à l’effort de guerre post-pandémique en espèces sonnantes et trébuchantes.

M. Vailles craint, de plus, que ces entreprises refilent une partie de la hausse d’impôt à leurs clients. Argument commun. Je crois pour ma part qu’il y a une limite à presser le citron d’une clientèle qui peut aller voir ailleurs.

Le chroniqueur évoque aussi, autre argument classique, l’optimisation fiscale. Ici, j’avoue éprouver un malaise grandissant à entendre des élus, des économistes ou des chroniqueurs expliquer et même justifier le recours à ces stratagèmes fiscaux, comme s’il s’agissait d’un réflexe normal et même légitime.

Je plaide pour la revalorisation du devoir fiscal, particulièrement en temps de crise. Ça nous changerait de cet argument complice de la fatalité fiscale, qui nous dit, en gros, qu’une entreprise ou un individu cherchera toujours à resquiller ses devoirs fiscaux dès lors qu’il ou elle jugera être victime d’une surcharge financière de l’État.

Il est plus que temps que revoir nos modèles, de penser « en dehors de la boîte », d’avoir l’audace de remettre au devant de toute action politique le bien-être collectif devant l’enrichissement personnel ou corporatiste.

Même chose pour la fiscalité des individus. Des gens se sont levés ici et ailleurs – Mitch Garber dans les pages de La Presse, les jeunes du groupe Ressources en mouvement, Warren Buffett, Bill Gates et bien d’autres – pour dénoncer le traitement de faveur dont ils profitent eux-mêmes.

M. Vailles ne partage pas nos solutions pour rétablir cette nécessaire et louable justice fiscale, mais il reconnaît que la disparité affolante des revenus entretient un climat délétère dans nos sociétés.

Surtout, ce que les critiques de notre proposition d’impôt sur les grandes fortunes omettent savamment de dire, c'est quelle est la solution de rechange. Si les plus riches ne contribuent pas davantage, ne nous comptons pas d’histoire, ça sera la classe moyenne qui payera. Ce que nous tentons précisément d’éviter. Rappelons-nous aussi que lorsqu’il y a eu des baisses d’impôts ces dernières décennies, ce sont les plus riches et les entreprises qui en ont bénéficié le plus.

J’insiste ici pour mentionner que nous sommes le seul parti à l’Assemblée nationale à amener de l’eau au moulin de la nécessaire réflexion sur la fiscalité en cette période trouble.

En ce sens, je salue la perspicacité du chroniqueur Vailles de jouer quelques coups sur la balle que nous avons mise au jeu. M. Vailles et nous ne partageons pas, à l’évidence, les mêmes conclusions, mais c’est par les débats d’idées qu’on nourrit la réflexion collective. Pour moi, M. Vailles inscrit son analyse dans cette réflexion.

Le chroniqueur et nous ne nous entendons pas sur les moyens à utiliser pour accroître les revenus de l’État, mais nous sommes d’accord sur une chose : il existe des sources de revenus chez les plus riches. Cela me paraît plus constructif dans l’actuel débat que la réponse du ministre des Finances, Eric Girard, qui m’a dit récemment qu’il « ne peut taxer les riches parce qu’il n’y a pas de riches au Québec ».

Le même ministre des Finances tient mordicus au retour à l’équilibre budgétaire d’ici cinq ans, et ce, sans hausse d’impôts et, promet-il, sans diminution des dépenses.

Plusieurs économistes, dont les chercheurs de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke, estiment qu’un tel scénario est « impossible ».

Nous croyons, de notre côté, qu’une telle posture nous mène directement vers une nouvelle ronde d’austérité, et c’est précisément ce que nous voulons éviter.

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