Relève inc.

Un « self-made-man » qui n’a pas froid aux yeux

Débarqué d’Australie il y a huit ans pour apprendre le français, Luke Spicer, 30 ans, est maintenant copropriétaire de 5 cafés, dont 1 à Toronto, a 40 employés et un chiffre d’affaires de plus de 2 millions de dollars. S’il se bat toujours avec l’immigration pour obtenir sa résidence permanente, il n’a pas l’intention de baisser les bras. « Ma vie, elle est ici », dit-il dans un excellent français.

Luke Spicer est dans la restauration depuis l’adolescence. En 2009, il a lancé avec l’aide d’un client du café où il travaillait l’original Café Névé, rue Rachel, sur le Plateau Mont-Royal. Puis, il a fait des petits. D’abord, le Flocon, sur l’avenue Mont-Royal, récemment rebaptisé pour se conformer au reste de la famille. Luke a ensuite donné des parts à un employé de confiance et ami, Gabriel Rousseau, afin de le garder dans l’entreprise et d’avoir des jours de congé. Une décision gagnante. 

En plus de s’occuper de la comptabilité, Gabriel a su saisir l’occasion d’ouvrir un Café Névé dans la première boutique de vêtements pour hommes Frank & Oak qui avait déjà fait sa réputation en ligne. Le mariage a été profitable. Il a littéralement lancé une nouvelle ère chez Névé. Récemment, Frank & Oak a ouvert une boutique au centre-ville de Montréal, puis une autre à Toronto et Café Névé est de la partie. 

Luke Spicer n’a finalement pas tellement de congés, mais chaque jour, il est heureux de se rendre au boulot. Il s’est tout de même promis, avec Gabriel, de ne pas ouvrir de nouveau café dans les six prochains mois. Question de se donner un peu de répit. Et de passer Noël avec la famille et les koalas.

Quels sont vos défis comme directeur général du Groupe Névé ?

Garder l’esprit original du Névé dans tous nos cafés. J’ai créé le Café Névé pour avoir un endroit communautaire où on sert du bon café et de la bonne bouffe. C’est pour cette raison qu’on peut par exemple se démarquer au centre-ville. On y apporte une touche du Mile End. Pour garder cet esprit, Gab et moi passons pratiquement chaque jour dans tous nos cafés pour jaser avec nos employés. Il faut être là, montrer qu’on les apprécie. D’ailleurs, notre taux de roulement est très bas et si certains partent, pour les études par exemple, nous en avons toujours qui reviennent l’année suivante et ça me fait vraiment chaud au cœur.

Quel a été votre pire échec duquel vous avez appris ?

Je n’ai pas eu un gros échec, mais j’apprends de mes expériences. Par exemple, j’ai appris à laisser des choses aller. Quand j’ai lancé le Névé, je voulais que tout soit parfait. J’étais dans le micromanagement. C’est normal au début, mais à un moment donné, il faut prendre du recul. Je me demande maintenant si ce qui me dérange affecte l’expérience client. Si la réponse est non, je dois laisser aller. Sinon, je me stresse avec ça, puis je stresse mes employés. Je trouve aussi que c’est correct de faire des erreurs. Je dis toujours à mes employés de m’arriver avec une réponse au lieu d’une question. Même si cette réponse est mauvaise, au moins, la personne aura essayé quelque chose. J’ai appris aussi que c’était important de prendre des moments de répit au quotidien, de voir ses proches, d’avoir une vie sociale.

Où vous voyez-vous dans 10 ans ?

J’espère être encore au Canada ! J’ai seulement un permis de travail en ce moment. Puis, j’aimerais m’installer à la campagne et ouvrir un petit restaurant. Peut-être avec Gab qui pourrait s’occuper de la carte des vins alors que je m’occuperais de la cuisine. J’ai grandi plus en campagne en Australie. Je veux des enfants et je veux qu’ils grandissent à la campagne. J’adore la ville, mais c’est difficile aussi actuellement d’avoir une petite entreprise locale à Montréal. Je dis toujours qu’il y a deux choses qui me suivent : les travaux et les Starbucks. À chaque café que j’ai ouvert, des travaux et un Starbucks sont arrivés à côté dans les six premiers mois !

Nommez-moi une personne qui vous inspire.

Anthony (Benda) du Café Myriade. J’ai travaillé avec lui lorsque je suis arrivé à Montréal. J’ai pratiquement grandi avec lui ! Nous sommes restés très proches. Je l’ai aidé à construire son café, puis il m’a aidé avec l’équipement du Névé. Nous avons été dans les premiers à ouvrir ce genre de café à Montréal. Contrairement à bien d’autres dans l’industrie, il ne se prend pas au sérieux. Les chefs m’inspirent énormément également à Montréal. Comme Marc-Alexandre Mercier de Hôtel Herman qui travaille sans arrêt. Gab aussi, mon associé. Parfois, il m’envoie des messages à 1 h du matin parce qu’il est encore dans la comptabilité. Il me donne envie de me donner encore plus chaque jour dans mon travail.

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