Opinion : propagation du coronavirus

Les gouttelettes de la Castafiore !

Pourquoi le virus du SARS-CoV-2 a-t-il frappé fortement la Lombardie dans le nord de l’Italie, mais moins d’autres régions comme Rome ? Qu’est-il arrivé en avril dans la ville de Guayaquil, en Équateur, pour qu’autant de personnes meurent aussi rapidement ? Un virus comme l’influenza se comporte de façon assez linéaire en se propageant d’une personne à une autre, mais qu’en est-il des coronavirus ?

Les autorités sanitaires surveillent depuis des mois le taux de reproduction du virus en temps réel, c’est-à-dire le nombre moyen d’infections secondaires produites par personne infectée dans une population où il y a des personnes non susceptibles d’acquérir le virus. Par exemple, si une personne en infecte en moyenne deux autres, on dit que le Rt est de 2.

Or, dans une étude publiée le 17 septembre dans la revue Nature*, les chercheurs ont découvert à partir du retraçage de contacts que seulement 19 % des personnes infectées étaient responsables de 80 % de toutes les transmissions survenues à Hong Kong. De plus, 69 % des personnes positives n’auraient pas infecté d’autres individus.

Le patient 31

Comme le rapporte le journaliste Zeynep Tufekci dans la revue The Atlantic Monthly**, pour comprendre ce phénomène de super propagation, il faut mettre en scène le fameux patient 31 de la Corée du Sud.

Avant d’être déclarée positive à la COVID-19, une Coréenne s’est promenée dans des endroits densément peuplés des villes de Daegu et Séoul. Les autorités ne savent pas quand et comment elle a été infectée par le virus.

Le 6 février, la Coréenne est impliquée dans un accident de voiture, puis transportée à l’hôpital de médecine Orientale. De ce qu’on sait, elle se rend à l’église de Schincheon, les 9 et 16 février.

Le 15 février, la patiente commence à ressentir des symptômes de fièvre. Les médecins lui suggèrent alors d’aller passer un test pour savoir si elle est infectée par le coronavirus. Or, plutôt que d’aller passer le test, la femme se rend avec une amie dans le restaurant d’un hôtel où l’on sert un buffet. Les symptômes continuent de s’aggraver et, le 17 février, elle va dans un autre hôpital se faire tester.

C’est le jour suivant que les autorités annoncent que la Coréenne est le 31e cas confirmé de COVID-19, d’où l’appellation de patient 31.

Par la suite, tout déboule, des centaines de personnes de l’église et des environs reçoivent un diagnostic positif et on estime que le patient 31 aura généré plus de 5000 cas à Daegu.

Fumée secondaire

Le retraçage des contacts a permis de comprendre que la transmission de la COVID-19 se fait principalement lorsqu’une personne est à proximité d’une autre infectée.

Dans un texte du Time***, le chercheur Jose-Luis Jimenez fait une analogie avec la fumée de cigarette. Si une personne partage sa maison avec un fumeur ou si elle passe beaucoup de temps près d’un fumeur, il y a de bonnes chances qu’elle inhale aussi la fumée ou à tout le moins la fumée secondaire qui s’accumule dans la pièce.

Les aérosols provenant de la bouche et du nez se comportent un peu comme de la fumée secondaire.

Et dans un espace fermé, tel que rapporté dans le New York Times, les aérosols peuvent voyager à bien plus que 6 pieds (1 m 82). Des scientifiques ont isolé le virus dans une chambre d’hôpital à des distances de 7 à 16 pieds d’une personne infectée. Toutefois, il est à noter qu’on ne sait pas si la quantité de virus à ces distances est suffisante pour causer une infection.

Contrôler les super agents de propagation

Pour contrôler la propagation du virus, il faut encourager le travail à la maison, tenir des activités extérieures, éviter les endroits clos sans ventilation, se distancer, désinfecter les surfaces, se laver les mains fréquemment, porter le masque chirurgical, ne pas baisser la garde dans les salles communes et bien aérer les lieux en ouvrant les fenêtres, en ajoutant de la ventilation ou en filtrant l’air.

Et la clé est peut-être de chercher à mieux contrôler ces évènements où il y a production d’une grande quantité d’aérosols comme dans les lieux qu’a fréquentés le patient 31 de la Corée du Sud.

Pour visualiser ce qu’est un super agent de propagation du virus, imaginez la Castafiore infectée chanter dans une salle close. Avec toute son énergie et sa voix, elle peut propulser avec force des gouttelettes et des aérosols qui contiennent le virus du SARS-CoV-2, et ce, au grand dam du capitaine Haddock. C’est ça un évènement favorisant une super propagation du virus.

Les autorités sanitaires doivent comprendre comment le virus se propage, comment prévenir la contagion au plus grand nombre, identifier les endroits, les évènements à risque et tester et retracer rapidement les contacts lors des rassemblements.

Fermer de nouveau l’économie, les écoles, les commerces pour de longues périodes serait catastrophique, il faut penser à des stratégies plus efficaces, innovantes et apprendre à vivre avec le virus pour qu’on puisse entreprendre 2021 avec confiance et avec force.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.