Grâce à l’inflation

Les revenus de Québec augmentent de 4,7 milliards

Les citoyens souffrent peut-être de l’inflation, mais pour le gouvernement du Québec, c’est l’abondance : le déficit de 6,45 milliards prévu dans le budget Girard de mars dernier a pratiquement disparu grâce à une hausse marquée des revenus de taxes et d’impôt, révèle le rapport préélectoral du ministère des Finances.

Selon ce rapport, audité par la vérificatrice générale du Québec Guylaine Leclerc et présenté lundi, le déficit prévu en 2022-2023 après un versement de 3,4 milliards au Fonds des générations n’est plus que de 700 millions. Et dans les faits, la province retrouvera le chemin de l’équilibre budgétaire avec un surplus de 1,7 milliard avant ce versement, note Mme Leclerc. Cela s’explique par une hausse importante des revenus autonomes de l’État.

En un mot, c’est l’abondance. Les citoyens québécois vont payer 2,3 milliards de plus en impôt que ce qu’avait prédit le ministre Girard en mars dernier. Les entreprises : 1 milliard. Et du côté des taxes, l’État engrangera 639 millions de plus qu’escompté. Au total, les revenus autonomes du Québec seront supérieurs de 4,7 milliards, un montant global qui exclut les transferts du fédéral et les profits des sociétés d'État. Celles-ci devraient rapporter au trésor public 579 millions en plus.

La vérificatrice générale est claire : cette embellie ne s’explique pas par une productivité plus importante des entreprises québécoises. Le PIB réel est plus faible que ne l’anticipait le ministère des Finances en 2020. La forte augmentation des revenus consolidés du gouvernement « provient essentiellement des effets de la hausse de l’inflation et de la reprise de l’activité économique », dit-elle.

Prévisions plausibles

Depuis 2015, le ministre des Finances a la responsabilité de préparer et de publier un rapport sur l’état des finances publiques du Québec avant chacune des élections générales. Ce document est ensuite certifié par le Vérificateur général du Québec.

Dans ce cas-ci, l’équipe de la VG estime que le document tient la route et que les prévisions sont généralement « plausibles ».

Il pourra servir de socle au cadre financier des partis politiques qui seront en campagne dans près de deux semaines, et qui tenteront de trouver le moyen de financer leurs promesses électorales.

« À partir du cadre financier qui est présenté dans ce rapport […], tous les partis politiques peuvent établir leur plateforme. Donc, par exemple, si un parti fait un choix, bien, il peut aller à l’intérieur du cadre et voir quel sera son impact. »

— Guylaine Leclerc, vérificatrice générale

« Et ça pourra être soit une augmentation de dette ou une diminution de certains services […]. Mais l’exercice était justement de s’assurer que tous les partis aient un rapport plausible avec lequel ils puissent établir leur plateforme électorale », explique-t-elle.

Risque de récession

Mais même si le gouvernement du Québec engrange beaucoup plus de revenus que prévu, cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de nuages noirs. Compte tenu du « niveau d’incertitude très élevé quant à la situation économique », la VG juge « pertinente » l’inclusion dans le cadre financier de provisions pour risques économiques de 2 milliards en 2023-2024 et de 1,85 milliard en 2024-2025.

Mais si « les risques économiques ne se concrétisent pas », il « existe une possibilité que le surplus aux fins des états financiers consolidés du gouvernement soit plus élevé que prévu et que le déficit du solde budgétaire s’améliore d’autant ». Sans récession, le solde budgétaire du Québec pourrait être positif dès 2023-2024. L’expression « déficit structurel » ne se retrouve d’ailleurs pas dans le rapport préélectoral, note l’équipe de la VG.

Et le ministre des Finances, Eric Girard, est optimiste. « Nous ne prévoyons pas de récession », a-t-il lancé en conférence de presse. Le ministre confirme d’ailleurs que la Coalition avenir Québec (CAQ) promettra une « baisse d’impôt sur le revenu des particuliers » de façon « ordonnée et responsable » puisque les « Québécois sont les citoyens les plus taxés en Amérique du Nord », a-t-il ajouté.

Il n’a pas souhaité dire à quel moment cette baisse d’impôt serait en vigueur, ni quelle serait son ampleur, ni de quelle façon il la financerait. Pas question, toutefois, de faire des coupes dans les services, a-t-il dit. Par ailleurs, M. Girard a précisé que la baisse d’impôt s’ajouterait à un nouveau chèque d’aide contre l’inflation qui pourrait être envoyé aux Québécois d’ici la fin de l’année. Un premier versement de 500 $ a été effectué en mars dernier, mais depuis l’inflation n’a cessé de grimper.

Ce qu'ils ont dit

« La vérificatrice générale est claire dans son rapport préélectoral : si les finances publiques vont bien, c’est parce que la vie coûte plus cher aux contribuables. Je ne me péterais pas les bretelles si j’étais à la place de François Legault. Les familles souffrent de l’inflation et la CAQ n’a rien fait pour les aider à part leur envoyer un chèque qui était déjà dépensé à la fin du mois tant les besoins sont grands. »

— Ruba Ghazal, Québec solidaire

« L’enjeu de l’élection devrait être le budget des familles, la capacité des familles de faire face à la hausse du coût de la vie. Qu’est-ce qu’un gouvernement peut faire ? Qu’est-ce qu’un gouvernement doit faire ? Et, dans le cas du Québec, le gouvernement du Québec a les moyens d’agir, et ça passe par, à notre avis, une baisse d’impôt ainsi qu’un transfert direct aux aînés. Nous avons proposé dans notre plateforme électorale les 2000 $.  »

— Carlos Leitão, Parti libéral du Québec

« Cette mise à jour budgétaire confirme que l’on doit baisser les impôts et suspendre la taxe sur l’essence, comme le propose le Parti conservateur du Québec. Il est indécent que le gouvernement Legault profite de l’inflation pour remplir ses poches et vider celles des familles québécoises. »

— Éric Duhaime, chef du Parti conservateur du Québec

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