« On ne comprend pas ce qui s’est passé »
La COVID-19 a fait sa plus jeune victime au Québec depuis le début de la pandémie, emportant dimanche Don Béni Kabangu Nsapu, un jeune homme de 19 ans qui n’avait aucun problème médical connu. Atterré, son père, Alain Nsapu Lukinda, espère trouver des réponses dans les résultats d’autopsie qu’il attend avec impatience.
Don Béni Kabangu Nsapu est mort le 16 août à l’hôpital Pierre-Le Gardeur, plus d’un mois après avoir reçu un diagnostic de COVID-19.
« Rien ne laissait croire que son état allait se détériorer aussi vite », confie M. Nsapu Lukinda, rencontré chez lui à Repentigny. « C’était un garçon sportif. Il jouait au soccer, s’entraînait pour le basket, il faisait aussi de la course pour son école. » En 2019, il avait gagné un prix de l’organisation de promotion du sport en milieu étudiant RSEQ, pour sa persévérance scolaire et sportive.
« On ne comprend pas ce qui s’est passé », confie Alain Nsapu Lukinda, père du jeune homme.
Le premier ministre François Legault a réagi sa mort vendredi.
« C’est la première fois, depuis le début de la pandémie, qu’une personne de moins de 20 ans décède de la COVID. On est en train évidemment de procéder à l’autopsie, mais c’est troublant. C’est inquiétant. Ça vient confirmer, malgré certains groupes complotistes qui pensent que ce n’est pas vrai, le virus, bien oui, il y a un virus qui est dangereux. »
« [Le virus] s’attaque plus aux personnes qui sont vulnérables, aux personnes âgées, mais les jeunes ne sont pas à l’abri. Donc, ça veut dire : portez le masque, c’est sérieux. Évidemment, j’offre toutes mes condoléances à la famille de ce jeune homme. »
— François Legault, premier ministre du Québec
Niveau de globules blancs anormalement bas
Le jeune homme s’est réveillé un matin de juillet avec un mal de tête. Ses parents l’ont emmené à l’hôpital. Son médecin a constaté qu’il avait un niveau de globules blancs anormalement bas, affirme M. Nsapu Lukinda, mais les examens ont rapidement confirmé qu’il était atteint de la COVID-19.
Il a alors été renvoyé en quarantaine à la maison. « Il n’a pas eu d’antibiotiques et le médecin n’a pas fait d’analyse pour dire pourquoi les globules blancs étaient bas », dit M. Nsapu Lukinda.
Trois médecins avec qui La Presse s’est entretenue sans parler spécifiquement du cas du jeune homme ont indiqué qu’une baisse du niveau de globules blancs est fréquente lors d’infections virales. « C’est particulièrement fréquent avec la COVID-19. C’est un trait reconnu de cette maladie », précise la Dre Cécile Tremblay, chercheuse, microbiologiste et infectiologue au Centre hospitalier de l’Université de Montréal. Un faible niveau de globules blancs « n’est pas une cause, mais plutôt une conséquence de tout ce qui se passe dans le système de la personne infectée », ajoute-t-elle.
Selon M. Nsapu Lukinda, son fils a été isolé de ses cinq frères et sœurs, qui ont été suivis de près par la Direction de santé publique. Le reste de la fratrie n’a pas contracté la maladie.
« Ça allait relativement bien jusqu’à la troisième semaine. Un matin, mon fils s’est levé et avait de la difficulté à respirer. Il ne mangeait plus à cause de ses maux de gorge. Nous avons dû appeler le 911 », raconte le père du jeune homme.
Dès son arrivée à l’hôpital, les médecins l’ont placé dans un coma artificiel. Pendant neuf jours, ses parents n’ont pu le voir qu’à travers une fenêtre. « Il avait les yeux fermés et ne communiquait pas. »
Il est mort au bout de neuf jours passés en isolement aux soins intensifs. Ce n’est qu’à ce moment que ses parents ont été autorisés à entrer dans la chambre pour s’approcher de la dépouille.
« C’est le premier enfant de cet âge à mourir au Québec. Je ne comprends pas comment ça a pu se passer, les jeunes ne meurent pas de la COVID. »
— Alain Nsapu Lukinda
« Le fait qu’il avait un faible taux de globules blancs me tracasse. J’aimerais savoir s’il n’a pas eu une autre maladie cachée qui n’a pas été découverte et que ça l’a tué », dit le père endeuillé.
Sans confirmer son identité ni donner quelque détail que ce soit au sujet du dossier médical pour des raisons de confidentialité, le ministère de la Santé et des Services sociaux confirme qu’une personne de 19 ans est morte de complications liées à la COVID-19 dimanche dernier.
« Quand il y a un décès d’une jeune personne, c’est certain qu’il y a une investigation plus poussée qui est faite », indique la porte-parole du Ministère, Marie-Claude Lacasse.
« Quand des personnes jeunes meurent de la COVID-19, c’est généralement parce qu’il y avait des comorbidités qui les rendaient plus vulnérables », ajoute-t-elle.
Ce n’est pas toujours le cas, précise cependant la Dre Tremblay. « On voit aussi des décès parmi des jeunes en santé », dit-elle.
« Une étude européenne récente basée sur une cohorte de 582 enfants hospitalisés pour la COVID-19 a trouvé que seulement 25 % avaient des affections préexistantes, alors que 75 % étaient en bonne santé. »
— La Dre Cécile Tremblay, chercheuse, microbiologiste et infectiologue au Centre hospitalier de l’Université de Montréal
« Oui, certaines comorbidités comme le diabète, l’obésité et les maladies respiratoires peuvent prédire un mauvais parcours de maladie pour la COVID-19, mais ça arrive aussi dans beaucoup de cas chez des personnes en parfaite santé », ajoute la chercheuse.
Le jeune homme, décrit par son père comme assez solitaire, pourrait avoir été infecté au travail. Il occupait un emploi de week-end dans un restaurant d’une grande chaîne.
Ses funérailles auront lieu ce samedi. Des proches ont lancé une campagne de sociofinancement sur le site GoFundMe pour récolter des dons afin de venir en aide à la famille.
— Avec Fanny Lévesque, La Presse